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Jean-Maurice Labour, vicaire général : «Ce n’est pas souvent qu’on entend un pape parler de passion érotique»

27 avril 2016

Jean-Maurice Labour, vicaire général : «Ce n’est pas souvent qu’on entend un pape parler de passion érotique»

Style de vie, communication, humour,  prises de position : le pape François incarne une rupture avec ses prédécesseurs. Comment le définiriez-vous ?

 

Jean Paul II était philosophe, Benoît XVI théologien, François est pasteur avant tout. C’est la proximité du pasteur avec les situations concrètes qui guide sa pensée. Il a l’art des mots qui accrochent l’homme simple. Le pape François confirme, dans sa dernière exhortation, Laetitia Amoris, qu’il a un style bien à lui qui révolutionne la prise de parole des papes en général. Son message est ponctué de mots simples de tous les jours, qui touchent à des réalités crues rarement abordées de front chez les catholiques. Il nous étonne ce pape !

 

Est-ce que le souffle qu’il veut insuffler est une bonne chose pour l’Église ?

 

Le souffle du pape François est inspiré par la Miséricorde. Or, le langage de l’Église, notamment sur la sexualité, a souvent été moralisateur. L’Église imposait des normes par la force de l’autorité au lieu d’accompagner les situations et les personnes dans leur fragilité. Le pape François pousse l’Église à faire une autocritique de son propre langage sur l’amour. Ce pape est accueilli par tous comme un souffle de printemps. On attendait ce bon vent de réforme, voire de révolution. Les questions que se posait le peuple de Dieu arrivent enfin au Vatican.

 

À l’heure où beaucoup sont troublés par les accusations de pédophilie au sein de l’Église, pensez-vous que ce sujet soit traité comme il le devrait par le saint-père ?

 

C’est Benoît XVI qui a donné de nouvelles directives pour instituer une attitude de zéro tolérance sur la question de la pédophilie. François, lui, a resserré la discipline pour les évêques, qui peuvent être sanctionnés par le Vatican s’ils ne dénoncent pas les actes de pédophilie de prêtres de leur diocèse.

 

Que pensez-vous de ses prises de position sur l’avortement, les personnes divorcées et remariées, et l’homosexualité ?

 

Être proches des personnes qui vivent ces situations difficiles ne veut pas dire tout accepter. Sur la question de l’avortement, le pape a étendu la permission de pardonner à tous les prêtres. C’est un immense pas en avant pour accompagner les personnes. Cependant, l’Église ne peut pas revenir sur le fait qu’en avortant, on tue un être humain. Mais elle est plus humaine et miséricordieuse dans son approche.

 

Ce principe s’applique aussi aux personnes homosexuelles. Rappelez-vous son «Qui suis-je pour juger ?»quand il a accueilli un homosexuel au Vatican. La posture du pape est celle de l’accueil, sans porter de jugement. Par ailleurs, l’Église est et restera toujours écartelée entre un idéal humain à proposer au nom de la Bible et les situations concrètes, actuelles, des personnes. Sur les unions homosexuelles, le pape François déclare sans ambages qu’il «n’y a aucun fondement pour établir des analogies entre des unions homosexuelles et le plan de Dieu sur le mariage».

 

Concernant les divorcés remariés, François évite de parler d’excommunication, mais engage l’Église à intégrer dans la communauté ceux qui vivent un amour blessé en leur redonnant confiance et espérance. Mais l’Église ne renoncera pas à son modèle de mariage : un homme et une femme liés par le sacrement du mariage dans un amour exclusif, fidèle, jusqu’à la mort. D’autres formes d’union contredisent cet idéal.

 

Lors d’un de ses derniers déplacements, le pape François a ramené au Vatican, dans son avion, 12 réfugiés syriens, dont six mineurs. C’était le samedi 16 avril au retour de sa visite de cinq heures dans l’île de Lesbos. Comment peut-on interpréter cette action ?

 

L’action du pape donne du poids à ses paroles. L’accueil du migrant n’est pas lié à son appartenance religieuse. Devant la persécution que subissent les chrétiens dans des États islamiques, ce geste est prophétique et démontre le sens de l’amour chrétien.

 

Quelles sont les autres actions ou prises de position qui ont retenu votre attention ?

 

Ce n’est pas souvent qu’on entend un pape parler de passion érotique. Il en parle positivement et dit que «désirs, sentiments et émotions ont une place importante dans le mariage».Il va plus loin : «Un amour sans plaisir ni passion n’est pas suffisant pour symboliser l’union du cœur humain avec Dieu (…) L’Église, avec ses commandements et ses interdits, ne nous rend-elle pas amère la plus belle chose de la vie ?» Par ailleurs, il n’y va pas avec le dos de la cuillère pour fustiger les travers du monde actuel. Il dénonce, entre autres, l’individualisme qui dénature les liens familiaux.La culture de la propriété et de la jouissance qui engendre, au sein des familles, de la souffrance. La «culture du provisoire».Une mentalité antinataliste encouragée par les politiques mondiales en matière de santé reproductive.  L’affaiblissement de la foi et de la pratique religieuse dans certaines sociétés, ce qui affecte les familles et les laisse davantage seules avec leurs difficultés. L’exploitation sexuelle de l’enfance, qui constitue une des réalités les plus scandaleuses et les plus perverses de la société actuelle.

 

Quel est l’impact de ses actions sur l’Égliseà Maurice ?

 

Le projet Kleopas, préparé par l’Église catholique à Maurice depuis trois ans et qui sera promulgué le 31 juillet, coïncide providentiellement avec les propositions de l’exhortation apostolique Laetitia Amoris. Le projet Kleopaspréconise une annonce joyeuse et redynamisée de l’Évangile dans les familles, les paroisses et l’école, afin que l’Église apporte sa contribution pour une société mauricienne plus juste et fraternelle.

 

 

Bio express : Curé à Saint-François-Xavier, Port-Louis, Jean-Maurice Labour, vicaire général, est président du conseil d’administration de La Vie catholique et représentant de l’Évêque au Bureau de l’éducation catholique. Responsable des relations publiques du diocèse, il est aumônier de la Commission diocésaine du monde ouvrier, de la Commission Justice et Paix et du Comité diocésain 1er février. Il est né à Curepipe, le 22 novembre 1947.

 

Ma semaine d’actu

 

Quelle actualité a retenu votre attention ces derniers temps ?

 

Aussi bien au niveau international que local, le cocktail explosif du pouvoir et de l’argent mène à une corruption éhontée au détriment des plus pauvres de la planète. L’essentiel des énergies (médiatiques, juridiques, etc.) est mobilisé dans des procès interminables au lieu d’être investi dans la construction positive de projets pour le bien commun.

 

Que lisez-vous actuellement et pourquoi ?

 

Je me régale de l’exhortation apostolique Laetitia Amorisdu pape François, notamment sur la beauté

de l’amour humain.

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