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14 août 2023 14:34
Plus qu’un martyre. C’est le titre d’un livre sorti en 2007, écrit par le journaliste et écrivain Sedley Assonne, racontant la tragique histoire de Clifford Esther. Un titre qui décrit bien le calvaire que vit cet homme maintenant âgé de 63 ans, qui ne cesse de clamer depuis plusieurs décennies qu’il a été victime d’une «grosse bavure policière» et de réclamer justice. Cet habitant de Roche-Bois – qui est devenu infirme suite à cela – n’a jamais reçu de dédommagements malgré plusieurs démarches pour avoir une compensation sur une base humanitaire. Il y a un mois, il s’est tourné vers Bruneau Laurette pour l’aider dans sa quête de justice et de réparation. Les deux hommes sont d’ailleurs revenus sur cette terrible tragédie le jeudi 10 août dernier.
La vie de Clifford Esther a basculé le 5 mars 1982, soit quelques jours après un hold-up au Central Electricity Board de Curepipe, lors duquel un policier avait perdu la vie. Ce jour-là, un officier de police a fait feu sur lui lors d’une descente dans le cadre de cette affaire dans un bungalow à Rivière-Noire où il se trouvait en compagnie de sa fiancée de l’époque, l’Allemande Margaret Anna Lang, et trois autres personnes dont son cousin Patrick Ah-Quay, celui que les policiers recherchaient.
«Mo ti pe dormi kan monn tann tapaz. Bann la polis ti fini rant dan bungalow kan monn sorti dan lasam. Apre sa, monn trouv bann la polis-la pran mo kouzin. Ti ena menot dan so lame. Monn koumans lev lavwa pou fer bannla konpran ki zot pe fer erer. Enn ladan inn dimande kot Sylvio avan li tap mwa enn kout lakros fizi lao mo likou. Monn leve ek boukou difikilte. Apre sa, enn lot la polis inn tir enn kout bal dan mo labous. Sa mem dernie zafer mo rapel. Kan monn leve apre six zour dan koma, mo ti lopital Candos», se souvient Clifford Esther.
Alors âgé de 22 ans, il a dû être hospitalisé pendant plus de trois mois. S’il a, certes, échappé à la mort, il a néanmoins gardé de lourdes séquelles, jusqu’à aujourd’hui, de sa blessure par balle ; il est devenu infirme et parle avec beaucoup de difficulté. À l’époque, c’était un homme sans histoires, décrit comme un bon vivant. Chanteur et passionné de musique, il faisait des affaires à Rodrigues ; il gagnait sa vie en vendant des chemises, des jeans et des T-shirts. Il précise qu’il ne buvait pas et avait un casier judiciaire vierge. C’est pourquoi il s’est toujours battu pour obtenir des dédommagements. En 2010, il était prévu que le gouvernement de l’époque lui remette la somme de Rs 5 millions mais cela n’a jamais abouti. Clifford Esther estime aujourd’hui que le gouvernement doit le dédommager sur une base humanitaire. «L’État doit reconnaître mon statut de victime», soutient le sexagénaire qui a vu tous ses projets tomber à l’eau et sa vie devenir un cauchemar après cet incident.
Clifford Esther veut aussi, désormais, avoir recours au Privy Council pour obtenir justice. Une démarche dans laquelle le soutient désormais Bruneau Laurette. «Boukou dimounn inn rod ed Clifford me bann demars pann abouti. Linn viktim enn bavir polisier. La zistis bizin fer. Monn touzour lager kont bann linzistis. Linn vinn get mwa ena enn mwa. Monn desid pou donn li mo soutien pou al Privy Council pou trouv la verite. So avoka inn rod so bann dosye. Tou tantativ inn res venn. Tou dosye inn disparet dan arsiv la polis. Nou pe bizin anviron Rs 2 milion pou al Privy Council. Mo profite pou lans enn lapel bann Morisien. Sa misie-la bizin gagn la zistis. Kifer sa serzan-la ti met fizi dan so labous ? Eski ti lezitim defans sa ? Fodre pa ki kas anpes misie Clifford konn la verite. Ena bann temwin ki pou vinn depoz an so faver», martèle l’activiste social et politique.
Selon la version officielle de la police, le sergent a tiré sur Clifford Esther parce qu’il avait un couteau dans les mains. Ce que Clifford Esther nie. En 1986, Victor Glover, Senior Puisne Judge, a retenu la thèse de légitime défense à l’issue d’un procès en Cour suprême où Clifford Esther, alors âgé de 26 ans, réclamait des dommages de Rs 2 millions à l’État. Hélas, personne n’avait corroboré sa version. Son cousin Ah-Quay avait, lui, déjà quitté le pays à l’époque. «Il y a beaucoup de zones d’ombre dans cette affaire. Plusieurs témoins clés ont mystérieusement disparu. Nous demandons désormais la réouverture de cette enquête pour que justice soit enfin rendue à cette victime d’une grosse bavure policière», souligne Bruneau Laurette. Avec ce dernier à ses côtés, Clifford Esther reprend courage et espoir que justice lui sera enfin rendue.
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