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31 août 2017 00:45
La mer est calme. Sans la moindre vague qui vient s’écraser sur la petite plage de la Baie-du-Tombeau. Il est 12h25 en ce vendredi 25 août lorsque nous arrivons sur place, à la recherche des pêcheurs d’ourites qui fréquentent ce lieu régulièrement. Mais ce jour-là, nous les avons manqués de près, nous font comprendre trois hommes, assis sur le sable blanc recouvert de coraux. «Ils étaient à plusieurs. Tous des ouritesen main alors que c’est supposé être la fermeture de la pêche à l’ourite. Ils nous ont même pris pour des policiers en civil», nous lance l’un des trois hommes.
Depuis le 15 août, la fermeture de la pêche à l’ourite a pris effet. C’est la troisième édition du programme Smartfish initié par la Commission de l’océan Indien. Celui-ci vise à lutter contre la dégradation des ressources marines et à permettre aux ourites de se reproduire. Mais certains hommes de la mer ne respectent pas cette mesure. Et ce n’est pas Jean-Paul Mariejeanne qui dira le contraire.
Ce pêcheur d’ourite explique qu’il fait ce métier depuis l’âge de 11 ans. «Mon père et mon grand-père faisaient ce métier. C’est eux qui m’ont transmis ce savoir-faire. Mais pendant la fermeture, la vie est très dure car je ne sais faire que cela. Je respecte la loi mais malheureusement, il y a beaucoup qui vont pêcher les ouritesmalgré la fermeture», avance-t-il, la rage au ventre.
Durant cette période, Jean-Paul Mariejeanne confie que le maître-mot, c’est la débrouillardise. C’est sur la plage de Trou-aux-Biches et les pieds dans l’eau que nous l’avons rencontré. «Chaque matin, je viens ici, j’attends que les pêcheurs rentrent de la pêche afin de nettoyer leurs prises. Je peux toucher entre Rs 100 à Rs 200 par jour.» Le strict minimum pour faire bouillir la marmite.
S’il n’est pas marié et qu’il n’a pas d’enfant, il doit toutefois subvenir aux besoins de sa sœur et des enfants de cette dernière, qui vivent sous son toit. «Les autorités n’ont fait que fermer la pêche à l’ouritesans le moindre plan pour nous qui avons des familles à nourrir. Ici, à Trou-aux-Biches, nous sommes environ 15 pêcheurs d’ourites.Nous voulons bénéficier des mêmes avantages que les pêcheurs d’ourites de Rodrigues qui sont payés durant cette période», lance notre interlocuteur. Même son de cloche du côté des pêcheurs de Pointe-aux-Piments. De préciser qu’il n’y a pratiquement pas moyen de frauder et de pêcher illégalement les ourites durant cette fermeture dans leur localité car les autorités veillent au grain.
Alors, pour gagner leur vie, ils se sont tournés vers des petits boulots : maçonnerie, jardinage…«Me enn peser ress enn peser», fait ressortir celui que nous prenommerons Viraj. «Enn peser atase ek lamer, difisil pou li fer enn lot travay me kan karay so oblize trase.» Ce ne sont pas les pêcheurs de Pointe-aux-Sables qui diront le contraire, même s’ils ne veulent pas s’attarder sur le sujet. Direction Le Morne Village où nous rencontrons Moonien Moonsamy. Ce pêcheur professionnel et également conseiller de son village est marié et père de quatre enfants. Devant sa vitrine à poissons qui se tient sur des roulettes, il s’active à nettoyer la prise du jour, quelques «pwason korn ek enn Kalamar».
Même si ce dernier arrive atras enn lavi, la fermeture de la pêche à l’ourite représente un manque d’argent considérable. «Je pêche de tout. Donc, j’ai toujours une rentrée d’argent, même durant la fermeture de la pêche à l’ourite. Mais ici, nous sommes à 55 pêcheurs. Et un grand nombre vit uniquement de la pêche à l’ourite. Nous ne sommes pas contre la fermeture. Mais le gouvernement doit aussi nous aider durant cette période. à Rodrigues, ils touchent Rs 7 000 mensuellement pendant la fermeture. On devrait aussi bénéficier de cette aide», estime Moonien Moonsamy.
Il ajoute que «fami peser mizer sa et nou pran boukou risk pou al lapes. Nou tia kontan gagn sibsid ek gouvernman pou kapav aste bon lekipman pou nou pa met nou lavi an danze», fait-il ressortir. Quoi qu’il en soit, durant la fermeture de la pêche à l’ourite, les pêcheurs se débrouillent comme ils le peuvent afin de faire vivre leur famille. En attendant de pouvoir à nouveau pratiquer leur métier, les mains et les pieds dans l’eau…
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