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2 novembre 2015 14:55
Il est des images qu’on ne peut effacer de sa mémoire. Ce, même si l’on tente de toutes ses forces d’y parvenir. Car certaines cicatrices sont faites pour durer éternellement. C’est le drame que vit Azrah Begum, 36 ans, au quotidien depuis que son fils Farhaan Dowlut est décédé le 24 janvier 2014 après une attaque à l’acide survenue au domicile de ses grands-parents à Plaine-Verte, aux petites heures du 31 décembre 2013.
Ce matin-là, cinq membres de cette famille – Azrah Begum elle-même, sa sœur Nazrana, leur mère Nazma, le petit Farhaan et sa sœur âgée de 2 ans – sont attaqués à l’acide dans leur sommeil. «J’étais paniquée, car je ne comprenais pas ce qui se passait. Mes enfants criaient et se débattaient. Mais cela n’a pas découragé l’agresseur qui a continué à lancer de l’acide sur nous», confie Azrah Begum, les larmes aux yeux. Le petit Farhaan, grièvement touché, rendra l’âme quelques jours plus tard, au grand désespoir de sa famille, alors que les autres garderont des séquelles de l’agression à vie.
Le mercredi 28 octobre, la magistrate Niroshini Ramsoondar a infligé dix ans de prison à l’agresseur du petit Farhaan, Sheik Hashim Mungralee, pour l’attaque mortelle à l’acide ainsi que huit et six ans de prison pour d’autres charges d’accusation qui étaient retenues contre lui dans cette affaire et qu’il devra purger parallèlement.
Un autre accusé, Tariq Ally Gafoor, considéré comme le commanditaire de cette agression, attend son procès derrière les barreaux. Celui-ci débutera le 25 novembre. L’homme, marié à la sœur d’Azrah et de Nazrana, avait expliqué à la police qu’il avait commandité cette attaque pour empêcher cette dernière, de qui il était secrètement amoureux, d’épouser un autre homme. Nazrana devait se fiancer le 2 janvier 2014.
Les parents de Farhaan suivent évidemment de près toute cette affaire et se disent très déçus de la sentence prononcée contre Sheik Hashim Mungralee. «Justice n’a pas été rendue à notre petit Farhaan. Cet homme mérite une peine plus sévère pour avoir tué notre enfant», lâche Azrah, laissant exploser sa peine et sa colère. Chaque jour, elle revoit son fils chéri, blotti dans ses bras, l’acide dévorant son petit visage d’enfant sans qu’elle ne puisse rien faire. «Ce soir-là, je l’ai serré dans mes bras pendant qu’on le transportait à l’hôpital. À aucun moment, il n’a ouvert les yeux. Je ne peux imaginer sa souffrance à ce moment-là. Les jours suivants, il a vécu le martyre à l’hôpital. Il a perdu la vue. Ses yeux s’enfonçaient de plus en plus. Il ne lui restait plus que la peau sur les os, l’acide dévorait sa chair un peu plus chaque jour. Comment quelqu’un qui a fait une chose pareille peut-il écoper de seulement dix ans de prison ?» se demande-t-elle en pleurant, le cœur lourd de chagrin.
Pour cette mère de famille, il est encore plus difficile d’expliquer à sa fille Afline, également victime de l’attaque, la présence des nombreuses cicatrices sur son visage. La petite est aujourd’hui âgée de 4 ans. «Elle est en âge de comprendre maintenant. Elle va à l’école, on lui pose des questions sur ces blessures. À la maison, lorsqu’elle se regarde dans le miroir, elle me demande quand ces cicatrices vont disparaître. Elle se demande aussi si elle avait fait du mal à celui qui nous a attaqués à l’acide. Elle n’est plus la même. Elle est toujours nerveuse et a peur du noir», murmure Azrah.
Sameer Dowlut, le père de Farhaan, est tout aussi révolté par la sentence infligée à Sheik Hashim Mungralee, 24 ans. «On ne peut accepter une chose pareille. On veut contester. Mais on n’a pas les moyens d’engager un avocat. On lance un appel à un homme de loi sensible à cette affaire, qui pourra nous venir en aide afin de discuter de la marche à suivre», lance-t-il. Chauffeur au sein d’une compagnie à l’époque, il avait dû cesser de travailler après l’agression pour se rendre au chevet de son fils matin et soir.
«Je me souviens de tout. Ma fille était admise dans une salle et mon fils dans une autre à Candos. Ma femme était avec eux. Je n’ai eu d’autre choix que de quitter mon job. Après la mort de mon fils, j’étais au plus mal psychologiquement, comme le reste de la famille. Je devais prendre des pilules pour pouvoir dormir. Aujourd’hui, je me suis reconverti en marchand de fruits. Mais je ne gagne pas beaucoup. C’est pour cela qu’on lance un appel à un avocat qui pourra nous aider sur un plan purement humanitaire», confie-t-il.
Sa femme et lui espèrent aussi que Tariq Gaffour écopera d’une peine très sévère. «Après cette attaque, Tariq Gaffour sympathisait avec la famille et pleurait en disant que ceux qui avaient fait une telle chose méritaient le pire châtiment qui soit. Alors qu’il était le responsable de toute cette affaire», lance Sameer Dowlut. Jamais, dit-il, il ne pourra pardonner à ce dernier les larmes qu’il a versées hypocritement. Encore moins le scénario machiavélique et glacial qu’il a préparé et qui a coûté la vie à Farhaan.
Dans leur malheur, les Dowlut ont tout de même connu un peu de bonheur. Récemment, un rayon de soleil prénommé Hania est venu leur apporter un peu de lumière. Cette dernière est âgée de sept mois. «Notre fille ressemble beaucoup à Farhaan. Elle nous fait penser à lui. Mais il ne cessera jamais de nous manquer», souligne Sameer Dowlut.
Avec l’arrivée d’Hania, la famille tente de se reconstruire et d’avancer, tant bien que mal, malgré la douleur et avec le désir de tout faire pour que Farhaan obtienne justice.
C’est à son domicile, à Plaine-Verte, que cette attaque à l’acide a eu lieu aux petites heures du matin du 31 décembre 2013. «J’ai également subi des brûlures lorsque j’ai aidé à transporter les membres de ma famille à l’hôpital», affirme Adhil Allyjaun, l’oncle de Farhaan. Comme toute la famille, il est outré que l’agresseur de son neveu n’ait écopé que de dix ans de prison. «Nous demandons au Directeur des poursuites publiques de faire appel du jugement rendu par la cour dans cette affaire. C’est inacceptable que quelqu’un écope de seulement dix ans de prison pour un tel crime. Ce petit a terriblement souffert.»
De plus, soutient-il, les relations familiales ne sont plus comme avant depuis ce drame. «Ma grand-mère souffre d’une grave maladie due au stress depuis cette attaque. Elle a perdu son petit-fils. Mais elle a aussi l’impression d’avoir perdu une fille, celle qui est mariée à Tariq Ally Gafoor, car depuis le drame, elle ne l’a plus jamais revue», précise l’oncle de Farhaan qui se désole de cette situation.
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