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28 octobre 2021 04:27
La scène défile en boucle dans sa tête. En ce 10 décembre 2020, son époux la dépose sur son lieu de travail, à Ébène, avant de prendre la direction de Réduit. Ce dernier travaillait comme Procurement Supply Officer au ministère de la Santé. Sur les images de vidéosurveillance, on l’aperçoit alors qu’il gare sa voiture sur un parking à l’Université de Maurice. On le voit également installer son pare-soleil sur le pare-brise. Il prend ensuite la route à pied, en direction du bâtiment qui abrite le bureau du Forensic Scientific Laboratory. Puis, plus rien. Reshmee, 30 ans, est persuadée que son époux Pravin Kanakiah a été kidnappé peu après. Comme par hasard, les autres caméras se trouvant dans les parages, notamment à la gare, étaient hors-service ce jour-là. La dépouille de cet habitant de Plaine-Magnien a été retrouvée le lendemain, à la Roche-qui-Pleure.
Sur place, des éléments de la National Coast Guard tombent sur son corps sans vie. Il est allongé sur le dos, torse nu, portant un pantalon noir et des chaussettes seulement. Il a des blessures sur plusieurs parties du corps. Le personnel du Helicopter Squadron est sollicité pour transporter la dépouille vers l’hôpital de Souillac où le décès est constaté par le médecin de service. Ce n’est qu’après que la police a su qu’il s’agissait de Pravin Kanakiah, qui était porté disparu depuis la veille. C’est Reshmee Kanakiah qui avait signalé sa disparition à la police. Dans son rapport d’autopsie, le Dr Gungadin attribue le décès à une «traumatic sub arachnoid haemorrhage». Une contre-autopsie, réclamée par la famille et conduite par le Dr Satish Boolell, a également conclu à une hémorragie.
Tout laisse croire que ce fonctionnaire a rendu l’âme après avoir eu une fracture de la colonne vertébrale probablement causée par un violent coup à la nuque. La police enquête toujours pour connaître les circonstances exactes du drame. Mais Reshmee, elle, est sûre d’une chose : «Depi premie zour mo pe dir lapolis pa enn swisid sa. Mon époux n’avait aucune raison pour se suicider.» La jeune femme avance plusieurs raisons pour soutenir ses propos. C’est également pour cela qu’elle compte se battre pour faire éclater la justice. «Zour mo misie disparet-la, li ti ena enn handing over pou fer avan bouze pou al travay enn lot plas. C’est lui qui s’occupait des achats et des tenders. Il préparait aussi des documents pour le procurement. Et grosse coïncidence : Madame Mooniaruth travaillait au 5e étage du Procurement Department, à l’Emmanuel Anquetil Building.»
La jeune femme affirme que son époux a traité plusieurs dossiers importants durant le lockdown. «Mon époux a travaillé pendant tout le confinement. Il avait son Work Access Permit. Il était involved dans l’achat de masques et de PPEs pour le ministère de la Santé», précise Reshmee. Son époux Pravin était fonctionnaire depuis 14 ans et avait travaillé pour plusieurs ministères. Cela faisait six ans qu'il était affecté au ministère de la Santé. Il était marié depuis cinq ans à Reshmee et ils ont un fils de 3 ans. «Mon fils avait 2 ans lorsque son père est décédé. Nous venions d’emménager dans notre nouvelle maison pour mon anniversaire, en août. On a aussi pu y fêter Divali. Puis, il est mort. Li ti fini aste kado nou garson pou Nwel. Ziska ler nou garson ankor rod so papa. Li fer enn Aum sak fwa montre li foto so papa. Je ne sais pas ce que je serais devenue sans le soutien de la famille», confie Reshmee.
La jeune femme ne manque pas de qualificatifs pour faire l’éloge de son époux. Elle explique que ce dernier n’a pas eu une enfance facile. Pravin avait perdu son père alors qu’il devait prendre part aux examens du CPE et était très proche de sa mère. Il a une sœur aînée et un petit frère. «Li mem ki ti pe amenn rol papa dan lakaz», explique Reshmee. Après son HSC, il a pris de l’emploi dans le département finance d’une usine à Quatre-Bornes d’où il est originaire. Avec son salaire, il aidait sa famille et prenait des cours d’ACCA par correspondance. Pravin, dit-elle, a toujours été un role model et un hard worker.
Hélas, il s’en est allé prématurément dans des circonstances plus que troublantes. «Une semaine avant le drame, il y avait un 4x4 sur le parking de la Roche-qui-Pleure ainsi que plusieurs personnes qui manipulaient les caméras CCTV de cette région. Comme par hasard, les images de vidéosurveillance ne sont pas disponibles pour les besoins de l’enquête», s’insurge Reshmee qui compte énormément sur les «Avengers» pour faire la lumière sur le décès troublant de son époux.
Ce 20 octobre devait être un jour de réjouissance pour Vanessa et Marcelin Humbert. Le couple allait célébrer ses quatre ans de mariage civil et ses 18 ans de vie commune. Mais ce jour-là, Vanessa avait le coeur encore plus serré car l’homme de sa vie n’est plus là et qu’il l’a laissée dans des circonstances plus que troublantes. Depuis, cette habitante de Cité Barkly n’a qu’une envie : connaître enfin la vérité.
Marcelin Humbert est mort le 2 février 2021 dans ce qui semble être un accident de la route normal. Selon un communiqué officiel de la police, sa motocyclette est entrée en violente collision avec une camionnette à Mont-Roches. Son décès a été constaté par le personnel du SAMU à son arrivée sur place. Le rapport d’autopsie indique que cet homme de 53 ans, fiché comme HC, a succombé à un «shock due to rupture of heart».
Le conducteur de la camionnette, âgé de 64 ans, a été testé négatif à un alcotest. Il fait l’objet d’une accusation provisoire d’homicide involontaire. Lors de son interrogatoire, le septuagénaire explique qu’il se dirigeait vers St-Martin, vers 9h30, lorsqu’il s’est arrêté pour garer son véhicule et se rendre à une boutique. Il affirme que lors de sa manoeuvre, il a mis ses clignotants pour avertir les autres usagers de la route qu’il faisait marche arrière. Toutefois, Marcelin Humbert, qui pilotait sa grosse cylindrée dans la même direction, n’aurait pu éviter la collision. Vanessa Humbert et Rama Valayden, son avocat et coordinateur des «Avengers», ne croient pas à la thèse d’un accident. Plusieurs raisons les poussent à arriver à cette conclusion.
«Il y a trop de zones d’ombre pour conclure à un accident. Il était en route pour Albion ce jour-là. Pa dan so labitid sa pass par sa sime Mont Roches-la. Eski ou finn deza tann enn motosiklist tap ek enn kamion arete ou ? Li difisil pou krwar. Dan so elmet pena okenn tras disan. So linz osi ti prop. Ti ena zis enn ti brose lor enn so lipie», confie Vanessa. La jeune femme de 35 ans est déterminée à connaître la vérité sur la mort de son époux, pour elle-même et leur fils Isaiel, âgé de 8 ans – Marcelin était aussi papa de cinq autres enfants d’une précédente relation. «Marcelin a toujours été très proche de son fils. Pena enn zour kot mo garson pa rod so papa. Marcelin mem ki ti pe al kit li ek al rekiper li lekol. Mo garson mem dir nou ki so papa pann mor dan aksidan. Nou tann dir ki ti ena enn loto gri kinn frol ek li ek fer li tap ek kamion-la. Pena zimaz kamera pou prouv sa selma», regrette Vanessa.
Jocelyn Humbert, le frère de Marcelin, ne croit pas non plus à la thèse accidentelle. «So lamor difisil pou aksepte. Marcelin enn vie zwer. Mo konn mo frer byin. Mo sir li ti pou aksepte so motosiklet kraze pou sap so lavi. Sirkonstans so lamor lous», insiste Jocelyn. Il explique que son frère aidait les «Avengers» sur le terrain pour enquêter sur le décès tragique de Soopramanien Kistnen et de Manan Fakoo. Il était aussi celui qui avait assuré l’escorte de la voiture de Rama Valayden pendant et après le meeting des «Avengers» à La Louise, en janvier, soit quelques jours avant sa mort. Le coordinateur de ce groupe d’avocats a d’ailleurs fait appel à un expert pour examiner la moto du défunt. «Ena problem», affirme Rama Valayden qui promet des rebondissements pour bientôt dans cette affaire.
L’avocat veut savoir si les dégâts à l’arrière de la moto de Marcelin Humbert n’ont pas été causés par une première collision qui a fait déraper ce dernier, l’envoyant terminer sa course contre le caisson de la camionnette en question. Il y a aussi des allégations selon lesquelles il y avait une autre voiture suspecte à côté de la camionnette au moment de l’accident. Une source policière et des témoins avancent toutefois qu’il n’y avait que la camionnette sur la route à ce moment précis. Des témoins précisent, eux, que Marcelin Humbert roulait à vive allure. Vanessa n’est cependant pas de cet avis car «Robo-la ti rouz sa ler-la», affirme-t-elle. Son combat pour la vérité, elle compte bien le mener jusqu’au bout avec l’aide des «Avengers».
Une partie de leur cœur leur a été enlevée, en juin, avec le décès brutal de Faheza Mooniaruth. Cette Management Executive au ministère de la Santé a été retrouvée morte au pied de l’Emmanuel Anquetil Building. Ce qui peut laisser penser à un suicide. Sauf que son époux Naushad et ses trois filles, des habitants de Morcellement St-André, sont persuadés qu’elle ne s’est pas donnée la mort même si elle faisait face à une terrible pression au travail. «Ma mère était trop pieuse pour se donner la mort. Les circonstances de son décès sont inacceptables», affirme Suhaylah, une des trois filles de cette dame de 58 ans. Peu de temps après, cette triste affaire avait fait l’objet d’une question du député Osman Mohamed au Parlement. L’enquête policière, elle, est toujours en cours. Ce qui n’aide pas Naushad Mooniaruth et ses filles.
«Nou kone ki li ti pe sibir boukou presion dan travay. Nou anvi kone kouma linn tonbe. Personn pann trouv li tonbe sa zour-la. Kouma explike ki pa ti ena disan dan so zorey ni mem dan so nene kan linn tonbe. Mama ti met linet. So bann ver pann kraze alor ki linn tonbe depi 5 letaz. Zis sa plas kot swa-dizan linn monte pou sote-la pa ti ena antivol. Zis sa zour-la emergency door ti ouver. Zis sa zour-la bann kamera CCTV pa travay», s’indigne Suhaylah. La jeune femme persiste et signe : «Notre famille ne croira jamais à la thèse de suicide. Nous le disons depuis le début !» Naushad, policier à la retraite, abonde dans le même sens : «Li pa ti ena okenn rezon pou swisid li. Li pe paret plito kouma enn akt kriminel.»
C’est autour d’un repas préparé en toute simplicité par ses filles que cet homme a fêté ses 62 ans, le jeudi 21 octobre. «C’est toujours très dur pour nous tous car nous avons perdu notre pilier», lâche Naushad avec amertume. Elle explique que son épouse était une «mère exemplaire» et une employée modèle. Cette dernière comptait 33 ans de service dans la fonction publique et devait prendre sa retraite dans deux mois. Mais dans l’après-midi du 9 juin 2021, son corps sans vie a été retrouvé au pied de l’Emmanuel Anquetil Building. Le rapport d’autopsie indique qu’elle a succombé à un «shock due to multiple injuries».
À première vue, il semble que c’est un suicide. Mais des faits troublants poussent ses proches à penser autrement. «Mon épouse n’avait pas de problèmes financiers ni familiaux. En revanche, elle avait régulièrement des problèmes au bureau. Elle subissait trop de pression. Elle n’était pas très bavarde à ce sujet. Elle nous disait uniquement : ena move dimounn laba. Elle a toujours fait son travail avec rigueur. Je pense que c’est la raison pour laquelle elle a eu des problèmes», souligne Naushad. Ce n’est pas Rama Valayden, avocat de la famille, qui dira le contraire. À plusieurs reprises, le coordinateur des «Avengers» a affirmé que «misie semiz ble pou bizin rann kont». L’avocat a déjà mené une enquête et il est en présence de plusieurs faits troublants. Selon ses dires, cette dame avait peur de se rendre au travail depuis le premier confinement, en mars 2020. Elle s’occupait, entre autres, de plusieurs dossiers importants au Procurement Office et prenait des notes of meeting pour le ministre de la Santé, souligne Valayden.
L’époux et les filles de la défunte ne souhaitent qu’une chose : connaître les circonstances du drame pour que son âme puisse reposer en paix. «Mama ti tro atase ek lafami. Li pa ti mank nanye. Enn sok terib pou nou ziska ler. Mama ti ena tro prinsip. Zame li ti koz travay dan lakaz. Ek zame pa ti pou swisid li. Pena sa dan li. Dernie zafer linn fer ek so portab se lir Coran», souligne Suhaylah. Naushad essaie de rester fort pour lui-même et ses filles mais son état de santé s’est encore aggravé ces derniers temps avec tous ces tracas. Cet ancien motard de la police a pris sa retraite il y a cinq ans pour des raisons de santé. Au cours de sa carrière, il a, entre autres, assuré l’escorte de l’ancien président Cassam Uteem ainsi que celui de Karl Offman. Il a également travaillé avec SAJ et a passé ses trois dernières années de service à la Traffic Branch. «Mo madam ek mwa inn touzour devoue dan nou travay. Me depi linn mor, okenn ofisie minister ni PS ni PAS ni minis pann vinn prezant nou zot sinpati», regrette Naushad qui s’accroche à la l’espoir que la lumière sera bientôt faite sur la mort de son époux.
Le coordinateur des «Avengers» n’est pas passé par quatre chemins pour lancer un appel après sa deuxième convocation au CCID durant la semaine écoulée. «Nou bizin res soude. Finn ena ek pou ena ankor presion lor bann “Avengers” ek lezot dimounn ki pe soutenir nou. Se pou sa ki nou bizin res ini», a martelé Rama Valayden à sa sortie des Casernes centrales dans le cadre d’une plainte pour diffamation alléguée déposée contre lui par Yogida Sawmynaden. L’avocat dénonce la série de persécutions dont fait l’objet les «Avengers». «Ena nou kamarad Laksh Ramputh. “Avengers” ti fer so premie rankont kot li dan Triolet. So bann fami dan bizness. Al dimann zot ki kantite problem zot pe ramase depi sa. Ena ousi mo kamarad Roshi Badhain. Premie minis pe reklam li Rs 50 millions pou difamation akoz Angus Road. Nou pou vini ek bann Private Prosecutions dan bann zour ki pe vini nou ousi», explique Valayden.
Les «Avengers» et leurs sympathisants ne comptent pas faire baisser la pression sur le pouvoir en place. Ce n’est lvan Bibi qui dira le contraire. L’activiste était d’ailleurs présent aux Casernes centrales durant la semaine écoulée pour soutenir Rama Valayden et les «Avengers». Il compte aussi organiser une marche pacifique le 7 novembre avec la collaboration de Rama Valayden, Fardeen Ibrahim et Krisnah Goojha. «Lamars-la se pou diman demision Premie minis ek gouvernma MSM ilezitim ek ousi eleksion zeneral. Nou swete ki lapolis pa obzekte me si sa arive, nou pou al lakour siprem pou lager pou nou bann drwa konstititionel pou manifeste pasifikma. Dimounn pe kapav rant dan kazino ki enn landrwa ranferme me nou sitwayin napa gagn drwa manifeste deor en plin er. Koumans prepar zot lepep. Anou mobilize masivman. Nou bizin res solider. Nou zwen dimans 7 novam, 2 an zour pou zour apre eleksion zeneral kokin 2019», martèle l’activiste Ivan Bibi.
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