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8 décembre 2020 10:39
Cela fera bientôt deux mois que Soopramanien Kistnen a trouvé la mort dans des circonstances troublantes. Si dans un premier temps, la Criminal Investigation Division de Moka avait conclu à un suicide – une thèse qu’a toujours réfutée Simla, l’épouse de Soopramanien Kistnen –, de nouveaux éléments tendent à épaissir le mystère. La possibilité que cet activiste du MSM, âgé de 52 ans, a été assassiné ne serait toutefois que la partie émergée de l’iceberg, dans une affaire où il y aurait magouilles et fraudes.
Des semaines après que le corps calciné de Soopramanien Kistnen a été retrouvé dans un champ de cannes dans les parages de Telfair, Moka, des zones d’ombre subsistent. D’autant plus qu’il n’aurait jamais eu de tendances suicidaires. C’est ainsi que le mardi 24 novembre, accompagnés des Mes Rama Valayden, Sanjeev Teeluckdharry et Anoop Goodarry, la veuve de Soopramanien Kistnen et son neveu se sont rendus dans les locaux de la Major Crime Investigation Team (MCIT) pour s’enquérir de l’enquête policière. Ils ont, par la suite, écrit une lettre au Directeur des poursuites publiques (DPP) et au magistrat de la cour de Moka pour qu’une enquête judiciaire soit faite en parallèle à l’enquête policière. Requête très vite agréée par le DPP suite à la déposition de Koomadha Sawmynaden, le frère du ministre du Commerce, dans cette affaire (voir hors-texte).
L’enquête judiciaire sur l’affaire Soopramanien Kistnen a donc démarré le vendredi 4 décembre au tribunal de Moka. Lors de son audition, sa veuve a déclaré être convaincue que Soopramanien Kistnen a été assassiné parce qu’il comptait faire des révélations à la brigade anticorruption. D’après elle, il voulait non seulement dénoncer des pratiques douteuses concernant des appels d’offres mais avait également l’impression d’avoir été utilisé par le ministre du Commerce, Yogida Sawmynaden, qui serait l’un de ses proches amis. Ce dernier aurait promis au défunt de décrocher un poste pour son épouse à la MBC. Soopramanien Kistnen aurait ainsi pris la carte d’identité de son épouse pour en faire une copie qu’il aurait remise au ministre. Mais Simla Kistnen n’aurait décroché aucun poste.
Ce n’est que pendant le confinement, en tentant de bénéficier du Self-Employed Assistance Scheme alors qu’elle était sans emploi, qu’elle dit avoir appris qu’elle était employée comme Constituency Clerk de Yogida Sawmynaden, poste qu’elle n’a jamais occupé et pour lequel elle n’a jamais touché de salaire. Ce nouvel élément est d’ailleurs la raison pour laquelle Simla Kistnen soupçonne fortement le ministre du Commerce et son frère d’être impliqués dans la mort de son époux. Ses avocats comptent bientôt déposer une plainte contre le ministre dans le cadre de cette affaire qui, selon Me Rama Valayden, comporte au moins trois délits.
D’autres personnes ont également été auditionnées. Entendue par la magistrate, une photographe de police a expliqué dans quelle position se trouvait le corps de la victime. Tandis qu’un officier du Scene of Crime Office a donné des explications sur les recherches d’indices sur les lieux, le lendemain du drame; opération complétée en seulement 40 minutes. L’enquête judiciaire se poursuit cette semaine, avec l’audition d’autres témoins.
Simla Kistnen le soupçonne d’être impliqué dans l’affaire du décès «suspect» de son époux Soopramanien. Koomadha Sawmynaden, le frère du ministre du Commerce, a été entendu par les enquêteurs de la MCIT à plusieurs reprises cette semaine. Il s’y est rendu accompagné de son homme de loi, Me Roshi Bhadain. Entendu à titre de témoin dans le cadre de cette affaire, il a expliqué que la victime lui aurait fait des confidences sur des allocations de contrats. Soopramanien Kistnen lui aurait fait part qu’un ministre lui aurait demandé de participer à des appels d’offres mais qu’à chaque fois, d’autres personnes finissaient par obtenir les contrats. Il a également remis son cellulaire à l’IT Unit pour les besoins de l’enquête.
Elodie Dalloo
Son nom a été cité dans le cadre du décès «suspect» de Soopramanien Kistnen. Depuis, certains réclament sa démission tandis que d’autres souhaitent comprendre pour quel motif son nom est lié à cette affaire. Nous avons essayé de joindre le ministre du Commerce, Yogida Sawmynaden, à maintes reprises, à ce sujet, mais il est resté injoignable. Son attaché de presse, à qui nous avons parlé pour solliciter une réaction, n’est jamais revenu vers nous.
Valérie Dorasawmy
«Cette affaire est grave», soutiennent les hommes de loi de la famille Kistnen. Me Rama Valayden, Leading Counsel de ce panel d’avocats, a fait plusieurs déclarations suite aux travaux de l’enquête judiciaire sur le décès de Soopramanien Kistnen, qui ont démarré en cour de Moka durant la semaine écoulée. «Cette affaire est assez grave pour que le ministre Sawmynaden démissionne», affirme-t-il. L’avocat parle aussi de «ramifications politiques et mafieuses». Selon lui, la police devrait lancer un appel à témoins et l’opposition devrait faire pression pour que le ministre démissionne. Interrogé sur ses propos, l’avocat nous a fait la déclaration suivante : «J’attends incessamment de nouveaux éléments pour organiser une conférence de presse». Éventuellement ce dimanche 6 décembre.
Par ailleurs, lors de différentes conférences de presse de partis politiques hier, Paul Bérenger et Navin Ramgoolam ont aussi parlé de toute cette affaire. De son côté, Paul Bérenger a déclaré que le ministre Sawmynaden doit démissionner : «La crédibilité de la police en a pris un coup quant à la façon dont l’enquête a été menée.» Navin Ramgoolam, pour sa part, a évoqué une rencontre entre Soopramanien Kistnen et lui le 4 août. Selon lui, Soopramanien Kistnen lui a dit que «le ministre utilisait le nom de l’épouse de Kistnen pour toucher un remboursement». Il avance aussi que pour cette histoire d’emploi fictif, le ministre Sawmynaden devrait démissionner car il «pourrait manipuler des preuves».
Stephane Chinnapen
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