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Elle accuse son ex-petit ami de séquestration et de torture - Lucy Lemasson : «Si je suis vivante aujourd’hui, c’est parce que j’ai eu la force de fuir»

14 février 2022

L'ex-petit ami de la jeune femme a été hospitalisé quelques heures après sa comparution en cour.

Les féminicides ne se comptent plus. Ces dernières années, de nombreuses femmes ont succombé sous les coups d’un compagnon trop jaloux ou d’un ex-petit ami ne souhaitant pas tourner la page. Lucy Lemasson, elle, ressemble à une survivante. Si elle garde encore des séquelles physiques et émotionnelles de son expérience traumatisante, elle dit aussi que le martyr qu’elle aurait vécu entre les mains de son bourreau, la semaine dernière, l’a rendue plus forte. «Parlez, ne laissez pas ce type de personnes impunies», conseille-t-elle à toutes les femmes «victimes de n’importe quelle violence ou injustice» : «Si je suis vivante aujourd’hui, c’est parce que j’ai eu la force de fuir. C’est ce qui m’a sauvée.»

 

C’est dans un bouleversant témoignage sur les réseaux sociaux qu’elle accuse celui qui, selon elle, a bien failli lui ôter la vie. Dans son douloureux récit, Lucy Lemasson, 19 ans, allègue que ce n’est pas la première fois qu’elle subit les foudres de Grégory Suntah. «Nous avions eu une relation amoureuse de trois ans et demi, durant laquelle nous nous étions séparés à maintes reprises du fait de sa violence physique sur moi.» Comme dans bon nombre de cas, elle dit n'avoir pas été en mesure de couper les ponts, «attendrie naïvement par ses excuses et ses pardons. J’ai maintenu quelques contacts, espérant l’aider à surmonter ce que je croyais être de simples problèmes personnels». Elle poursuit : «L’erreur que nous, les femmes, faisons généralement, c’est de pardonner l’impardonnable et de croire que cela ne se reproduira pas. Comme beaucoup, mon erreur a été de ne pas couper les ponts avec celui qui arrivait généralement à me manipuler en me culpabilisant.»

 

«15 lésions par arme blanche...»

 

Lorsqu’elle s’est rendue chez lui le mardi 1er février, son ex-petit ami, dit-elle, l’a séquestrée et torturée en apprenant qu’elle avait refait sa vie. Elle aurait été battue à coups de poings, de ceinture, de cintre et de balai, étranglée à plusieurs reprises mais aurait également été brûlée à la cigarette et mordue. Pour l’empêcher de prendre la fuite, elle aurait été même forcée à ingurgiter deux somnifères. Lorsqu’elle reprend connaissance, aux alentours de 2 heures du matin, elle se rend compte que son présumé agresseur, qui dort profondément, a verrouillé les portes. Elle n’aurait alors pas eu d’autre choix que de sauter du balcon du deuxième étage de son domicile, à Flic-en-Flac, pour prendre la fuite et trouver de l’aide. Son certificat médical, accompagnant son récit poignant, fait état de plusieurs blessures sur tout le corps, notamment «15 lésions par arme blanche et 36 lésions contondantes».

 

Recherché après les faits, Grégory Suntah, 24 ans, avait déserté son domicile. Ce n’est que le jeudi 10 février qu’il s’est présenté au poste de police de Flic-en-Flac, accompagné de ses hommes de loi, Mes Gavin Glover et Rishi Bhoyroo. Après avoir passé la nuit en détention, il a comparu en cour de district de Rivière-Noire où une accusation provisoire de séquestration a été logée contre lui. La motion pour sa remise en liberté conditionnelle a été rejetée par la police qui a avancé plusieurs points : le risque de récidive, le risque de quitter le pays ou le risque de tenter d’échapper à la justice. La magistrate a également tenu en considération le fait qu’il était déjà en liberté conditionnelle pour une affaire de drogue. Lucy Lemasson est, quant à elle, défendue par Me Nuvin Proag.

 

C’est en ne manquant pas de faire un doigt d’honneur aux membres de la presse présents que Grégory Suntah a quitté le tribunal, avant d’être escorté dans sa cellule. Il n’y a, cependant, passé que quelques heures avant d’être hospitalisé le même jour à cause de problèmes de santé. Sa prochaine comparution est prévue pour le 18 février.

 

Depuis qu’elle a dénoncé son ex-petit ami, les messages de soutien n’ont cessé de pleuvoir sur les réseaux sociaux. À travers son récit, Lucy Lemasson n’a qu’une envie : que toutes celles qui traversent la même épreuve trouvent le courage de dénoncer…

 


 

Yashti. D, psychologue : «Souvent, même après le départ de la victime, l'agresseur tentera de la manipuler» 

 

Devant l'ampleur que cette affaire a prise, des internautes n'ont pas tardé à réagir. Si bon nombre de personnes défendent la victime, d'autres s'interrogent sur les raisons l'ayant poussée à aller à la rencontre de son ex-petit ami le jour fatidique. Dans ce contexte, la psychologue Yashti. D aborde les relations où les victimes sont émotionnellement abusées…

 

Pourquoi est-ce difficile de se libérer d'une relation toxique ?

 

L'objectif sous-jacent de la violence psychologique est de contrôler la victime en la discréditant, en l'isolant et en la faisant taire. Elles sont souvent trop blessées pour supporter la relation plus longtemps mais aussi trop effrayées pour partir. Elles sont prises au piège. Souvent, même après le départ de la victime, l'agresseur tentera de la manipuler en lui disant qu'il est désolé, qu'il a besoin d'elle car sa vie n'a aucun sens sans elle. Ceci est fait pour que la victime retourne demander à nouveau l'approbation de son bourreau pour se sentir bien, en quelque sorte.

 

Les victimes ont-elles conscience qu'elles sont sous emprise ?

 

La violence psychologique est l'une des formes de violence les plus difficiles à reconnaître. Elle peut être subtile et insidieuse ou manifeste et manipulatrice. Dans tous les cas, cela érode l'estime de soi de la victime et celle-ci commence à douter de ses perceptions et de sa réalité.

 

Comment déceler les signes de détresse ?

 

Les personnes émotionnellement abusives affichent des attentes irréalistes. Elles peuvent vous faire des demandes déraisonnables ; s'attendre à ce que vous mettiez tout de côté et répondiez à leurs besoins ; exiger que vous passiez tout votre temps ensemble ; être insatisfaites, peu importe à quel point vous essayez ou combien vous donnez ; vous critiquer pour ne pas accomplir des tâches selon leurs normes ; s'attendre à ce que vous partagiez leurs opinions (c'est-à-dire que vous n'êtes pas autorisé à avoir une opinion différente) ; ou encore exiger que vous nommiez des dates et des heures exactes lorsque vous discutez de choses qui vous dérangent (et lorsque vous ne pouvez pas le faire, ces personnes peuvent rejeter l'événement comme s'il ne s'était jamais produit).

 

Comment s'en sortir ?

 

La première étape dans le traitement d'une relation émotionnellement violente est de reconnaître l'abus. Si vous avez pu identifier un aspect de la violence psychologique dans votre relation, il est important de le reconnaître avant tout. En étant honnête sur ce que vous vivez, vous pouvez reprendre le contrôle de votre vie. Faites de vous une priorité, établissez des limites, arrêtez de vous culpabiliser, évitez de vous engager, construisez un réseau de soutien et travaillez sur un plan de sortie. Discutez de vos pensées et de vos idées avec un ami de confiance, un membre de la famille ou un conseiller. La violence psychologique peut avoir de graves effets à long terme mais elle peut aussi être un précurseur de la violence physique.

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