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2 mars 2022 18:22
Des images qui donnent froid dans le dos. Des récits qui glacent le sang. Des scènes violentes. Des informations qui circulent en boucle et qui captivent l’attention... Depuis quelques jours, plus que jamais, les yeux du monde sont tournés vers l’Ukraine. Une opération militaire spéciale a été lancée par la Russie sur le pays, le jeudi 24 février 2022, comme l’a annoncé le président russe Vladimir Poutine. Des explosions ont ainsi été entendues dans les grandes villes, dont Kiev, la capitale. «J’ai pris la décision d’une opération militaire spéciale», a déclaré Vladimir Poutine dans une allocution diffusée à la télévision. «Nous nous efforcerons d’arriver à une démilitarisation et une dénazification de l’Ukraine», a-t-il ajouté. Dimitri Kouleba, ministre ukrainien des Affaires étrangères, a, lui, parlé d’une «invasion de grande ampleur».
Selon des sites d’informations, l’origine principale de l’attaque de la Russie en Ukraine serait «la volonté de cette dernière d’intégrer l’Otan (une alliance militaire et politique de pays occidentaux)», ce que n’accepte pas Vladimir Poutine. Il a à nouveau dit son opposition à ce désir ukrainien, condition sine qua none pour un apaisement des tensions. L’Ukraine, pays d’Europe de l’Est, est engagée dans un conflit meurtrier avec la Russie depuis 2014, année où Moscou a annexé la Crimée. Les violences perdurent dans l’Est séparatiste pendant que le pouvoir à Kiev se rapproche toujours plus de l’Europe.
Aujourd’hui, cette triste actualité interpelle, touche, choque. Au samedi 26 février, alors que les sites d’informations ne cessaient de relayer des détails sur cette «invasion russe», l’armée de terre ukrainienne, en revenant sur les derniers jours d’attaque, faisait était de «tirs de missiles» qui avaient visé le sud-est de la capitale. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a déclaré que son pays se retrouve «laissé seul» et a accusé les Russes de bombarder des zones civiles. Le président ukrainien a aussi annoncé, le jeudi 24 février, la mort d’au moins «137 héros, nos citoyens», depuis le début de l’invasion russe, avec un scénario bien pire qui se profilerait...
Depuis jeudi, les choses s’enchaînent. La nuit de ce vendredi à samedi a été marquée par une intensification des raids aériens sur la capitale ukrainienne. «Nous ne déposerons pas les armes», a déclaré le président ukrainien dans une vidéo publiée ce 26 février.
Nul ne peut rester insensible à ce qui se passe en Ukraine, que ce soit à Maurice ou ailleurs. Les vidéos qui circulent arrachent des larmes et suscitent de vives émotions. L’appel de détresse d’un de nos compatriotes, Kevin Allagapen, dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux, a ainsi beaucoup touché les internautes. Dans celle-ci, le Mauricien de 36 ans et père de famille, qui cherchait à ce moment-là un refuge pour sa famille et lui, partage la situation difficile dans laquelle ils sont, alors qu’on entend des «tirs de missiles» qui retentissent et des avions qui survolent le ciel. Sur son visage et sur celui de son épouse Tania : de la peur mais aussi de la fatigue. La détresse et la panique y sont palpables. Très vite, cette vidéo a fait le buzz avec des Mauriciens qui, dans des messages de soutien, expriment leur solidarité à Kevin et sa famille.
Quand nous avons pris de ses nouvelles ce samedi 26 février, le jeune homme était en sécurité avec sa petite famille. «Nous sommes pour l’instant en sécurité mais nous ne savons pas pour combien de temps. Tried all possible ways but was in vain and almost got killed. We are back to square one», nous a confié notre compatriote qui, selon nos informations, se trouvait alors dans un bunker (voir hors-texte plus loin).
Un autre Mauricien en Ukraine, Bryan Labiche, se retrouve lui aussi à vivre la terrible expérience d’une guerre. «Pour moi, en ce moment, je peux dire que je vais bien. Nous en sommes au troisième jour de guerre (NdlR : au samedi 26 février). La situation est très tendue mais si on reste là où nous sommes, je peux dire que nous sommes en sécurité. À part pour acheter des produits nécessaires dans les épiceries, je ne suis allé nulle part. Dans la nuit, on entend des bombardements au loin. Hier soir (NdlR : le vendredi 25 février), j’ai entendu des bombardements vers 20h30 et plusieurs fois après aussi. Le combat est toujours en cours ; il est à noter que c’est la Russie qui a commencé ce combat et que les militaires ukrainiens se défendent et défendent le pays», nous explique Bryan Labiche. Sa famille, comme bien d’autres à Maurice qui ont des proches vivant en Ukraine, vit aussi dans l’angoisse et reste focalisée, entre autres, sur les chaînes d’informations. «Mo pe update mo mama tou lezour pou rasir li», souligne Bryan Labiche.
Komal Luchun, étudiant mauricien en Ukraine, n’aurait jamais pensé vivre une telle situation un jour. C’est la voix fatiguée, lors d’une conversation ponctuée de moments de pause, qu’il nous raconte (à jeudi soir) cette horrible expérience : «Dans les supermarchés, il y a des scènes de panic buying. Les guichets automatiques ne sont pas opérationnels et les banques sont fermées. J’ai aussi fait des courses pour être sûr d’avoir des vivres et je viens de rentrer. Je suis en contact avec l’université qui travaillait sur un moyen pour nous faire quitter l’Ukraine et rejoindre la Pologne. L’université nous a rassurés sur le fait qu’elle va organiser un transport pour qu’on puisse quitter l’Ukraine. Au coeur de ce chamboulement, je fais en sorte de rester en contact permanent avec ma famille à Maurice pour la rassurer et l’objectif en ce moment, c’est de retourner à Maurice...»
Ces scènes de guerre ne laissent personne insensible. La décision du président russe, après des mois de tensions et d’efforts diplomatiques pour éviter une guerre, a aussi très vite déclenché une série de condamnations internationales. Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a déclaré, au cours de la semaine écoulée, que le monde fait face «à un moment de péril», dénonçant à nouveau les «violations» commises par Moscou à l’égard de Kiev, à l’ouverture d’une réunion de l’Assemblée générale des Nations unies. «La décision de la Russie, de reconnaître la soi-disant “indépendance” des régions de Donetsk et de Lougansk – et la suite – est une violation de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de l’Ukraine, et est incompatible avec les principes de la Charte des Nations unies», a-t-il déclaré.
Et, bien évidemment, les Ukrainiens installés à Maurice sont plus que jamais scotchés à l’actualité. «Je suis comme tout le monde en train de suivre ce qui se passe en Ukraine sur le Net...» C’est avec ces mots, tout en se disant impuissante face à ce qui se passe, qu’une Ukrainienne qui a posé ses valises à Maurice il y a plusieurs années, nous parle de cet événement qui fait saigner son coeur.
Liubov Harel, une autre Ukrainienne vivant à Maurice depuis neuf ans, est elle aussi complètement sous le choc de ce qui se passe. «Il y a un petit groupe d’Ukrainiens qui vit à Maurice et nous avons fait une manifestation le jeudi 24 février à Port-Louis parce que c’est important pour nous de parler de ce qui se passe. L’objectif, c’est de partager notre peine. C’est très difficile de vivre ce drame de loin. J’ai ma mère, mon frère, des cousins, ma tante, mon oncle et d’autres membres de ma famille qui vivent là-bas et qui passent par des moments pénibles. Les gens se sont réveillés sous des explosions. Il y en avait partout et ma mère m’a raconté que les murs de sa maison ont tremblé. C’est quelque chose d’effroyable. J’ose à peine imaginer ce qui a traversé son esprit à ce moment-là. À Kiev, il y a des scènes de panique parce que les gens veulent fuir. Mais fuir pour aller où ? Ils ne savent pas mais ils veulent fuir. Il y a des attaques partout. Ma maman a essayé de retirer de l’argent mais tous les ATM sont vides. Il n’y a plus d’avions. Les aéroports sont fermés. Les hommes ne peuvent pas sortir de l’Ukraine. Depuis deux mois, les gens vivent dans la peur mais ils ne s’attendaient pas à ce qui se passe actuellement... La communauté, ici à Maurice, est très affectée. Tout le monde pleure», nous confie celle qui a actuellement le coeur tourné vers son pays.
De nombreux médias font ainsi état de cette invasion par les Russes en racontant la détresse de familles entières qui ont afflué devant l’entrée des stations de métro, jugées comme étant sûres car se trouvant sous terre. Sur plusieurs photos et dans des vidéos, on découvre des groupes de personnes apeurées et des familles, des enfants qui attendent assis à même le sol.
Le sort des Ukrainiens et tout ce que cette triste situation génère – entre souffrances, possibilité d’un plus grand nombre de victimes, destructions d’infrastructures civiles, déplacements massifs, traumatismes, disparitions et séparations familiales – monopolisaient l’opinion internationale. Alors que les images de guerre donnent froid dans le dos...
Dr A. M. Kureemun, consul honoraire d’Ukraine à Maurice : «Nous sommes en contact avec l’ambassade d’Ukraine à Prétoria et nous sommes aussi en contact avec le ministère des Affaires étrangères à Maurice. Nous suivons la situation de très près, surtout en ce qu’il s’agit des aides qu’on peut apporter aux Mauriciens qui s’y trouvent. La demande a été faite auprès de l’ambassade à Prétoria pour savoir combien de nos compatriotes se trouvent là-bas...»
Notre pays est sur le qui-vive. Le ministère des Affaires étrangères dit surveiller étroitement la situation en Ukraine, notamment en ce qui concerne la sécurité des Mauriciens qui s’y trouvent. Au jeudi 24 février, le Dr Chandan Jankee, ambassadeur de Maurice en Russie, demandait à nos compatriotes vivant en Ukraine, dont les étudiants, de rester chez eux, à l’abri, autant que possible et de ne pas céder à la panique.
«Il y a bien peu de Mauriciens qui ont pris contact avec nous jusqu’à l’heure (NdlR : jeudi soir). Il y a quatre étudiants qui nous ont contactés ; deux sont déjà partis en Angleterre et deux se trouvaient toujours en Ukraine à jeudi soir. Nous sommes en contact avec eux, ils vont bien et nous leur avons demandé d’être prudents et vigilants, et de rester chez eux. À jeudi, ils n’avaient pas pris de décision et ils nous disaient qu’ils allaient rester et suivre la situation. On est en contact avec les Mauriciens qui sont là-bas. J’invite les Mauriciens qui ne sont pas enregistrés au niveau de l’ambassade à prendre contact avec nous. Si la situation empire, le ministère va prendre les actions qui s’imposent», nous a confié le Dr Chandan Jankee.
Concernant le cas de Kevin Allagen dont la situation de détresse a interpellé de nombreux Mauriciens, il nous a fait la déclaration suivante : «Je lui ai parlé ce matin (NdlR : ce samedi 26 février). Monsieur Allagapen et sa famille vont bien. Ils sont dans un bunker. Mais bien évidemment, ils ont peur pour leur sécurité. Kevin Allagapen m’a dit qu’il va attendre et qu’il ne veut pas bouger pour le moment. De notre côté, on va continuer à suivre la situation...»
Ce qui se passe en Ukraine concerne tout le monde, tous les pays... Le Premier ministre, Pravind Jugnauth, s’est exprimé ce vendredi 25 février sur l’invasion de l’Ukraine par la Russie et a lancé un appel de paix. «Les conséquences seront catastrophiques pour le monde. L’économie mondiale sera affectée, surtout concernant le prix du pétrole», a déclaré le PM qui a souligné qu’il est pour un dialogue.
Face à la presse ce vendredi, Arvin Boolell, le chef de file du PTr au Parlement, a également commenté cette actualité internationale. «Le dialogue politique et diplomatique doit prévaloir (...) On est tous concernés mais la priorité des priorités, c’est l’évacuation des Mauriciens (...) Nou priye osi pou enn retour a la normal», a-t-il déclaré.
Xavier-Luc Duval a lui aussi évoqué la guerre en Ukraine lors de la conférence de presse de la Plateforme de l’Espoir, ce samedi 26 février : «La Plateforme de l’Espoir condamne sans réserve l’acte d’agression brutale de la Russie envers l’Ukraine. C’est injustifié et barbare.» Paul Bérenger, le leader du MMM, a également exprimé sa sympathie envers l’Ukraine : «La Plateforme de l’Espoir demande que notre pays se range parmi les pays qui condamnent la Russie. Nou pe lans lide d’une manifestation symbolique contre l’agression de la Russie, vendredi prochain, à 15 heures, devant l’hôtel du gouvernement... Nou invit tou dimounn ki revolte par seki pe arive.» Plusieurs manifestations de soutien à l'Ukraine ont eu lieu cette semaine, dont la dernière a été organisée ce samedi 26 février par la communauté ukrainienne installée à Maurice. «Nous ne voulons pas de tension. Nous avons fait cette nouvelle manifestation pacifique pour exprimer notre solidarité avec le peuple ukrainien qui souffre», nous a déclaré Anastasia Thomas de la communauté des Ukrainiens vivant à Maurice, à la fin de la manifestation.
Les photos et vidéos de la guerre en Ukraine font le tour du monde. L’angoisse et la peur ont gagné la population qui, sous des bombardements qui ont lieu un peu partout dans le pays, essaie de se cacher, alors que certains quittent tout pour essayer de trouver refuge en Pologne. Partout, des véhicules de l’armée ukrainienne circulent, des bruits de tirs résonnent et des sirènes de raids aériens se font entendre, alors que plusieurs villes ont été la cible de bombardements russes. Si l’inquiétude et la panique gagnent la population civile, la solidarité de gens aux abords des frontières réchauffe les coeurs. Certains proposent d’accueillir des familles chez eux et d’autres proposent des vivres...
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