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Incendie de L’Amicale : Des proches de victimes à jamais plongés dans la tristesse

30 août 2018

La mort de son frère la hante toujours

Begum Koodaruth : «Les années n’ont pas effacé la douleur»

 

Au fil des années, sa souffrance n’a fait que gagner en intensité. Car le décès tragique de son frère aîné Fawzee Hakim, 42 ans et croupier à L’Amicale, le 23 mai 1999, a aussi entraîné la mort de sa mère et de l’une de ses sœurs. «Ma mère a perdu la tête suivant le choc du décès de mon frère et le stress a contribué à sa mort et à celle de ma sœur. Et moi, j’ai fait une fausse couche quand j’ai appris la nouvelle. Mais le plus dur, c’était ce sac de cendres qui nous a été remis pour faire les obsèques», se remémore Begum Koodaruth, la voix cassée par le chagrin.

 

Depuis la libération des quatre condamnés dans cette affaire, Begum ne cesse de réclamer justice. «Je n’ai pas arrêté de pleurer quand j’ai appris la nouvelle. Car c’est une blessure qui s’ouvre de nouveau et je pense à ces familles pour qui, comme pour nous, il est très douloureux d’évoquer cette tragédie, surtout que nous réalisons que les années n’ont pas effacé la douleur. Mais je ne suis pas là pour porter un jugement quelconque ; je souhaite seulement que justice soit rendue pour les victimes et leurs familles», clame la soeur de Fawzee Hakim.

 


 

 

Joseph Law Wing, 82 ans : «Je suis marqué à vie par ce drame»

 

Il pleure toujours la disparition de son fils unique.

 

Sa souffrance est palpable tout comme le vide laissé dans sa vie par la mort tragique de son fils Jean Alain Law Wing, alors âgé de 34 ans. «En 19 ans, nous avons sans relâche essayé de donner un sens à notre vie, ma femme Christine et moi. Mais rien n’y fait. Jean Alain était notre seul enfant et nous avions tout fait pour lui. C’est une douleur inimaginable de savoir qu’il a été arraché à la vie par un tel acte de barbarie», confie Joseph Law Wing, les larmes aux yeux.

 

Le jour du drame, Jean Alain Law Wing, qui était comptable dans une firme privée, se trouvait à la maison de jeux L’Amicale, comme à son habitude durant le week-end, car le propriétaire, Jean-Noël Lai Yau Tim, qui ne réside d’ailleurs plus à Maurice, n’est nul autre que son cousin. «Quand j’ai appris la nouvelle de l’incendie, ma femme et moi étions à L’Amicale de Rose-Hill. Nous sommes revenus à Port-Louis à toute vitesse et nous avons vu le bâtiment en proie aux flammes et les pompiers sur place. Nous avons senti le sol s’ouvrir sous nos pieds car nous savions déjà que le pire s’était produit. Je suis marqué à vie par ce drame qui a détruit beaucoup de vies», nous confie Joseph Law Wing.

 

Surtout que son fils unique était en pleins préparatifs de son mariage à l’époque. «Il devait épouser sa fiancée qu’il avait rencontrée sur les bancs de l’université en Australie en l’an 2000. C’était un jeune homme plein de vie et apprécié de tout notre entourage. Il ne méritait pas de mourir ainsi. Depuis ce drame, notre vie n’a plus de sens et depuis que cette affaire est revenue sur le tapis, cela me fatigue moralement.»

 

La remise en liberté des quatre personnes condamnées dans l’affaire de L’Amicale, il ne veut pas trop s’étaler là-dessus. «Même si notre monde s’est arrêté de tourner, nous ne sommes pas là, ma femme et moi, pour condamner qui que ce soit. Nous confions tout à Dieu et voulons simplement que justice soit faite.»

 

Un commerçant du quartier chinois contrarié

 

Sa boutique se trouve à proximité de L’Amicale, à Chinatown. Et aujourd’hui, après la libération des quatre condamnés dans cette affaire d’incendie meurtrier, ce commerçant se dit outré. «Toutes les preuves les incriminaient et le Privy Council a rejeté leur appel mais ils clament toujours leur innocence après 19 ans. Nous ne pouvons rien faire ni changer le passé mais nous conformer à la décision des institutions qui ont vu qu’ils avaient suffisamment purgé leur peine.» Notre interlocuteur souligne aussi que cet incendie a été le début de la dégringolade du quartier chinois. «L’incendie de L’Amicale a aussi brûlé l’âme de Chinatown. Car le nombre de personnes qui y venaient faisait vivre les rues d’ici jusqu’à fort tard mais aujourd’hui, il n’y a plus âme qui vive après 17 heures dans les rues de Chinatown.»

 


 

Sanjeev Luckoo : «Les images de l’incendie sont indélébiles…»

 

Son père Babooram et lui se trouvaient entre les murs de L’Amicale lorsque l’incendie meurtrier a éclaté. Sanjeev Luckoo, alors âgé de 29 ans, se souvient de tout comme si c’était hier. «Cette scène d’horreur me hante toujours. Même si le bâtiment n’existe plus, les images de l’incendie sont indélébiles dans ma mémoire. Surtout que mon père, qui travaillait comme superviseur des croupiers, a, lui, péri dans l’incendie. J’y travaillais aussi comme croupier mais j’ai réussi à échapper au pire», nous confie-t-il, le regard triste.

 

Le quadragénaire clame haut et fort que la réouverture de l’enquête est obligatoire afin de retrouver une fois pour toutes qui sont les coupables, d’autant que les condamnés continuent à plaider leur innocence. «J’aurais pu être l’une des victimes et le nombre de morts aurait pu être beaucoup plus conséquent car nous étions environ 200 personnes sur place ce soir-là. Les séquelles que laisse ce drame sont inexplicables et la libération des condamnés est un choc car elle vient remuer un passé douloureux. C’est pour cela que j’exige que l’enquête soit rouverte car je suppose que, comme moi, les autres familles ne peuvent faire leur deuil quand le crime qui a arraché la vie de ceux qu’elles aiment reste impuni», souligne Sanjeev Luckoo.

 


 

 

Jacqueline Sophie : «Ma souffrance est toujours aussi vivace»

 

La maman, entourée de ses filles Gilberte, Shirley et Ramona.

 

Pas un jour ne passe sans qu’elle ne se remémore le doux souvenir de sa fille Jeannette Ramboro. Cette dernière, âgée de 26 ans, était maman d’un garçonnet de 4 ans et enceinte de huit mois quand elle a péri dans l’incendie de L’Amicale. Les yeux larmoyants, la gorge nouée et le regard perdu dans le vide, Jacqueline Sophie peine à parler de cette souffrance que sa famille porte depuis ces 19 dernières années.

 

«Pas un jour ne passe sans que nous ne pensions à elle. Surtout qu’elle avait l’habitude de me rendre visite chaque matin avant de se rendre à son travail. Elle était la baby-sitter des enfants du propriétaire de L’Amicale. Jeannette a laissé un grand vide dans nos vies. Mais notre souffrance est encore plus grande depuis la libération des quatre personnes que nous pensions être les coupables», confie-t-elle.

 

Ses filles Shirley et Ramona avouent que ce dénouement secoue toute la famille : «Nous avons eu un choc en apprenant la libération des condamnés dans cette affaire. Mais vu que depuis 19 ans, ils clament leur innocence, nous lançons un appel aux autorités pour leur demander la réouverture de l’enquête et d’offrir l’immunité aux témoins qui peuvent dénoncer les vrais protagonistes de cet acte criminel si ce ne sont pas les quatre qui ont été condamnés. Nous savons que notre sœur ne nous reviendra pas mais la vérité nous permettra de faire notre deuil et d’arrêter de penser que le coupable est peut-être toujours dans la nature.»

 

Jeannette Ramboro, issue d’une fratrie de dix enfants, a laissé derrière elle une famille qui essaie tant bien que mal de continuer sa route. «Mon petit-fils et son père n’aiment pas remettre cet épisode noir de notre vie sur le tapis. Mais la situation est encore plus douloureuse car nous ne savons plus qui est coupable et qui ne l’est pas, et je réalise que ma souffrance est toujours vivace malgré les années. Mon cœur de mère ne cesse de pleurer et j’espère que justice sera rendue à son enfant», confie Jacqueline Sophie, émue aux larmes.

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