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Incidents à la Citadelle : parole aux citoyens engagés

30 octobre 2023

Pouba Essoo : «Nous attendons des actions concrètes»

 

«Comme tous les Mauriciens, je me demande ce qui se passe dans notre pays en 2023. L’épisode de la Citadelle est du jamais-vu. J’ai assisté à des dizaines de concerts et autres activités à cet endroit et il n’y a jamais eu ce genre de problème. Surtout pas de problème de sécurité pour les artistes et les spectateurs. À mon avis, cet incident n’est pas isolé. On voit très bien ce qui se passe dans d’autres pays, et il y a peut-être un petit groupe chez nous qui veut nous imposer sa façon de vivre et sa façon voir les choses. Heureusement que nous sommes un peuple très soudé pour faire face à ce genre de dérive, et cela ne marchera pas.

 

Mais de tels actes peuvent avoir des conséquences très graves. Les discours des politiciens nous rassurent, mais ne suffisent pas. Que les autorités assument leurs responsabilités, surtout notre service de renseignement afin de mettre ces gens hors d'état de nuire. On a entendu de beaux discours remplis de bonnes intentions jusqu’ici, mais nous attendons des actions concrètes pour créer un climat de confiance et nous rassurer que nous vivons dans un pays où notre sécurité n’est pas menacée. Notre liberté et notre sécurité sont sacrées. L’État a la responsabilité de s’assurer que notre population arc-en-ciel vit “in peace, justice & liberty”.»

 

Alain Jeannot : «L'institution d'un service civique obligatoire»

 

«Ce qui s’est passé m'interpelle au plus profond de moi-même, car j'aime mon pays qui est irrigué par pratiquement tous les courants religieux et culturels du monde. Or, voir sa vitrine, son poumon économique, son centre pluriculturel et religieux, son port qui fait de lui la Clé et l’Étoile de l’océan Indien être touchés par de telles dérives est regrettable. Notre image a été écornée non seulement localement, mais aussi à l’étranger. Dans un contexte de compétitions touristiques, nous devons faire l’économie de telles publicités. Cependant, en attendant les conclusions de l’enquête, nous devons éviter de faire des spéculations qui peuvent mener à des dérapages.

 

Toutefois, il faudrait accorder tout le sérieux qu’il se doit à ce qui s’est passé, et envoyer un signal fort pour que cela ne se répète pas. Il serait aussi souhaitable qu’il y ait non seulement des campagnes agressives à propos du civisme et du vivre-ensemble, mais aussi, dans le long terme, considérer l’institution d’un service civique obligatoire. Si les lois sont respectées, si tous les Mauriciens apprennent à se respecter et à s’apprécier dans leur diversité, si nous arrivons à comprendre que nous sommes dans un État de droit où c’est l’État qui légifère et les autorités qui appliquent la loi, nous éviterons ce genre de situation. Au-delà de tout, l’amour du prochain, du pays et le respect de l’ordre et de la paix sont primordiaux dans le progrès de la Clé et l’Étoile de l’océan Indien qu’est Port-Louis.»

 

Saffiyah Chady Edoo : «Nous sommes fiers de notre vivre-ensemble»

 

«Il est difficile de ne pas être interpellé par ce qui s’est passé samedi dernier. C'était d’une violence à laquelle nous, Mauriciens, ne sommes pas habitués, surtout pour les raisons évoquées pas les "perpetrators". Nous sommes fiers de notre vivre-ensemble et du respect qu’on éprouve pour nos concitoyens, malgré nos différences de foi, de croyances ou de valeurs. Pour que ce respect puisse être un atout encore plus puissant, il faudra faire l’éducation civique des enfants, commencer à l’école, pour qu’ils grandissent avec ce respect ancré dans leurs cœurs. Quant aux autorités, ce malheureux événement leur démontre qu’il ne faut pas ignorer des rumeurs, surtout celles qui peuvent, potentiellement, porter atteinte à notre paix sociale.»

 

Nathalia Vadamootoo : «Quand ton prochain devient ton ennemi, les erreurs sont graves»

 

«En tant que citoyenne, ce qui s’est produit m'interpelle et me dérange parce que je constate une manipulation : je vois que certaines personnes en précarité financière sont facilement induites en erreur et croient que leurs quartiers à Maurice sont devenus Gaza et que le reste de l'île est Israël.  La confusion est totale. Quand ton prochain devient ton ennemi, les erreurs sont graves.  Une polarisation de la population mauricienne est en train de se creuser. Donc, un dialogue national conclu par des compromis est nécessaire pour faire la refonte du tissu social de l’île Maurice qui est très tiraillé.  C'est important que toutes les communautés sentent qu'elles ont les mêmes droits et conditions.

 

Aucun Mauricien ne peut vivre dans la peur ou la crainte. Aucun Mauricien ne peut se permettre d’être violent pour exister.  C’est malheureux que la population mauricienne tombe si facilement dans la soumission et l’obéissance, quand il y a la violence. Bien sûr, nos ancêtres ont vécu des situations traumatiques, mais ça ne veut pas dire qu’il faut se venger avec son prochain. Parfois, les communautés ont réussi à obtenir certains privilèges grâce à la force ou la manipulation. Il faut savoir reconnaître ça, et renoncer à ces acquis qui annulent l’existence de l’autre et créent une société hypocrite toujours prête à exploser.»

 

Rajesnarain Gutteea : «Nous ne pouvons pas vivre ainsi !»

 

«Nous, les Mauriciens, avons toujours vécu en harmonie malgré nos différences religieuses et culturelles. Je suis hindou et je suis allé à un collège islamique. Aujourd’hui, j’ai une grotte dans ma cour, et je ne fais pas de différence entre mes frères et sœurs des autres communautés. Je pense que la majorité d’entre nous vivons ainsi et avons à cœur la préservation de notre multiculturalité.

 

Ce qui s’est passé à la Citadelle n’est pas seulement une menace pour notre harmonie sociale, mais notre image, ainsi que notre économie touristique peuvent en être affectées. Qui voudra venir ici si Maurice devient un pays où il ne fait pas bon vivre et où le peuple est tiraillé ? Devons-nous désormais avoir peur d’aller à des concerts ou alors ne plus en organiser carrément à cause de la peur ? Nous ne pouvons pas vivre ainsi !»

 



Des voix politiques s’élèvent

 

Pravind Jugnauth, Premier ministre : «Je réitère mon engagement et ma détermination pour veiller à ce que règnent l’ordre et la paix dans notre République. Car nous avons malheureusement été témoins d’actes hautement répréhensibles et ils n’ont pas leur place au sein de notre nation arc-en-ciel. D’ailleurs, mon gouvernement condamne vivement toute forme de violence à travers le monde. Vous pouvez compter sur moi, il n’y aura aucun compromis pour ceux qui mettent en péril notre harmonie sociale.»

 

Ashok Subron, de Rezistans ek Alternativ : «Il y a une incohérence et une contradiction grave. Un conseiller d’un ministre, un travailleur social et un policier sont venus de l’avant pour dire qu’il y aura des actes de violence à la Citadelle et que, de ce fait, cet événement-là ne devrait pas avoir lieu ou alors que la chanson de paix écrite par un Israélien ne devrait pas être y être reprise. Ils disent qu’ils se sont rendus là-bas pour dire de stopper le concert, sinon un groupe de personnes allait tout saccager. Mais c’est très grave ! Car c’était une activité légale et normale. Et ce n’est pas le devoir de certaines personnes de venir dire, par la suite, qu’il faut l’arrêter. C’est une dérive que nous condamnons. Nous ne pouvons pas accepter ce genre de réaction communale et intégriste qui vient menacer des activités paisibles ou artistiques. Cette action n’a pas été suffisamment punie. Nous sommes un état séculier et nous devons coexister avec la croyance de chacun et la police ne peut pas venir dire qu’il faut arrêter un événement juste parce qu’une personne est offensée.» par une activité.»

 

Shakeel Mohamed, député du PTr : «Ce qui s'est passé à La Citadelle est inacceptable. Pourquoi interrompre un concert ? Il n'y a aucune logique en dehors de la volonté de destruction. J'entends dire qu'un des intrus a prononcé le mot "Palestine" ! Nous avons la responsabilité collective d’identifier les responsables et de veiller à ce qu’ils soient punis conformément aux lois de la République de Maurice.»

 

Patrice Armance, du PMSD : «J'ai pris connaissance des incidents graves qui se sont déroulés à la Citadelle lors d'un concert qui, pourtant, prônait la paix à Maurice et dans le monde, et dont le but était de récolter de l'argent pour venir en aide à des ONG. Et cela me fait mal. Nous sommes un exemple de savoir-vivre dans le monde. Nous sommes connus pour notre multiculturalisme. Je demande aux autorités de retrouver tous les fauteurs de troubles au plus vite. Je lance aussi un appel au calme. N’oublions pas que notre richesse, c’est l'amour que nous avons les uns pour les autres. Je condamne sans réserves tout acte de violence à Maurice comme ailleurs. Enn sel lepep, enn sel nasyon !»

 

Navin Ramgoolam, leader du PTr : «Depuis longtemps je dis qu’il n’y a plus de law and order dans le pays. Et la Citadelle, c’est la limite qu’on a franchie. Il y avait des familles de toutes les communautés, des enfants et surtout, c'était un événement sans alcool qui devait finir à une heure légale. Choquant est un mot faible pour décrire ce que je ressens par rapport à cela. C’est inacceptable et il faut être sévère avec ces pyromanes. Toutefois, il y a beaucoup de zones d’ombre dans cette affaire. Comment la NSS n’était pas au courant, alors que l’attaché du ministre Husnoo a affirmé qu’il était au courant ? Je demande à la population de ne pas céder au feu communal, car ces actions sont une atteinte à nos valeurs et ce n’est pas l’image de notre île Maurice.»

 

Sandra Mayotte, députée du MSM : «C’est triste et inacceptable dans notre île multiculturelle. Nous ne devons pas prendre des situations tristes et dramatiques qui se passent ailleurs, et l’imposer ici en passant notre frustration sur le peuple mauricien. La Citadelle a accueilli plusieurs artistes, dont moi, et nous ne pouvons pas accepter qu'elle soit témoin de ce genre d’action. Nous avons des divergences d’opinions sur divers sujets, mais avant tout, nous sommes des Mauriciens et nous devons nous respecter les uns et les autres. Marchons et prions pour la paix dans le monde, mais surtout qu’elle dure à Maurice.»

 

Textes : Amy Kamanah-Murday et Valérie Dorasawmy
 

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