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Hausse du coût de la vie : baisse de moral pour les consommateurs

12 juillet 2021

Les Mauriciens sont nombreux à avoir remarqué, ces derniers temps, que plusieurs produits pèsent plus lourds dans le panier de la ménagère.

C’est un sujet qui préoccupe de nombreux Mauriciens en ce moment : l’augmentation du coût de la vie. Dans son rapport mensuel, publié le mercredi 7 juillet, Statistics Mauritius met d’ailleurs en exergue une liste de produits qui pèsent plus lourd dans le panier de la ménagère. Quelques jours plus tard, soit le vendredi 9 juillet, le Premier ministre Pravind Jugnauth a, dans une déclaration à l’Assemblée nationale, annoncé le contrôle de prix sur sept catégories de produits grandement utilisés par les Mauriciens, notamment les sardines et pilchards en conserve, les tomates, le fromage ou encore le lait en poudre. «Le gouvernement a décidé de contrôler le prix de certains produits de base (…) Cette mesure permettra aux consommateurs d’acheter leurs produits à un prix approchant celui pratiqué sur le marché en janvier 2021», a-t-il déclaré. Le Premier ministre a également annoncé, dans la soirée, que «la State Trading Corporation pou etidie la posibilite pou kapav import bann prodwi esansiel. Nou pou koumans par delwil komestib». Les subventions annoncées font toutefois débat.

 

Selon Arvin Boolell du PTr, Pravind Jugnauth «inn pran enn bef ek inn donn enn zepeng». Suttyhudeo Tengur, président de l’Association pour la protection de l’environnement et des consommateurs (APEC), est d’avis que la question du pouvoir d’achat interpelle en ce moment de nombreux Mauriciens. Il pense surtout à ceux qui sont au bas de l’échelle : «Ces annonces ne vont pas régler le problème de l’érosion du pouvoir d’achat. Avec les subventions, les autorités donnent à tous la même chose. C’est une subvention universelle. Les Mauriciens au bas de l’échelle ont besoin d’une protection à part. Cela va promouvoir davantage d’inégalités. Le pays est en train de traverser une crise de confiance. Les consommateurs se sentent trahis.»

 

Pour lui, le budget des Mauriciens, en ce moment, n’est pas au beau fixe : «Ce sont particulièrement des gens qui n’ont pas un emploi fixe et un salaire fixe qui souffrent le plus en ce moment. Les salaires des Mauriciens sont restés les mêmes mais à côté, tout a augmenté. La plupart des familles ne peuvent plus acheter et consommer comme avant. La consommation diminue. Ceux qui sont au bas de l’échelle, qui sont en dessous de la classe moyenne, souffrent le plus. Tous les produits qu’on importe sont touchés et toutes les productions locales qui utilisent l’essence et le diesel sont concernées par les augmentations. Ça a un impact sur la production locale.» Selon Suttyhudeo Tengur, il existe des solutions pour éviter que la situation ne s’aggrave. «Dans plusieurs pays, il y a une taxe qui s’appelle Wealth Tax. En gros, il s’agit de prendre avec ceux qui ont et de donner à ceux qui n’ont pas. C’est une distribution équitable de la richesse du pays.»

 

Francine Pierre, mère de deux enfants, a suivi avec attention l’annonce du gouvernement sur la subvention de Rs 500 millions sur des produits alimentaires pour soulager les consommateurs. «En même temps, tout augmente et ce n’est pas facile pour les personnes qui, comme moi, travaillent le matin pour manger le soir. Mo travay dan karo legim ek ayer, ek li pa fasil. Kas pa ase. Nou bien inkie pou lavenir ! Sa kriz provoke par Covid-la inn boulvers partou», confie cette habitante de Cité Camp Diable.

 

D’un avis à l’autre, les mêmes préoccupations. Les commerçants souffrent aussi de la flambée des prix sur certains produits. «Je ne peux définitivement plus acheter comme avant», nous confie Rouben Cootignan. «Étant restaurateur, je pouvais, il y a quelque temps, acheter et faire un stock mais maintenant, avec tout qui a augmenté, ce n’est plus possible. Je fais attention à mes dépenses et je fais surtout des choix.»

 

«Un braquage de mon porte-monnaie»

 

Nicolas Fanny, père de famille, réalise la cherté de la vie à chaque passage dans un supermarché : «J’ai l’impression de ne plus avancer. Depuis l’année dernière, j’ai assisté, impuissant, à un braquage sans précédent de mon porte-monnaie. Quand ma femme me dit : “Chéri, passe au supermarché, il y a quelques trucs à prendre…” À la caisse, on en a pour Rs 2 000 à Rs 3 000 minimum.» Pour lui, ceux qui ont des enfants savent de quoi il en retourne : «À un moment, les autorités encourageaient les Mauriciens à faire des enfants car nous sommes une population vieillissante. J’ai la nette impression qu’on continuera de vieillir. La plupart de ceux que je côtoie ne veulent pas entendre un mot sur le fait d’avoir un deuxième enfant car, valeur du jour, entre les frais pour la crèche et les produits de base d’un bébé, il faut compter pas moins de Rs 10 000 par enfant par mois. En fin de mois, lorsque je finis de prendre le strict nécessaire pour les enfants et de quoi rouler la cuisine, au moment d’arriver à la caisse, c’est toujours la sueur froide, avec les yeux rivés sur l’écran qui affiche le total. J’ai toujours peur de ne pas avoir assez de sous. Pourtant, je prends toujours presque les mêmes articles. Avant 2020, avec Rs 10 000, j’avais mes provisions pour le mois et on mangeait bien. Maintenant, avec trois enfants à charge, leurs besoins de base et ce dont on a besoin pour la maison, c’est de Rs 6 000 à Rs 8 000 par semaine.»

 

Pour lui, l’avenir ne s’annonce pas tout rose. «C’est aberrant mais j’ai l’impression qu’à chaque fois que le gouvernement donne Rs 1 de la main gauche, il en prend Rs 10 de la main droite, avec des taxes pour tout et sur tout. Ces augmentations drastiques font qu’aujourd’hui, j’ai dû revoir tous mes plans quant à l’acquisition d’une maison. Et aussi optimiste que je puisse être, ce n’est pas demain la veille qu’on va s’en sortir. À ce stade, il est difficile, voire impossible de faire des économies et notre salaire ne suffit qu’à acheter à manger… Maintenant, ne rajoutons pas les frais de loyer, de fuel et j’en passe.»

 

Comme lui, les Mauriciens sont nombreux à devoir changer leurs habitudes. Isabelle Leste-Christome aussi a dû revoir ses priorités en ce qui concerne sa façon de dépenser. «La baisse du pouvoir d’achat et les prix qui montent en flèche se font ressentir chaque jour et cela devient de plus en plus difficile pour les familles mauriciennes. Je pense aux familles qui sont au plus bas de l’échelle. Je me dis que ça doit être difficile», confie cette habitante de Saint-Pierre. Pour s’en sortir, Isabelle raconte qu’il lui a fallu réajuster ses dépenses : «En tant que mère de famille, j’essaie de gérer tant bien que mal pour ne pas faire des dépenses inutiles. Dieu merci, nous arrivons à gérer. Mais avec les enfants, ce n’est pas toujours évident.»

 

Ceux qui militent au sein d’associations qui encadrent les familles en difficulté savent à quel point la cherté de la vie affecte certaines personnes. Ivan Rose, président de la Zenfant Camp Diable Social Association, peut en témoigner. «Nous devons comprendre que l’augmentation du coût du panier de la ménagère et du coût de la vie est directement liée à la Covid-19. Les plus grands producteurs du monde souffrent sévèrement de cette crise et de ses restrictions. Et à la fin, cela explique le pourquoi de toute cette flambée des prix sur nos étagères. La plus grande capacité des Mauriciens, c’est l’adaptation. Avec la relance de l’investissement et les structures mises en place par l’État, nous allons réussir à augmenter la valeur de la roupie et rapidement récupérer notre pouvoir d’achat. Il est clair que nous souffrons tous, surtout ceux qui avaient déjà du mal à joindre les deux bouts avant cette crise. Mais la résilience de ces personnes est juste incroyable. J’en suis témoin car je suis moi-même un enfant de la Cité EDC à Camp-Diable. Les nouveaux prix subventionnés par l’État seront d’une grande aide pour nous tous. Et avec toutes les ONG dans l’île, y compris l’association Zenfan Camp Diable qui fait de son mieux pour aider et accompagner ceux qui en ont besoin, nous sommes sur la bonne voie», dit-il, en commentant ce sujet d’actualité qui intéresse, en ce moment, tous les consommateurs.

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