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Inondations du 30 mars 2013

30 mars 2015

Jason suit de près tous les développements autour du drame qui lui a pris sa mère Sylvia et son petit frère Jeffrey.

Difficile de faire avec. Ou plutôt, dit-il, de faire sans sa mère Sylvia et son petit frère Jeffrey, qui comptent parmi les 11 victimes des inondations du 30 mars 2013. Deux ans… Deux ans de pleurs, de déprime, de longues nuits sans sommeil. Deux ans que Jason Wright, 22 ans, attend toujours réparation pour la tragique perte qui a bouleversé sa vie : «Deux ans plus tard, on se bat toujours…»

 

Pour faire le point, évoquer ce qui a été fait ou pas depuis, pour parler des actions légales entreprises contre l’État, mais aussi pour rendre hommage aux disparus, Jeffrey et son père Allan tiendront une conférence de presse au nom des familles des autres victimes demain, lundi 30 mars, jour de ce triste anniversaire. Rassemblés en Front commun, les proches des personnes disparues participeront aussi en ce lundi à une cérémonie de commémoration : «Cela se tiendra au Caudan près du tunnel où il y a la stèle de mémoire.» Au programme : recueillement, dépôts de gerbes, mais aussi l’avenir.

 

Jason, tout comme son père, n’a jamais cessé de se battre pour que la lumière soit faite sur cette triste affaire. Ainsi, une enquête judiciaire a été instituée par le Directeur des poursuites publique (DPP) et, selon les conclusions, soumises par la magistrate Ida Dookhy-Rambarrun en décembre dernier, il n’y a pas eu de foul play. Dans ce rapport, la magistrate déplore toutefois certaines failles qui ont pu contribuer aux inondations : les constructions illégales et contre-nature sur les drains de la capitale, la construction d’aires de stationnement sur des drains, entre autres. Forts de cela, les Wright, de concert avec les autres familles des victimes, ont entrepris une action légale pour réclamer réparation. Jason suit les développements de très près.

 

Même s’il a mûri, même si le temps a passé, que son restaurant JAWS (qui reprend les initiales des deux frères), en hommage à Jeffrey, est sur les rails, qu’il veut se montrer fort pour avancer, se reconstruire et remonter la pente, Jason, qui se nourrit de l’amour de son entourage, ne cache pas se sentir souvent très seul : «C’est comme un grand vide. Ce n’est pas du tout facile de gérer l’absence d’une mère et d’un frère.» Mais il a dû apprendre à le faire. Dans ses moments de doute, l’image de Jeffrey défile dans sa tête : «C’était un innocent qui était très précieux pour moi.»

 

Sur le chemin de la reconstruction depuis ce triste samedi, ce jour noir, Jason tient bon, pour son père. Par la force des choses, ils sont aujourd’hui, plus complices que jamais, unis dans la douleur et les épreuves : «On espère vraiment arriver à mieux s’en sentir, mais c’est toujours là, hélas, comme si ce cauchemar venait d’arriver.»

 

«L’absence de ma mère…»

 

Si le commerce familial à Curepipe est devenu leur centre d’intérêt, il ne se passe un jour, confie Jason, sans que l’œil avisé et les conseils de Sylvia ne se fassent sentir : «Le resto progresse petit à petit, mais l’absence de ma mère change tout. Pour notre snack au Caudan, c’est elle qui gérait tout. Toutes les directives et toutes les décisions venaient d’elle.» Dans la vie de tous les jours, il y a «plusieurs petites choses» qui lui font dire que sa maman aurait su quoi faire si elle était là : «C’était elle la chef de famille. Sans elle, mon père et moi sommes perdus.»

 

Au bout de deux années, les familles des 11 victimes du 30 mars 2013 ont entrepris une action commune. Leur motivation : obtenir réparation. Maintenant, souligne Jason, la balle est dans le camp des autorités : «J’espère qu’elles prendront les actions nécessaires. Les proches des victimes ne veulent pas passer pour des mendiants. Ils veulent juste que justice soit faite.» Ces familles veulent aussi que les mesures nécessaires soient prises pour éviter un autre drame de ce genre. «Il n’y a eu aucune amélioration. On le voit en période de fortes pluies, il y a toujours des inondations et Port-Louis continue d’être noyée quand il pleut.»

 

Aux côtés de Jason dans son combat, il y a toujours son père Allan, porte-parole du Front commun des proches des victimes. Depuis la tragédie, il n’a jamais baissé les bras. Parmi ses dernières actions, une rencontre avec sir Anerood Jugnauth, après son élection, juste pour s’assurer, dit-il, que ce dossier ne tombe pas dans l’oubli. 

 

«Je réclame une commission d’enquête sur toute cette affaire pour situer les responsabilités parce que je ne crois pas dans les conclusions de l’enquête judiciaire», s’exclame Allan, soutenu par Jason. Père et fils sont unis dans cette quête pour la justice. Et ils espèrent que les autorités répondront à leurs requêtes.

 

Maurice face à un samedi noir

 

Les images de ce jour fatidique sont encore présentes dans les mémoires. Ce 30 mars 2013, Maurice vivait l’une des pires journées de son histoire. En début d’après-midi, Port-Louis est la proie de fortes averses causant d’importantes accumulations d’eau, des flash floods, dans la capitale et les régions avoisinantes. Les rues sont complètement submergées et l’affolement se lit sur les visages de ceux présents. Port-Louis est inondée. Les commerces, les habitations, les véhicules prennent l’eau, créant une psychose chez les Mauriciens. Des chaînes humaines se forment pour résister à la force de l’eau. Les voitures sont piégées et certaines se mettent à flotter.

 

Dans l’après-midi, des nouvelles tragiques commencent à tomber, annonçant le décès de plusieurs personnes. Au final, 11 personnes ont perdu la vie dans les inondations de ce samedi noir. Six personnes sont mortes dans le passage souterrain du Caudan qui a été complètement englouti : Sylvia Wright et son fils Jeffrey, les deux frères Karmish et Trishul Teewary ainsi que Keshav Ramdhary et Vikesh Khoosye. Plus tard, ce sont les corps de Vincent Lai et de Rabindranath Bhobany qui sont retrouvés dans le parking souterrain du Harbour Front. Deux autres corps sont retrouvés dans la soirée, ceux de Stevenson Henriette et de Retnon Sithanen.

 

Les images de cette catastrophe, des membres du GIPM, de la SMF et de plongeurs professionnels à la recherche des corps défilent sur les réseaux sociaux, les sites Internet et la télé, plongeant les Mauriciens dans une immense détresse. L’île Maurice est tétanisée par cet événement sans précédent. À Canal Dayot, l’eau a provoqué un véritable carnage. Elle s’est infiltrée dans des dizaines de maisons causant d’importants dégâts. Pris au piège, plusieurs habitants sont contraints de prendre la fuite pour se réfugier ailleurs. Devant l’eau qui monte, Christabelle Moorghen meurt d’un malaise. Ils sont plusieurs familles dans cette région à avoir tout perdu. Dans les jours qui suivent, alors que l’île pleure ses morts, une véritable chaîne de solidarité s’organise autour des victimes de ces inondations. Les Mauriciens se déplacent des quatre coins du pays pour offrir vivres et autre aide matérielle aux sinistrés. Pendant des mois, Maurice peinera à se remettre sur pieds.

 

Il y avait aussi Vincent, Karmish, Trishul et les autres…

 

Une douleur encore vive et des souvenirs douloureux qui refont surface. Demain, cela fera deux ans depuis les inondations du 30 mars 2013. Ce jour-là, de fortes averses s’étaient abattues sur Port-Louis et l’eau était vite montée dans la capitale. Celle-ci avait été submergée, lui donnant une allure effroyable. Port-Louis était inondée. Dans l’après-midi, la nouvelle était tombée, plongeant tout le pays dans la stupeur. Onze Mauriciens ont perdu la vie dans les inondations de ce samedi noir. Six personnes avaient été piégées dans le tunnel du Caudan. Sylvia et Jeffrey Wright, les deux frères Karmish et Trishul Teewary ainsi que Keshav Ramdhary et Vikesh Khoosye ont ainsi perdu la vie dans ce passage souterrain. Depuis la mort de son fils Vikesh, Vinod Khoosye est inconsolable. «C’est une plaie qui ne cicatrisera jamais. On avance autant qu’on peut avec beaucoup de prières pour avoir du courage», dit-il en ajoutant qu’il se rendra avec sa famille au Caudan demain pour rendre hommage à son fils et aux autres victimes.

 

Perdre ses deux fils dans de telles circonstances a brisé Brinda Teewary à jamais. Depuis ce terrible drame, la vie de cette mère a basculé. Pour elle, rien ne sera plus jamais pareil. «Pour moi, c’est difficile. Je ne pourrai jamais oublier. À chaque fois qu’il pleut où qu’on en parle, ça me fatigue la tête», confie Brinda qui a perdu goût à la vie. Comme elle, Kamla Sithanen a aussi perdu un fils. Ce jour-là, elle était au travail et c’est une voisine qui lui a téléphoné pour lui dire que son fils avait disparu et que sa maison avait été inondée. Son garçon, Retnon Sithanen, 36 ans, se trouvait à l’arrière de leur maison quand il est tombé dans le Ruisseau du Pouce. Son corps avait été retrouvé un kilomètre plus loin. Ses souvenirs hantent toujours sa mère qui a dû quitter leur maison qui avait été complètement envahie par les eaux : «J’ai tout perdu. Mon fils ne va pas revenir. Je n’oublierai jamais ce jour noir.» Comme beaucoup d’autres parents de victimes, voir de fortes averses lui est devenu intolérable. Kamla se dit traumatisée et vit aujourd’hui avec une véritable frayeur de l’eau.

 

À Canal Dayot, les inondations avaient provoqué de véritables dégâts et devant la montée des eaux dans sa maison, Christabelle Moorghen, 65 ans, avait fait un malaise et perdu la vie. Parmi les victimes, il y avait aussi Stevenson Henriette, 32 ans, dont le corps avait été retrouvé à la rue La Chaussée. Le chagrin de Marie-Hélène Henriette, sa sœur aînée, est immense. Pour elle et sa famille, les mauvais souvenirs refont surface : «Il est constamment dans nos pensées. Ces mauvais souvenirs resteront gravés pour toute la famille. Afin de lui rendre hommage, ce lundi, on compte se rendre au Caudan pour y déposer des fleurs.»

 

Dans le parking souterrain du Harbour Front, deux corps avaient été retrouvés, ceux de Vincent Lai et de Rabindranath Bhobany. L’épouse de ce dernier, Santa, dit vivre un vrai parcours du combattant depuis la mort de son époux : «C’est très difficile pour nous d’avancer, mais on s’est armés de courage pour l’avenir. Je ne souhaite à personne de vivre cette horrible peine», dit-elle. Pour marquer les deux ans de ce drame, Santa et sa fille iront rendre hommage à leur époux et père à la stèle consacrée aux victimes des inondations du 30 mars. Tout comme les autres familles de victimes.

 

Christophe Karghoo, Amy Kamanah-Murday et Sabine Azémia

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