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Gérard Tuyau, 63 ans, décède après une énième bagarre avec son fils - Sa soeur Marie-France : «Zame linn rod denons so zanfan»

11 mars 2024

C'est dans leur maison à Osman Lane, St-Paul, que le sexagénaire aurait été tabassé par son fils.

Tous ceux qui l’ont côtoyé concèdent qu’il n’était pas le plus parfait des pères mais faisait toujours de son mieux pour l’être. Même si Gérard Tuyau, 63 ans, était légèrement porté sur la bouteille, cela ne l’aurait jamais empêché de se vouer corps et âme à ses trois fils, qu’il «aimait à en perdre la raison». C’est d’ailleurs cet amour inconditionnel et sans limite qui lui a coûté la vie ce mercredi 6 mars. Dans sa localité, les langues se délient peu à peu après le décès tragique du sexagénaire. Des voisins racontent que les bagarres étaient incessantes au sein de cette famille domiciliée à Osman Lane, St-Paul ; particulièrement entre le père et son benjamin Yannick. Néanmoins, Gérard Tuyau n’a jamais voulu le dénoncer aux autorités pour les maltraitances qu’il lui faisait subir depuis tellement d’années, ne souhaitant pas lui causer d’ennuis. «Li ti pe tro soutir li», lâche une voisine, amère. Roué de coups par son fils après une énième dispute, il s’est écroulé dans l’allée menant à leur maison et y a poussé son dernier soupir.

 

Originaire de Phoenix, Gérard Tuyau est le père de trois fils : Hensley, 37 ans, Fabrice, 35 ans, et Yannick, 30 ans. Séparé de sa compagne, avec qui il avait conservé de très bonnes relations, il s’était installé à St-Paul avec ses enfants il y a une dizaine d’années, à seulement quelques centaines de mètres du domicile de leur mère. Il a longtemps exercé le métier de chauffeur de taxi avant de prendre sa retraite. «Il a voulu arrêter de travailler lorsqu’il a commencé à souffrir de psoriasis. Cela l’avait découragé mais il avait fini par se reprendre en main et se dévouait à ses enfants. Il leur donnait toujours de l’argent de poche tous les mois même s’ils travaillaient», relate sa soeur Marie-France.

 

Il s’est toujours bien entendu avec son aîné et son cadet. Malheureusement, ses efforts pour nouer des liens sains avec son benjamin se sont toujours avérés vains. «Sa de gran garson-la ti bann bon zanfan, me Yannick ti pe antrenn zot. Li ti pe azir mem manier avek so bann frer ek so granmer. Depuis qu’il est petit, il a mauvais caractère, mais son papa l’a toujours protégé. Kan nou ti pe poz mo frer kestion, li ti pe kasiet. Li pa ti pe rakont nou nanye. Zame linn rod denons so zanfan pou protez li.» Une voisine de la famille Tuyau abonde dans ce sens. «De lezot garson-la korek, zot trankil, me seki pli tipti-la move. Li ena ner. Li zoure bel bel betiz. Li ti pe lager mem avek vwazin pou nanye. Li ti pe rant dan lakaz pou kokin.» Elle avance que c’est son addiction à la drogue qui l’aurait rendu ainsi.

 

«Lorsque mon frère nous rendait visite les dimanches, il nous racontait que Yannick lui volait régulièrement sa carte bancaire. Même s’il l’avait détruite, son fils avait tout de même fini par apprendre à imiter sa signature. Lerla li ti fer bann demars pou ki li met pous kan li al tir so kas», avance Marie-France. Depuis, le jeune homme serait devenu encore plus violent. D’après nos renseignements, Gérard Tuyau et son fils Yannick se seraient à nouveau disputés dans la soirée du mardi 5 mars, toujours parce que ce dernier réclamait à son père l’argent de sa pension. Ce serait avec un tuyau d’eau que le benjamin aurait agressé le sexagénaire, qui s’est écroulé.

 

Insupportable douleur

 

Malgré les graves blessures subies et l’insupportable douleur, Gérard Tuyau serait allé se coucher. Le lendemain matin, Yannick l’aurait tout de même forcé à quitter la maison pour le conduire à la banque afin qu’il y effectue un retrait et lui remette l’argent. C’est aux alentours de 14 heures, alors qu’il était sur le point de rentrer, que le sexagénaire s’est écroulé à quelques mètres de leur maison. «Apre ki linn tonbe, monn trouv so garson pe sarye li, pe amenn li. Dan mo latet mo ti pe dir get sa, li enn bon garson, so papa malad li pe amenn li. Monn tann li demann so papa si li pou al lopital, me mo pann tann so papa reponn», relate la voisine. Elle était loin de s’imaginer qu’il venait de succomber aux coups infligés par son propre enfant. Les proches de Gérard Tuyau ont appelé le SAMU mais à l’arrivée de l’ambulance, un médecin n’a pu que constater son décès.

 

Alertés, les limiers de Phoenix sont vite intervenus. Pour les besoins de l’enquête, une équipe du Scene of Crime Office (SOCO) et un photographe de la police ont été sollicités pour collecter les indices. Les lieux ont été délimités avant même qu’une autopsie ne détermine la cause du décès. Marie-France se souvient d’avoir reçu l’appel de son neveu Hensley lui annonçant le décès de son frère. «Kan linn dir mwa sa, mo ti fini ena enn lide an tet kinn pase. Il voulait que je le rejoigne à l’hôpital Victoria et que j’emmène ma carte d’identité pour donner mon autorisation pour l’autopsie mais je lui ai dit que j’étais au travail, que je ne serais pas en mesure d’arriver tout de suite. Il m’a dit qu’il se débrouillerait.»

 

Le même soir, cet exercice a été conduit par le Dr Seewooruttun, médecin légiste de la police, et a conclu à une rupture de la rate. Hensley aurait tout juste eu le temps de contacter sa tante à nouveau pour lui faire part des conclusions du médecin légiste avant de l’informer que la police lui passait les menottes. Soupçonnant un foul play, la brigade criminelle de Phoenix a, en effet, appréhendé toutes les personnes vivant avec la victime : Hensley, son frère Yannick et la compagne de ce dernier, Suhaiah Bibi Lidialam, âgée de 26 ans. Une accusation provisoire de meurtre a été logée contre Yannick tandis que les deux autres sont accusés de ne pas avoir porté assistance à Gérard Tuyau.

 

Marie-France raconte que son frère a toujours été «un homme dévoué et pieux». Très engagé au sein de l’église, il y officiait comme brancardier. Elle insiste sur le fait qu’«il était quelqu’un de bien même s’il avait ses défauts». Elle raconte que frère se démenait non seulement pour ses enfants, mais aussi pour son épouse. «Même s’ils avaient choisi de se séparer, ils s’entendaient à merveille. Mo frer ti pe ale vini kot li, ti pe al manze kot li. Sak fwa li ti pe aste enn ti kari li ti pe amenn pou li. Kan so belmer ousi ti ankor la, li ti pe bien get li.» Il faisait preuve de la même générosité envers toutes les autres personnes qu’il connaissait. Comme l’indique sa voisine : «Tou lamor ki ti ena li ti pe al fer la priyer, al donn koudme.» Bien que bouleversée par cette disparition tragique, elle reconnaît : «Nous savions que cela se terminerait mal un jour. C’était loin d’être la première dispute entre les deux.»

 

Maltraitances

 

Même si Gérard Tuyau avait choisi de garder le silence sur les maltraitances subies, ses proches étaient au courant à en croire Marie-France : «Son fils Hensley appelait souvent notre frère pour lui faire part de son ras-le-bol. À chaque bagarre, il le contactait pour lui demander de consigner une déposition contre Yannick mais celui-ci lui expliquait toujours qu’il avait les mains liées, qu’il faudrait que Gérard le dénonce lui-même. La seule fois où Gérard a eu le courage de le dénoncer, il a fini par enlever sa plainte au bout de quelques jours parce que Yannick le menaçait.»

 

Dans cette affaire, dit Marie-France, son neveu Hensley ne serait qu’une autre victime des mauvaises actions de son petit frère. «C’est dommage pour lui d’avoir à vivre tout cela, d’autant qu’il est un jeune homme perturbé après avoir assisté à tous les accès de colère de Yannick. Hensley a toujours été malheureux. Il voulait à tout prix que nous lui trouvions une autre maison où vivre pour ne plus être témoin de ce que subissait son père.» Lorsqu’elle lui a rendu visite au poste de police, poursuit-elle, «il ne cessait ne me répéter : “To kone mo pa koupab, mo ti dan travay, ena temwin.” Je lui ai demandé de donner le temps aux enquêteurs de boucler l’affaire mais il a perdu son sang-froid et s’est énervé. Je pense que cela le frustrait de ne pas pouvoir être présent pour sa famille. Cela m’attriste qu’il n’ait pas pu assister aux funérailles de son père.»

 

Comme lui, les autres membres de cette famille ne parviennent pas à entamer leur chemin du deuil. «Nous n’avons pas l’impression d’être là pour un enterrement mais seulement pour un meurtre. Nous n’arrêtons pas de nous demander comment Yannick a pu faire une telle chose à son papa, à quel point Gérard a pu souffrir avant de mourir. Cela continuera de nous trotter dans la tête.» Peu de temps avant son décès, raconte notre interlocutrice, Gérard Tuyau a souvent donné l’impression à son entourage d’être conscient qu’il quitterait ce monde bientôt. «Il y a quelque temps, il a sorti le costard qu’il avait porté le jour de son mariage. Il nous expliquait que ses papiers pour son terrain et ses funérailles étaient déjà prêts, qu’il ne lui manquait qu’une chemise blanche. Il n’était pourtant pas malade.» Aujourd’hui, elle est doublement triste : «Kouma enn zanfan kapav fer enn zafer parey avek so prop papa ? Yannick est pourtant un bon mécanicien, mais il a pris une mauvaise pente. Mo frer pa ti merit enn lamor koumsa.» Elle n’a plus qu’un souhait : qu’Hensley puisse rapidement retrouver sa famille car «il a déjà bien assez souffert comme cela». Gérard Tuyau a rejoint sa dernière demeure ce jeudi 7 mars à 14 heures.

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