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Émilie Rivet-Duval de la cellule d'écoute pour les personnes qui ont été affectées par les incidents survenus à la Citadelle : «Ces actes de violences ont impacté des personnes qui ont craint pour leur sécurité»

30 octobre 2023

Pourquoi était-il important de mettre sur pied une cellule d’écoute après l’incident du samedi 21 octobre à La Citadelle ?

 

Au sein d’Action for Integral Human Development, nous venons apporter un soutien psychologique au groupe Attitude. C’est une entreprise sociale, une structure de référence, avec des professionnels dans le domaine de la santé mentale, et nous offrons des services autour de la prévention, de la promotion et de l’intervention. Nous oeuvrons pour promouvoir, intervenir et prévenir la santé mentale et nous sommes capables d’offrir des services de soutien et d’accompagnement psychologique et d’écoute dans des moments de crises, dans des événements qui sont choquants.

 

Dans cette optique, très rapidement, on a mis sur pied un service, une cellule de crise, avec 10 professionnels de l’écoute et en psychologie qui ont proposé des créneaux à des personnes qui ont senti que cet événement avait pu avoir un impact sur eux ou leurs enfants. Ce service a été entièrement financé par Attitude et a été mis en place pendant trois jours (du lundi 23 au mercredi 25 octobre), suivant l’incident à La Citadelle, comme une cellule de soutien. Le but était que les personnes ayant subi ce qui s'était passé puissent, dans les heures/jours suivant, avoir accès à un service professionnel pour mettre en mots, pour élaborer ce qu’elles ont vécu ce soir-là, suite à l’incident. Mettre en mots, ça veut dire, pouvoir partager les pensées qu’ils ont eues au moment de l’événement, la pensée que c’était la fin, le sentiment de panique, l’incompréhension par rapport à ce qui se passait, la peur, l’angoisse, les sensations corporelles ressenties sur le moment et après, c’est-à-dire : tremblements, agitations, hyper vigilance... Et c’est aussi savoir  comment ils se sentent aujourd’hui, par rapport à ce qui est arrivé. Est-ce qu’elles ont des images intrusives, est-ce qu’elles sont toujours dans un état d’hyper vigilance, est-ce qu’elles sont comme détachées de leur corps ? Est-ce qu’elles évitent de repenser à l’événement ? Est-ce qu’elles craignent de retourner sur les lieux ou d’écouter une chanson qui est passée ce soir-là ? Est-ce qu’elles ont des problèmes d’appétit ou de sommeil ? L’objectif, c’était d’offrir un espace à ces personnes où elles se sentent en confiance, pour qu’elles puissent déposer et élaborer l’impact de l’événement sur elles.

 

Combien de personnes ont eu recours à ce service ?

 

25 personnes – 20 femmes et 5 hommes – se sont tournées vers nous. Il y avait 22 adultes âgés entre 21 et 50 ans et cinq mineurs âgés entre 11 et 15 ans. 

 

Quels sont les traumatismes qui ont été mis en avant par ceux qui se sont tournés vers vous ?

 

Il y a la brutalité et la soudaineté de l’incident qui les ont affectés. Les personnes qui y étaient et qui se sont tournées vers nous disent qu’elles ne s’attendaient pas à devoir faire face à une telle chose, vu qu’elles passaient un bon moment dans un concert, dans un espace convivial, un environnement bienveillant. Et face à ce qui est arrivé, la soudaineté de l’incident a provoqué un choc. Puis, il y a le mouvement de panique qui a créé de la frayeur et de l’angoisse. Il y a aussi le fait qu’il fallait rapidement évacuer les lieux, dans le bruit, dans les cris. Ça a aussi créé de la terreur chez certains enfants qui ont eu peur de perdre leurs parents. Il y a aussi des parents qui ont eu peur parce qu'ils ne voyaient pas leurs enfants. Certains racontent aussi qu’ils étaient bloqués dans un endroit où ils ne pouvaient pas évacuer. Il y a eu un sentiment d’être pris en otage, pris au piège, tout en ne comprenant pas ce qui se passait. La violence avec laquelle des choses ont été dites là-bas, la violence avec laquelle du matériel a été détruit ont aussi marqué. Tous ces actes de violences ont impacté des personnes qui ont craint pour leur sécurité.

 

Pourquoi est-ce important pour une personne qui a été affecté par la violence de l’incident de mettre en mot ce qu’elle a vécu ?

 

Selon la façon dont une personne a vécu l’événement, c’est important d’avoir un espace d’écoute dans les jours qui suivent. Parce que, sinon, il y a un risque de voir, dans les mois qui suivent, des symptômes post-traumatiques. Par exemple, quelqu’un peut avoir des troubles de l’appétit, des troubles du sommeil, des cauchemars, des pensées intrusives, des signes d’agressivité, des phases d’isolement ou encore avoir recours à des substances comme l’alcool pour pouvoir anesthésier ses pensées. C’est donc important que les gens puissent être connectés et déposer ce qu’ils ont vécu, le partager, mettre en mots ce par quoi ils sont passés. Le service est là pour écouter, aider, rassurer et donner des informations. Ça, c’est un premier pas. Maintenant, on conseille aussi à ces personnes, si dans quelque temps ces symptômes perdurent, s’amplifient, de consulter un expert, un psychiatre, un médecin, pour pouvoir intégrer l’impact traumatique de l’événement. Car parfois, les symptômes peuvent surgir après. 

 

Et pour la suite ?

 

Des mini-vidéos de sensibilisation ont été lancées. Il y a des vidéos pour des adultes et il y a aussi des vidéos pour les parents qui avaient des enfants avec eux lors de l’événement, pour conscientiser sur les réactions et pour la suite, si les symptômes perdurent. À travers cela, on donne aussi la possibilité aux personnes qui n’ont pas pu appeler de le faire. Nous avons également élaboré des affiches avec des informations. Notre numéro est le suivant : 5450 8888.

 


 

Les Hôtels Attitude : «Nous sommes tristes, mais déterminés à continuer à œuvrer pour une île Maurice plurielle et unie»

 

C’était censé être un jour de fête. Car en ce samedi  21 octobre, les Hôtels Attitude avaient choisi de célébrer leur 15e anniversaire avec un concert de solidarité. Et pour que ce moment soit mémorable, le groupe hôtelier avait choisi la Citadelle, qu’il considère comme un «lieu de culture emblématique», et en termes de sécurité, le groupe Attitude et La Isla Social Club, co- organisateurs, avaient pris toutes les dispositions d’usage.

 

Entre musique, bonne humeur et ambiance conviviale, les Hôtels Attitude voulait une célébration «mauricienne, colorée, joyeuse et inclusive» avec ce «Gran Konser» qui avait aussi une dimension caritative au profit de quatre ONG : Terre de Paix, Vent d’un Rêve, Caritas Grand Gaube et Alphabétisation de Fatima.

 

Mais à 21h40, tout a basculé. «Nous condamnons fermement l’attaque surprise qui a eu lieu à la fin de la prestation de The Prophecy. Nous exprimons nos regrets à tous ceux qui ont été, comme nous, traumatisés par la violence de ces débordements. Samedi soir, notre priorité a d’abord été de veiller à ce que tous les spectateurs, les artistes et les membres de nos équipes, les organisateurs rentrent chez eux, sains et saufs. (...) Nous sommes encore sous le choc et tentons de prendre la pleine mesure de ces incidents. (...) Nous sommes tristes, mais nous sommes déterminés, plus que jamais, à continuer à valoriser ce vivre-ensemble mauricien et à œuvrer pour une île Maurice plurielle et unie (...) Nous sommes déjà passés aux évaluations d’ordre légal et juridique (...) Nous remercions tous les Mauriciens – de toutes les communautés – qui nous ont exprimé leur soutien depuis samedi soir», a déclaré la direction des Hôtels Attitude.

 


 

L’appel à la paix des religieux

 

Les tristes événements qui ont bouleversé le Gran Konser à La Citadelle interpellent plus d’un. L’évêque de Port-Louis, Mgr Jean-Michaël Durhône, a ainsi invité les Mauriciens à prier pour la paix. «Dimanche dernier, l’île Maurice s’est réveillée choquée et indignée par ce qui s’est produit la veille à la Citadelle lors d’un concert pour célébrer les 15 ans d’un groupe hôtelier. Des artistes se produisaient et le public s’était réuni pour célébrer la fraternité et la paix. Ce qui devait être un moment d’unité et de solidarité avec les plus pauvres s’est transformé en scène d’intimidation. J’exprime ma tristesse par rapport à la façon dont ce concert qui avait pourtant obtenu l’aval de la police a été interrompu par un groupe de personnes.  Les artistes mauriciens qui se produisaient sur scène chantaient la paix et toute entrave à cette liberté d’expression peut mettre en péril la paix sociale. (...) J’invite les Mauriciens à porter dans leurs prières la paix pour notre pays et dans le monde», a déclaré Mgr Jean-Michaël Durhône. Le Sunniy ‘Ulamâ & Aïmmah Council s’est aussi exprimé sur le sujet : «La kominote mizilmann pena nanye a fer avek sa, si enn group dimounn finn al fer dezord,  fode pa met sa sapo-la lor latet la kominote mizilmann parski sa bann dimounn-la zot pa reprezant la kominote mizilmann. Premie minis inn deza prononse ki li pa pou toler sa. An tan ki Premie minis sa pei-la, li bizin asim so responsabilite (...) Nou kondann sa ak-la san reserv. Sertin dimounn finn aste lager ki pa pou nou ek tousala se enn provokasion. Eski ena sertin parti politik deryer sa pou destabiliz nou pei ? Nou pe viv dan enn pei miltirasial, miltikiltirel. Nou anvi viv an pe, trankilite ek larmoni, nou demann tou bann mizilman ek lepep morisien res kalm, pa rant dan sa piez kominal-la .»

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