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2 août 2016 01:58
Dans sa chambre, cloué sur son lit médical, Sharvesh Racktoo s’amuse à faire la seule chose qu’il est encore capable de faire : surfer sur Internet et alimenter son compte Facebook. Voilà six ans qu’il n’a plus quitté ce lit tout seul, six ans qu’il n’a plus marché, six ans que sa vie d’avant lui a été arrachée. Souvent, Sharvesh Racktoo, 22 ans aujourd’hui, imagine à quoi sa vie ressemblerait s’il n’avait pas eu son accident. Il aurait fini le collège, aurait étudié l’informatique, sa passion, et serait probablement en train de travailler. Il sortirait avec ses amis et ses cousins et profiterait de la vie comme les jeunes de son âge. Mais très vite, ses pensées reviennent à la dure réalité. Son regard se fixe sur ce corps qui ne répond plus et dont il est maintenant prisonnier.
Dans sa mémoire, les souvenirs sont encore vivaces. Ce 26 janvier 2010, Sharvesh, alors 16 ans, se rend au Waterpark avec ses cousins pour s’amuser à l’occasion d’un anniversaire. Ce qui devait être une belle journée tourne au drame lorsqu’une vague le projette sur plusieurs mètres. Sa colonne vertébrale est sérieusement touchée. S’ensuivent 98 jours d’hospitalisation dont 16 en soins intensifs, une opération, un lourd handicap physique, des cris, des pleurs, de la colère, de la désillusion, une famille anéantie et une vie à jamais bouleversée.
Alors aujourd’hui, lorsqu’on lui parle de la réouverture du Waterpark, Sharvesh voit rouge : «Ce jour-là, il n’y avait pas de secouristes là où on était, dans ce bassin de vagues. Sans compter qu’il n’y avait pas d’ambulance sur place et qu’on a dû attendre un bon moment avant que je ne sois transporté à l’hôpital. Si je suis dans cet état, c’est parce que les normes n’ont pas été respectées !»Avec cela, c’est toute la vie de la famille Racktoo qui a basculé. Traumatisée, celle-ci cherche tous les moyens depuis pour soigner Sharvesh, lui permettre de vivre dans des bonnes conditions et lui garantir un avenir meilleur. Si la maison a été réaménagée, c’est aussi toute la vie des Racktoo qui tourne autour de lui. Ils ont remué ciel et terre pour trouver de quoi financer les traitements et les équipements. Sa mère Sandhya qui gérait un snack a dû mettre la clé sous la porte, son frère aîné a interrompu ses études pour travailler sur un bateau de croisière afin d’aider sa famille et Pravind, son père, travaille comme un forcené pour pouvoir lui garantir un maximum de confort.
Tous les jours, il faut nourrir Sharvesh, le doucher, l’habiller, le changer comme on le fait pour un enfant. Il est complètement dépendant physiquement. Au fil des années, ses parents ont appris à s’occuper de lui, à faire eux-mêmes les séances de physiothérapie et les exercices. Et ils ne désespèrent pas de le voir un jour aller mieux. «Les progrès sont là mais ils sont minimes. On doit s’armer de patience mais on ne désespère pas. Il doit pouvoir dépendre sur lui-même au moins un peu car nous ne serons pas toujours là», confie Pravind.
Depuis que ce père a entendu parler de la réouverture du Waterpark, il ne peut réprimer sa colère et sa déception. Il prévoit même de faire une marche pacifique le jour de l’ouverture en signe de protestation. Si son fils est aujourd’hui paraplégique, dit-il, c’est le résultat d’un manque de mesures de sécurité total au parc : «Je ne peux pas empêcher la réouverture du Waterpark mais je ne suis pas d’accord que cela se fasse sans que les conditions de sécurité dignes d’un parc de ce genre soient respectées. Britney Joomun et Dylan Dennemont y ont perdu la vie, Sharvesh vit avec un lourd handicap. Je ne veux que d’autres personnes vivent de tels drames.»
Entre-temps, la famille Racktoo attend toujours la décision du juge dans l’affaire qu’elle avait instituée en Cour pour réclamer Rs 53 millions de dommages. «Nous avons 100% confiance en la justice mauricienne et attendons de connaître le jugement», souligne Pravind. Au-delà de ça, il se dit prêt à tout pour que son fils marche à nouveau. Après plusieurs recherches, il sait aujourd’hui qu’il existe, à l’étranger, des traitements et thérapies de haute technologie qui pourront aider son fils à retrouver un peu de sa mobilité. Le plus important pour cette famille, c’est de mettre toutes les chances du côté de Sharvesh pour qu’il puisse un jour reprendre le cours de sa vie.
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