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Elle décède après avoir protégé son bébé lors d’un accident | Francin Sarah : «Mon épouse Madhvi est morte en héroïne»

24 février 2021

Madhvi Sarah a succombé à de graves blessures à la tête.

Un soleil de plomb écrase Carreau Accacia en cette fin de matinée de jeudi. Une partie de la route principale de ce petit village du Sud, situé entre Le Bouchon et Trois Boutiques, est particulièrement animée par le va-et-vient des voitures au domicile des Currooah. Mais malgré le beau temps et l’agitation, l’atmosphère est tout sauf joyeuse en ces lieux. Au contraire, elle est chargée de tristesse, de révolte, d’incompréhension, face à ce qui est perçu comme une grande injustice.

 

Ils sont nombreux à être présents pour soutenir Francin Sarah, qui vient de perdre son épouse Madhvi dans des circonstances tragiques, ainsi que sa belle-soeur Mala, chez qui se déroulent les funérailles, et toute la famille. Sous un arbre, à l’abri du soleil, des hommes s’attellent à terminer de décorer de fleurs la structure en métal qui va servir à transporter la dépouille de Madhvi Sarah, née Currooah, 29 ans, au crématoire de Camp Carol, un village voisin, un peu plus tard dans la même journée.

 

La veille, la jeune femme a succombé à ses blessures après trois jours d’hospitalisation. Cette habitante de Camp-Barbe, à Chemin-Grenier, avait été admise à l’unité des soins intensifs de l’hôpital de Rose-Belle après un accident de la route survenu le lundi 15 février à Rivière-des-Anguilles. La voiture que conduisait son époux Francin Sarah, un boucher de 30 ans, a heurté le flanc arrière droit d’un autobus individuel desservant la route reliant Chemin-Grenier à Mahébourg. Madhvi, qui était assise sur le siège arrière tenait son fils Jean Aaron, affectueusement appelé Shiv par sa famille, au moment de la collision. En ce jeudi noir des funérailles de sa mère, le nourrisson, dans les bras de sa grand-mère maternelle, attire d’ailleurs les regards de tous ceux présents dans la modeste maison de sa tante pour rendre un dernier hommage à la victime.

 

Les yeux sont également braqués sur Francin qui attend les directives de sa belle-famille pour ce qu’il doit faire avant et pendant le début des rituels hindous pour les funérailles. Il tient difficilement le coup. La veillée mortuaire a été particulière pénible pour le jeune homme tout comme l’organisation de ces funérailles. Il est constamment plongé dans ses pensées. Désespéré d’avoir perdu sa jeune épouse, pensant à la fois au passé heureux et à l’avenir qui s’annonce sombre, tout en essayant de vivre un présent douloureux, il doit aussi faire face à des ennuis judiciaires.

 

Bébé miracle

 

La police lui a fait comprendre qu’il devra se rendre au poste de police de Rivière-des-Anguilles dès que possible pour les procédures menant à son arrestation et à sa comparution devant le tribunal de Savanne car il était au volant au moment de l’accident. D’autres épreuves qu’il devra affronter en rassemblant tout son courage. Tout en faisant de son mieux pour garder la tête hors de l’eau pour être présent pour son fils Jean Aaron, son bébé miracle. «Mon fils est sorti indemne de cet accident. Mon épouse a trouvé la mort en protégeant notre enfant. Madhvi est morte en héroïne», confie Francin, la voix cassée par l’émotion.

 

L’accident qui a coûté la vie à son épouse a eu lieu peu après 17 heures, le lundi 15 février. Francin explique que l’autobus venait d'activer son clignotant gauche et d’enclencher le mouvement pour se garer à un arrêt d’autobus.  La queue du bus, explique le jeune homme, se trouvait toujours sur la route. Mais alors qu’il essayait de dépasser le véhicule, il a soudainement éternué et a perdu le contrôle de sa voiture qui est entrée en violente collision avec l’autobus. «Certes, j’ai lâché le volant pour me mettre la main devant la bouche quand j’ai éternué mais si le bus s’était bien garé, jamais je ne l’aurais heurté. Enn sel kout monn trouv nwar. Mo madam ti pe asiz dan gos. Nou ti baba ti ankor dan so lame. Linn tenir li bien kont li pou protez li. Zis apre, nou garson inn sap dan so lame ek tonb lor kousin a kote li», raconte Francin.

 

Des volontaires, poursuit-il, sont venus très vite leur porter secours. C’est d’ailleurs dans la voiture d’une personne qui se trouvait là que son épouse, son fils et lui ont été transportés à l’hôpital de Souillac avant d’être transférés à celui de Rose-Belle. «Mo madam ti ankor ena konesans kan nou ti lopital Souillac», souligne Francin. Madhi a toutefois sombré dans le coma dans l’ambulance qui les transportait à l’hôpital de Rose-Belle. Sur place, elle a été admise aux soins intensifs.

 

«Dan sok»

 

Son fils Aaron a, lui, été placé sous observation. Alors que Francin a été autorisé à rentrer chez lui après avoir reçu des calmants pour apaiser ses douleurs à l’estomac et à la jambe. «Ti fer x-ray ek mwa me pann trouv nanie grav. Bann dokter la ti dir mwa retourne pou fer lezot test. Sa bann moman-la, la polis osi ti pe bizin mwa pou interoz mwa me monn dir zot donn mwa inpe letan parski mo ti ankor dan sok.» Le jeune homme a beaucoup prié, dit-il, pour que son épouse s’en sorte une fois de plus mais les nombreuses blessures de Madhvi ne lui ont laissé aucune chance.

 

Elle a poussé son dernier soupir vers 16h05, le mercredi 17 février, suite à des cranio cerebral injuries. «Lamor mo madam bien dir pou mwa. Seki pli trist ladan se ki mo garson pa pou ena okenn souvenir so mama. Mo bien sagrin ousi pou mo madam. Linn bien atann pou gagn enn zanfan. Aster li mem pa pou la pou trouv li grandi», regrette amèrement Francin. Le jeune homme et son épouse devaient fêter leur huitième anniversaire de mariage le 31 mai prochain. Le couple a beaucoup galéré pour avoir un enfant.

 

Après plusieurs années, Madhvi, femme au foyer, est finalement tombée enceinte. Et après une grossesse très difficile marquée par des ennuis de santé, la jeune femme a eu un accouchement compliqué en septembre. Elle a failli mourir sur la table d’opération quand elle a fait une hémorragie lors de la césarienne. Elle a, par la suite, sombré dans le coma et est restée aux soins intensifs durant plusieurs jours. «Nous avons beaucoup prié pour qu’elle s’en sorte. Elle a pu rentrer à la maison après deux semaines d’hospitalisation. Mon épouse tenait à notre fils comme à la prunelle de ses yeux. Je n’ai pas de mot aujourd’hui pour expliquer ma douleur et mon chagrin», lâche Francin.

 

Après le décès de sa femme, le conducteur de l’autobus, un habitant de Camp-Diable, et lui ont tous les deux été arrêtés sous une accusation provisoire d’homicide involontaire. Francin explique qu’il a dû fournir une caution de Rs 10 000 et signer une reconnaissance de dettes de Rs 30 000 pour retrouver la liberté après sa comparution en cour vendredi. Il a aussi participé à une reconstitution des faits juste après sur les lieux du drame. Mais tout cela, ce n’est rien auprès de la douloureuse et soudaine perte de son épouse. Une douleur qui ne risque pas de s’apaiser de sitôt pour cet homme qui se retrouve aujourd’hui veuf et papa d’un petit garçon orphelin de mère à qui il devra apprendre à vivre sans celle qui l'aimait plus que tout et qui est partie trop tôt.

 


 

La route fait une autre victime

 

Une Account Officer est également décédée dans des circonstances tragiques cette semaine. Cette habitante de Camp Caval, à Curepipe, âgée de 46 ans, est décédée dans un accident le mardi 16 février. Sa voiture qui roulait en direction de Curepipe a terminé sa course contre les guard rails se trouvant sur le côté gauche de la route. Elle a été retrouvée inconsciente. À son arrivé sur place, le personnel du Samu a pu la réanimer avant de la transporter à l’hôpital de Candos. Elle est décédée des suites de ses blessures quelques heures plus tard. Selon la police, la quadragénaire était atteinte d’un cancer et suivait un traitement dans une clinique privée. Le rapport d’autopsie indique qu’elle est morte après avoir aspiré le contenu de son estomac.

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