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Par Yvonne Stephen
14 février 2016 23:34
Raz-de-marée de commentaires. Les journées pluvieuses de cette semaine ont provoqué des accumulations de pa mwa li sa. Quelques réflexions ont mené à des inondations dans certaines maisons politiques et à des débordements de paroles (le clash Dayal-Bachoo sur Radio Plusétait la goutte d’eau). Un flot de mots – pas jolis, jolis – qui a transporté, sur sonpassage, de nombreux déchets : incompétence et inaction, entre autres. Certains arguments et certaines décisions ont pris l’eau. Les récentes pluies qui ont paralysé le pays le mercredi 10 février et offert une semaine de congé (ou presque) aux écoliers ont servi, au moins, à une chose : savoir si le pays et les autorités peuvent faire face à des flash floods… À un remake de 2013, en quelque sorte.
La réponse à cette interrogation penche en fonction de l’appartenance politique du côté du «oui» ou du «non». Néanmoins, au-delà de se renvoyer la baballe – un jeu lassant entre l’ancien et le nouveau gouvernement –, le constat est sans appel : il y a encore du boulot ! Parce qu’en cas d’averses, certaines routes sont impraticables, qu’il y a encore des familles qui ont tout perdu et des maisons sous les eaux. Il y aura toujours des inondations. Car il existe des explications «naturelles» : la géomorphologie de l’île et les vilains gros nuages qui apportent beaucoup de pluie. Et celles qui sont difficilement modifiables, comme les constructions sur les zones marécageuses.
Toutefois, il existe d’autres paramètres qui peuvent être contrôlés en amont. Il revient donc aux autorités de prendre les décisions qui s’imposent. C’est ce qu’a tenté de faire le gouvernement Lepep, cette semaine (le mercredi 10 février et les jours d’après). Un comité interministériel a été mis en place pour travailler sur les failles du système et des infrastructures lors des récentes pluies torrentielles. Nando Bodha l’a annoncé, cette semaine : «Nous devons tirer des leçons de ces inondations et noter des failles pour que cela ne se reproduise plus.» Une première rencontre a eu lieu au lendemain du mercredi pluvieux.
Après avoir bu la tasse, on sert la tisane, disent certains. Surtout ceux qui font partie de l’opposition. Anil Bachoo, qui a été virulent cette semaine, accuse le gouvernement actuel de n’avoir pas fait des travaux d’entretien après sa prise de pouvoir. Le MMM surfe sur la même vague. Paul Bérenger a décrié l’absence d’engagement du gouvernement. «On parle deSmart Cities mais rien n’a été fait en un an pour l’entretien des drains. C’est maintenant qu’on décide de le faire. C’est de l’incompétence mêlée au ridicule (…) Il faut rattraper le temps perdu et dégager un plan d’ensemble. La population a le droit de connaître la vérité sur plusieurs points», a-t-il déclaré lors d’un point de presse hier, samedi 13 février.
L’ancien ministre des Infrastructures et le leader de l’opposition ont-ils raison ? À Canal Dayot ou à Sable Noir, par exemple, les habitants estiment que les travaux enclenchés après les inondations meurtrières de 2013 par l’ancien régime (mais pas terminés pour Sable Noir) n’auraient pas fait l’objet d’un suivi. Yannick Cornet, membre du PMSD, qui accompagnait une délégation d’élus à Grande-Rivière-Nord-Ouest/Port-Louis Ouest (n°1), n’est pas de cet avis : «C’est faux de dire que rien n’a été fait. Nous avons agi. Mais il reste beaucoup à faire. C’est un travail de longue haleine.»
Même avis du côté des ministres Nando Bodha et Raj Dayal, qui ont animé un point de presse cette semaine. Ils ont mis le doigt sur les problèmes infrastructurelles (absence de drains ou drains trop étroits et design des ronds-points) et sur le manque de civisme (les drains finissent comme des poubelles), tout en mettant en exergue les failles de l’ancien gouvernement dans la gestion des pluies torrentielles.
Pour les ministres, la situation était sous contrôle le mercredi 10 février. La présence d’officiers dans les régions à risque, prêts à aider pour l’évacuation, la fermeture de certaines routes et l’ordre donné pour la fermeture des bureaux (malgré les couacs : voir hors-texte) étaient autant de décisions essentielles. Même son de cloche du côté du Commissaire de Police qui a tenu à féliciter les membres de la force policière pour leur travail sur le terrain. Yannick Cornet estime qu’il y a eu moins de dégâts qu’en 2013 : «Il y a une série de mesures qui ont été prises. De plus, les gens ont été sensibilisés et font mieux face à ce genre de situations.»
Sa présence, celle du député du n°1, Patrice Armance, et celle de conseillers municipaux sur le terrain, avaient un but : «Aider les gens, bien sûr. Et identifier les points de problème. Nous avons d’ailleurs transmis une liste aux autorités.»Pour l’heure, il est nécessaire, selon lui, de faire rapidement un constat de la situation et d’agir : «Nous avons fait appel à des experts qui nous proposeront des solutions à long terme.»De plus, il existe un problème fondamental, estime-t-il : les constructions sans planification et sans cadre spécifique, une urbanisation sauvage en quelque sorte.
Pour que l’eau en excès soit absorbée ou aille vers la mer, il faut qu’elle trouve son chemin. Si sa route «naturelle» est bloquée, où va-t-elle ? Vous connaissez la réponse. D’où la nécessité de mettre en place une vraie politique d’urbanisation : «Fond-du-Sac est sur le trajet de l’écoulement de l’eau. Comment des constructions ont-elles été permises ? On ne peut pas construire sur des marécages. Ils ont un rôle fondamental. Aujourd’hui, il faut trouver des solutions. Mais des bonnes. Pas des remèdes qui feront plus de dégâts au final.»Paul Bérenger, lui, demande un plan d’ensemble concernant les rivières, les wetlandset les cuvettes.
Pour la grande partie des décisions à prendre et à mettre en pratique, il faut du temps. En attendant, il est possible de compléter certains travaux – à Sable Noir, par exemple –, d’en commencer d’autres (comme des projets valables de l’ancien gouvernement) et de s’assurer que les drains soient bien nettoyés. Il faut agir, estime Yannick Cornet : «Et le gouvernement le fera.» Surtout, explique-t-il, il n’est pas difficile de penser à 2013 : «Les premières pluies avaient eu lieu, comme cette année, le mercredi des cendres… Est-ce qu’il s’agit de la même configuration ? Devra-t-on faire face à un nouveau 30 mars ?»
La question est posée. Et la réponse se trouve dans les actions.
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