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Émouvant adieu à Fernand Mandarin : Chagos, l’espoir malgré tout

17 octobre 2016

Il avait un rêve, celui de fouler une dernière fois sa terre natale. Les Chagos, ce pays, son pays, où il a vu le jour et où il a grandi avant que lui et les siens n’y soient brutalement arrachés. Fernand Mandarin y pensait tous les jours. C’est un combat qu’il respirait, avec lequel il vivait au quotidien et qu’il portait à bras-le-corps. Après des années de lutte pour que les Chagossiens retrouvent leur droit fondamental, Fernand Mandarin, 73 ans, s’en est allé avec le regret de ce rêve inachevé, cet espoir anéanti de pouvoir un jour retrouver ses terres.

 

Avec lui, comme à chaque départ d’un des membres de la communauté chagossienne, part aussi un peu des espérances des Chagossiens qui avaient trouvé en Fernand Mandarin, leader du Comité social chagossien, un vrai combattant. «Je n’ai jamais mis les pieds aux Chagos, mais je connais l’histoire de mon grand-père et des siens de A à Z. Il nous en parlait presque tous les jours. C’était un grand homme qui avait une mémoire extraordinaire. Il se rappelait de toute l’histoire de son pays, de toutes les dates, tous les événements»,confie Jeff Mandarin, petit-fils de Fernand Mandarin.  Ce sont ces souvenirs et bien plus encore que Jeff et les siens continueront de chérir.

 

Vendredi après-midi, ils étaient nombreux à venir rendre un dernier hommage à l’homme, à ce soldat des Chagos. C’est sous une haie d’honneur formée de sa famille et de ses proches que sa dépouille a été accueillie à l’église Saint-Sacrement, à Cassis. De nombreux membres de la communauté chagossienne ainsi que quelques personnalités politiques, dont les ministres Alain Wong, Nando Bodha et Étienne Sinatamboo, mais aussi Ariane Navarre-Marie du MMM et l’ancien président de la République, Cassam Uteem, étaient venus rendre un dernier hommage à cette figure emblématique de la lutte chagossienne.

 

Au détour d’une cérémonie religieuse simple à l’image de l’homme qu’il a été, tous se sont rappelés la dure lutte menée par cet homme de courage qui, une fois arrivé à Maurice à l’âge de 23 ans, avait refusé le passeport britannique et avait œuvré pour l’unité et la solidarité des Chagossiens. L’image de celui qu’on appelait Ton Fernand montant main dans la main avec Olivier Bancoult à bord du Mauritius Trochetia en 2006 pour un «voyage de mémoire»sur l’Archipel des Chagos, illustre bien son dévouement à cette cause. Lors de son homélie, le père Gérard Mongelard, qui faisait aussi partie de ce voyage, est revenu sur l’émotion et le sens de ce voyage : «Toutes ces personnes loin de leur terre qui posaient une fois de plus les pieds sur Diego Garcia, Salomon ou encore Peros Banhos. Nous étions comme une seule et même famille sur ce bateau. Nous lui devons un grand respect pour sa lutte et ses convictions.»

 

Le révérend Mario Li, qui avait aussi effectué ce voyage, se souvient, lui, d’un Fernand ému, qui une fois sur sa terre, avait tiré son «koki» pour pouvoir y souffler en mémoire de ses ancêtres qui utilisaient ce moyen de communication pour informer de la venue d’un bateau. «C’était un moment intense. Nous avions une grande relation et je pense que nous devons continuer à croire dans la victoire du peuple chagossien», a-t-il déclaré. Continuer le combat au nom de Fernand, de ceux qui sont partis sans avoir pu réaliser leur rêve et de tout le peuple de Chagos, c’est une motivation qui pouvait se lire sur le visage de ceux présents aux funérailles de Fernand Mandarin. Olivier Bancoult, qui assistait auparavant au comité parlementaire sur les Chagos et qui avait reçu les sympathies du Premier ministre sir Anerood Jugnauth, compte bien ne pas baisser les bras : «Nous avons perdu un grand homme qui avait à cœur l’intérêt de la communauté chagossienne. Son vœu le plus cher était de retourner sur ses terres. Nous n’allons pas oublier son combat et nous devons nous en inspirer pour continuer.»

 

Fernand Mandarin ne faisait pas uniquement la fierté de la communauté chagossienne, mais aussi et avant tout celle de sa famille, de ses cinq enfants. «C’était un père admirable. Il a toujours été là pour nous malgré son implication dans ce combat. Nous sommes fiers de lui, qui a lutté pour son pays et son peuple», confie Roberto Mandarin, l’un de ses fils. Leur père leur a laissé en héritage de nombreux souvenirs de son île natale, qu’il a notamment racontés dans son livre Retour aux Chagos, publié il y a quelques mois, mais aussi l’amour de son pays et l’envie de se battre encore et encore pour le retrouver.

 


 

Chagos : silence, boycott et critique

 

Le comité parlementaire sur les Chagos s’est réuni vendredi après-midi sous la houlette du Premier ministre. La mission de sir Anerood Jugnauth à New York au sein de l’ONU et le décès de Fernand Mandarin y ont été abordés. Pour le moment, aucune information n’a transpiré de cette réunion. Les membres de ce comité ont décidé de ne pas communiquer sur la stratégie de Maurice dans sa quête de récupération de la souveraineté des Chagos.

 

Dans un communiqué officiel qui a été émis après la réunion, le Premier ministre réitère la position de souveraineté de Maurice sur l’Archipel des Chagos et ne reconnaît pas le British Indian Ocean Territory,héritage de l’ère de la colonisation.

 

Un 30 mars 2006, Fernand Mandarin et Olivier Bancoult montaient à bord du Trochetia pour une visite sur l’archipel des Chagos.

 

La requête de Maurice a été confirmée à l’agenda de l’Assemblée générale des Nations unies en juin 2017. Si d’ici là, aucune solution n’est trouvée entre Maurice et Londres, l’Advisory Opinionsera entendue devant la Cour internationale de Justice.

 

Shakeel Mohamed, chef de file du Parti travailliste, a choisi de ne pas se rendre à cette réunion, préférant ne pas assister à ce qui serait, selon lui, un compte rendu du voyage de sir Anerood Jugnauth à New York. Cette décision, a-t-il expliqué, a été prise en consultation avec le leader des Rouges. 

 

«Ils ne savent pas négocier. C’est une honte pour le pays…»C’est ce qu’a déclaré, lors de son congrès à Montagne-Longue vendredi soir, Navin Ramgoolam qui a abordé le dossier des Chagos. Selon lui, sir Anerood Jugnauth aurait dû négocier avec les Américains.

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