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9 juillet 2023 16:50
Le 7 juillet 2022, ils ont vécu un véritable drame. Ce jour-là, Bruno et Madegee Soobhee ont perdu leur fils unique de 20 ans, O’Brian, dans un accident de la route. Ce dernier se rendait au travail à moto lorsqu’une voiture l’a percuté mortellement à la jonction des rues Sir William Newton et Cossigny, à Quatre-Bornes. Un an plus tard, le couple, encore meurtri, n’a toujours pas fait son deuil. Ce vendredi 7 juillet, après avoir embrassé la photo de leur enfant comme tous les jours depuis sa disparition tragique, c’est avec le coeur lourd qu’ils se sont rendus à la messe et ont déposé des gerbes à l’endroit où il a trouvé la mort. Déjà déboussolés après cette journée particulièrement éprouvante, Bruno et Madegee, ainsi que leur fille Konchela, ne s’imagineraient pas qu’une terrible nouvelle viendrait les achever.
Peu avant 20 heures, alors qu’ils venaient tout juste d’apprendre sur les réseaux sociaux qu’un homme avait été percuté par le métro non loin de leur domicile, à Belle-Rose, leur téléphone a commencé à sonner. «Un proche m’a appelé pour me demander si mon beau-frère Gilbert (photo) était à la maison, car il lui aurait dit qu’il passerait la nuit chez nous», relate Madegee. Gilbert Soobhee, 47 ans, logeait depuis quelque temps chez son frère Nicolas, à Pailles. Souffrant de troubles respiratoires, il s’était rendu à son rendez-vous à l’hôpital Victoria plus tôt, ce jour-là. Madegee pense qu'il a sûrement voulu rester dans les environs pour des raisons pratiques : «Il avait sûrement trouvé cela plus facile de passer la nuit chez nous et de rentrer chez lui le lendemain, mais il n’est jamais arrivé.» Elle poursuit : «Mon beau-frère Nicolas nous avait aussi appelés pour prendre de ses nouvelles et mon époux leur avait demandé de nous tenir au courant s’ils en avaient.» Leur entourage, se faisant un sang d’encre, a alors commencé à imaginer le pire.
C’est ainsi que Madegee, accompagnée de quelques proches, s’est rendue sur le lieu de l’accident. «Mais je n’ai rien trouvé. Ils avaient déjà tout enlevé», dit-elle. Elle s’est ensuite rendue au poste de police, et après s’être renseignés auprès du personnel de l’hôpital Victoria, où avait été conduite la dépouille de la victime, les officiers ont pu lui confirmer qu’il s’agissait de son beau-frère. Gilbert Soobhee était bel et bien la troisième victime du métro. «J’ai eu l’impression de revivre l’accident de mon fils. Personne ne s’imagine perdre deux membres d’une même famille en un an, à la même date, dans presque les mêmes circonstances. D’autant qu’ils ont tous les deux été victimes d’un accident dans pratiquement le même quartier, à quelques centaines de mètres l’un de l’autre.» Cette nouvelle tragédie, dit-elle, la ramène au jour où elle s’est écroulée à l’hôpital, l’an dernier, en apprenant que son fils n’était plus de ce monde. Également submergée de questions quant aux circonstances du décès de Gilbert, elle s’interroge : «Comment a-t-il pu être projeté sur la route s’il marchait sur les rails du métro ? Je ne comprends pas non plus comment il a pu se retrouver là, car il connaît bien les lieux. Ce drame nous laisse perplexes.»
La dernière fois qu'elle avait croisé le quadragénaire, raconte-t-elle, c'était en mai dernier, lorsque sa belle-mère Anne-Marie, établie en Australie, était venue passer des vacances à Maurice. «Nous lui avions rendu visite chez mon beau-frère Nicolas, à Pailles, et en avions profité pour laisser un peu d’argent à Gilbert.» Ayant non seulement souffert de tuberculose dans le passé, Gilbert Soobhee, qui n’était plus en mesure de travailler à cause de ses problèmes respiratoires, peinait à joindre les deux bouts. «Cela lui faisait de la peine de ne plus pouvoir gagner sa vie en travaillant comme peintre et tôlier. Il détestait devoir dépendre des autres. C’est la raison pour laquelle, durant son séjour, ma belle-mère l’avait accompagné à l’hôpital pour entamer des démarches auprès des médecins pour qu’il puisse obtenir une pension. Une réunion était prévue à cet effet ce lundi (NdlR : le 10 juillet).» Quand la douloureuse nouvelle a été annoncée à la mère du quadragénaire, dit Madegee, celle-ci n’a pu s’empêcher de se remémorer l’accident de son petit-fils O’Brian. «Tu as vécu la mort de ton fils dans les mêmes circonstances l’an dernier, et cette année je le vis aussi. Ce n’est pas évident», lui aurait-elle dit avec douleur.
Pas marié et sans enfants, la vie de Gilbert Soobhee a pris une autre tournure du jour au lendemain à cause de la maladie. Auparavant, il a vécu dans une maison à Quatre-Bornes, non loin de son lieu de travail, soit le snack Gloria. Lorsqu’il a commencé à avoir des problèmes de santé, il a dû se défaire de son logement, n’étant plus en mesure de payer un loyer après avoir quitté son emploi. «Nous l’avions emmené à l’hôpital, avions entamé des démarches pour lui, mais cela n’avait pas été possible pour nous de l’accueillir chez nous, vu que nous n’avions pas de place ; nous avons des enfants et mon époux est le seul à subvenir à nos besoins. Ce n’était pas évident, mais nous l’avions aidé du mieux que nous pouvions», confie Madegee. Après qu'il a vécu quelque temps à l’Abri de nuit de St-Jean durant la période de Covid-19, son frère Nicolas l’a accueilli chez lui, à Pailles, où il vivait depuis.
«Nous ne le voyions plus très souvent depuis le confinement», souligne Madegee. Bien que très affligée par son départ tragique, qui plus est à une date symbolique, elle se dit tout de même «soulagée de ne plus le voir souffrir à cause de la maladie». Les funérailles de Gilbert Soobhee – décrit par son entourage comme un homme timide, discret et réservé – ont eu lieu ce samedi 8 juillet. «Ce dimanche 9 juillet, nous avons prévu un lâcher de lanternes à la plage de Tamarin dans l’après-midi à l’occasion de l’anniversaire du décès d’O’Brian, qui aimait beaucoup cet endroit. Nous profiterons aussi de cette occasion pour rendre hommage à Gilbert», poursuit Madegee, le coeur lourd de chagrin.
Dans un communiqué émis ce 7 juillet, suivant le décès tragique de Gilbert Soobhee, Metro Express Ltd a tenu à réitérer son appel au public afin qu'il reste vigilant. Il demande à la population de regarder dans les deux voies de la circulation avant de traverser et de faire attention aux panneaux de signalisation pour éviter que d'autres drames se produisent. Metro Express Ltd précise que le protocole d'urgence en place a été suivi pour porter assistance à la victime. Tout en demandant au public d'être consciencieux, la compagnie a tenu à présenter ses sympathies à la famille endeuillée. Gilbert Soobhee, rappelons-le, est la troisième victime du tram depuis sa mise en opération en 2020.
Elodie Dalloo et Stephanie Domingue
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