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Ibrahim Kooduruth, sociologue : «Il y a un rajeunissement de la délinquance»

29 février 2016

Ibrahim Kooduruth, sociologue : «Il y a un rajeunissement de la délinquance»

Dans l’affaire de Camp de Masque, comme dans beaucoup d’autres au cours de ces dernières années, le jeune âge des assaillants choque. Y a-t-il une explication à cela ?

 

En général, la transmission des valeurs chez les enfants par les parents ne se fait pas. Malheureusement, les parents ont démissionné devant leurs responsabilités. Il n’y a pas d’écoute, de dialogue, de chaleur humaine. Les parents pensent qu’en envoyant les enfants à l’école, en leur donnant à manger et à boire, un ordinateur, un smartphone et tout ce qu’ils veulent, ils jouent leur rôle mais c’est faux. L’enfant a des besoins émotionnels qui doivent être pris en considération. Ils ont besoin d’accompagnement, d’encadrement, d’écoute. Le système éducatif que nous avons ne forme pas nos jeunes à ce qu’on appelle la vie. Il y a un manque total de maturité. Les jeunes ne savent pas ce que ça veut dire la vie. Ils ne savent pas ce que ça veut dire faire des efforts. Nous sommes devenus une société impatiente et pressée. Nous devons avoir ce que nous recherchons. Si on ne l’a pas, on ne peut pas attendre, on perd patience. On doit tout avoir automatiquement. On n’accepte pas de perdre et quand c’est le cas, on ne contrôle plus ses émotions et on devient violent. 

 

Est-ce qu’on peut parler de folie meurtrière ou d’une banalisation
du crime ?

 

C’est faux de dire que le crime est banalisé. Tout le monde condamne cet acte odieux. Le crime passionnel n’a pas d’âge et on sait qu’à l’adolescence les sentiments sont exacerbés. La passion prend le dessus sur la raison. La folie meurtrière existe. Sur le moment, on perd le fil, nos émotions prennent le dessus. Dans la plupart des cas, les assaillants regrettent leur geste. La tentative de suicide de ce garçon de 17 ans démontre qu’il sait que ce qu’il a fait est mauvais et qu’il regrette. Je pense qu’on doit aussi prendre conscience des efforts que nous devons faire pour ne pas pousser quelqu’un à commettre ce genre d’actions. En tant que parents, nous devons donner à nos enfants des repères et les préparer à ne jamais agir de la sorte.

 

Est-ce que le profil du délinquant a changé au fil des années ?

 

Certes, il y a un rajeunissement de la délinquance. Il y a de nombreux cas où on ne s’attendait pas à ce que les auteurs soient des jeunes. Ils sont exposés à tellement de mauvaises choses de nos jours, que ce soit dans les films ou sur Internet, qui ont une mauvaise influence sur eux.

 

La question de la réintroduction de la peine de mort refait une fois de plus surface. Pensez-vous que c’est la solution au problème ?

 

C’est un faux débat. Ce n’est pas dans nos valeurs d’enlever la vie aux autres. En aucun cas la peine capitale n’est justifiable. Posez-vous la question : est-ce que le problème sera résolu en tuant cette personne ? Nous luttons pour sauver des vies, prenons des hélicoptères pour sauver des familles prises au piège par les eaux, trouvons des millions de roupies pour des opérations à l’étranger et maintenant on parle de réintroduire la peine capitale ? Ce n’est pas logique. Le problème, ce n’est pas les autres, ce n’est pas l’État. Le problème, c’est les parents et les enfants d’abord. Est-ce qu’on prend le temps de discuter avec eux ? L’éducation n’est pas uniquement académique. Nous voulons que notre enfant soit médecin ou avocat mais est-ce que nous voulons qu’il devienne un bon citoyen ? Est-ce que nous lui inculquons des valeurs ou le poussons à devenir individualiste ? La présence d’un parent est essentielle et le matériel ne peut remplacer cela.

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