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Jean Maurice Labour : «Les difficultés auxquelles l’Église a à faire face, dans une société en crise, auraient pu nous décourager»

18 août 2016

Mgr Maurice Piat a récemment procédé à la messe de promulgation du projet catéchétique diocésain Kleopas. Qu’est-ce que le projet Kleopas ?

 

C’est un plan de renouvellement de la manière dont l’Église vit et partage les valeurs de l’Évangile à l’interne et à l’externe. La société évolue et pose aussi bien des défis que des opportunités. L’Église, en s’inspirant de son fondateur, prétend avoir quelque chose à apporter à cette société en pleine mutation. Mais pour cela, elle a besoin de se renouveler elle-même.

 

Kleopasest le nom d’un disciple de Jésus qui, découragé après la mort de son maître, retrouve du souffle lorsqu’il se trouve en présence de ce maître ressuscité qui l’accompagne, l’éclaire sur les événements passés, et lui promet un avenir. Aujourd’hui, l’Église vit quelque chose de cela. Les constats des difficultés auxquelles l’Église a à faire face, dans une société en crise permanente, auraient pu nous décourager. Mais nous trouvons dans ce monde et dans ces difficultés des signes de croissance, comme l’enfantement d’un monde nouveau.

 

Kleopasporte bien le nom d’un plan réaliste et optimiste en même temps. Nous le mettrons en pratique dans les trois lieux d’intervention de l’Église sur le terrain : la famille, la paroisse et l’école.

 

Une nouvelle façon de faire est ainsi appelée à voir le jour dans les écoles catholiques. Pouvez-vous nous en dire plus ?

 

L’école est un des lieux où l’Église agit pour faire des jeunes et des enfants des citoyens capables de bâtir un monde de bonheur pour tous. À Maurice, nous sommes engagés dans l’éducation depuis 1742. Au fil des années, nous sommes devenus un partenaire de l’État, apportant notre originalité selon les principes issus de l’Évangile. Notre contribution est appréciée de tous, mais notre système fatigue, nos convictions s’érodent, les défis sociaux demandent de nouvelles approches. Nous avons donc fait un audit de la situation dans nos écoles et collèges, aidés par des professionnels.

 

Nous nous sommes inspirés des orientations sur l’éducation catholique de l’Église universelle pour tracer ce plan de renouvellement. Il ne s’agit pas seulement de revoir les «cours de religion». Il s’agit aussi de témoigner de nos valeurs issues de l’Évangile dans l’ensemble de notre système de gouvernance qui encadre le climat de nos écoles, les relations humaines, les pédagogies innovantes, la gestion financière, la valorisation des compétences de nos professionnels et le respect de leurs droits.

 

Qu’est-ce qui va changer ?

 

Dans le concret, l’ancien Bureau de l’Éducation catholique (BEC) devient le Service diocésain de l’Éducation catholique (SDEC). Ce changement n’est pas qu’un changement de sigle. Il met l’accent sur le besoin de tourner la page et de passer d’une bureaucratie qui risque d’être enfermée sur elle-même à l’éducation comme service des jeunes, des parents et de la société toute entière, en cohérence avec l’ensemble de la mission de l’Église dans les autres lieux que sont la famille et les paroisses. C’est pourquoi Kleopas préconise, dans nos institutions scolaires, un encadrement nouveau de management, la revitalisation des projets d’établissements et une pastorale scolaire professionnalisée.

 

Au niveau des familles et des paroisses, les changements toucheront surtout à une nouvelle manière d’accompagner les enfants et les jeunes dans une éducation de la foi par la communauté des adultes. L’accent est mis sur la redynamisation de la foi des adultes. Une croissance progressive qui respecte les âges de la vie dans leur maturation. Cette pédagogie renouvelée sera expliquée et appliquée par de nouveaux manuels et outils pour les parents, les maîtres d’école et les élèves.

 

Pourquoi ces changements ?

 

Je vous répondrai que c’est parce que nous étions en train de nous encroûter dans des habitudes de fonctionnement totalement inadaptées aux situations nouvelles créées par le monde d’aujourd’hui d’une part, mais aussi inadaptées par rapport aux exigences demandées par l’Évangile.  J’épouse à 100 % ce que dit le pape François dans le style percutant qu’on lui connaît : la conduite de l’Église qui veut sortir et aller à la rencontre du monde d’aujourd’hui exige d’abandonner le critère du «on a toujours fait ainsi».

 

Pour cela, il invite chacun «à être audacieux et créatif dans ce devoir de repenser les objectifs, les structures, le style et les méthodes…»pour faire connaître et faire mettre en pratique les valeurs de l’Évangile dans le monde d’aujourd’hui. J’ajouterai que nous voulons changer parce que nous sommes optimistes que ce monde recèle des potentialités non exploitées. À vin nouveau, outres neuves ! Sinon, le nouveau vin fait éclater les vieilles outres.

 

Que vont apporter ces nouvelles structures à l’Église dans notre pays ?

 

Nous nous employons à ce que ce plan ne reste pas dans les tiroirs. Dès le dernier trimestre de cette année 2016, les paroisses sont appelées à fournir une liste de catéchètes qui seront formés pendant l’année 2017 à l’ICJM. Il faut du temps pour que les nouvelles structures apportent des choses visibles. Par exemple, les premières retombées concrètes dans les paroisses et les familles ne se verront qu’à partir de septembre 2017. Très graduellement. De même pour les écoles. Mais les nouvelles dispositions sont claires dans le projet promulgué dimanche dernier.

 

J’ajouterai que ce sont les nouvelles structures mentales qui seront les plus difficiles à changer, et ça ne se voit pas à l’œil nu et prendra beaucoup de temps. Les structures peuvent aider les mentalités à évoluer, mais l’inverse aussi est vrai.

 

Nous nous acheminons vers une Église où les chrétiens, hommes et femmes, tiendront de plus en plus des responsabilités, où la vocation des prêtres sera plus ciblée, même si les prêtres sont moins nombreux. Une Église qui utilise les moyens modernes de communication et de management.

 

Bio express

 

Curé à Saint-François-Xavier, Port-Louis, Jean Maurice Labour, vicaire général, est président du conseil d’administration de La Vie catholiqueet représentant de l’évêque au Bureau de l’Éducation catholique. Responsable des relations publiques du diocèse, il est aumônier de la Commission diocésaine du monde ouvrier, de la Commission Justice et Paix, et du Comité diocésain 1er février. Il est né à Curepipe le 22 novembre 1947.

 


 

Mgr Maurice Piat : «Le projet Kleopas veut profiter de ces belles expériences généreuses de pastorale missionnaire et de pastorale d’initiation, vécues déjà autour des différentes sessions, retraites et différents parcours de formation pour que quelque chose de semblable puisse aussi se vivre au cœur des paroisses. Beaucoup de nos enfants et de nos jeunes, beaucoup de leurs familles sont encore loin d’avoir vraiment rencontré le Christ, encore loin de connaître la joie de laisser l’Évangile transformer leur vie.»

 

Historique

 

C’est le 24 novembre 2013, lors d’une messe à Marie-Reine-de-la-Paix, que Mgr Maurice Piat a lancé le projet Kleopas. Pendant une année, il y a eu ainsi une vaste consultation mobilisant quelque 10 000 personnes pour avoir des avis et des propositions afin de connaître les suggestions des chrétiens concernant l’annonce de l’Évangile dans les écoles, les familles et les paroisses.

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