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9 novembre 2015 13:34
Appuyé contre le portail, Suraj Sungam regarde fixement la maison de ses parents, peint en blanc et rouge. Il semble perdu dans ses pensées et personne n’ose lui demander ce qui peut bien lui traverser l’esprit à ce moment précis. Non loin de lui, ses deux sœurs et ses deux frères, le visage marqué d’une profonde tristesse, discutent entre eux et tentent de trouver des réponses. De comprendre pourquoi leur père Jeewanlall Sungam, un homme sans histoire, a été tué à son domicile à Montagne-Longue, dans la nuit du mercredi 4 novembre lors d’un cambriolage, le jour même de son anniversaire.
Ce soir-là, deux malfrats se sont introduits dans la maison de cet homme de 83 ans, l’ont ligoté et bâillonné, ce qui a entraîné sa mort. Jeewanlall Sungam a succombé à une asphyxie, selon le rapport du médecin légiste. Dans le cadre de cette affaire, deux hommes ont été arrêtés : Kamlesh Deepchund, un habitant de Hermitage, âgé de 28 ans, et Raj Kumar Sookah, un habitant de Dubreuil, âgé de 26 ans (voir hors-texte).
Les larmes aux yeux, Suraj Sungam ne peut s’empêcher de se sentir terriblement coupable de la mort de son père. Car l’un des deux présumés meurtriers ne lui est pas étranger. «Je loue la maison de Kamlesh Deepchand à Hermitage depuis environ trois mois. Le loyer me coûte Rs 2 500 mensuellement », explique le fils de la victime. Il y a environ un mois, raconte-il, Kamlesh Deepchand, qui est également chauffeur de taxi, l’a conduit au domicile de ses parents à Montagne-Longue pour y déposer quelques vêtements et des provisions. «Ma mère est alitée depuis plusieurs années. C’est mon père qui prenait soin d’elle. Mais mes frères, sœurs et moi avions fait un arrangement afin qu’au moins l’un de nous aille les voir chaque jour. C’est ainsi qu’à deux reprises, j’ai sollicité les services de Kamlesh pour me conduire chez mes parents. Des courses pour lesquelles je lui ai payé Rs 1 600 en tout», précise Suraj Sungam.
Il ne pouvait pas savoir alors que Kamlesh Deepchand allait profiter de la vulnérabilité de ses parents. «Il a vu dans quel état était ma mère et savait très bien que mes parents vivaient seuls. Je pense qu’à partir de là, il a planifié son coup. À aucun moment, je n’ai réalisé qu’il avait un double visage.» Ainsi, dans la nuit du mercredi 4 novembre, Kamlesh Deepchand et son complice Raj Kumar Sookah se sont rendus au domicile de Jeewanlall Sungam. Ils ont piégé le vieil homme en se faisant passer pour son fils. «Pa, ouver la port, mwa sa, Suraj», aurait lancé Kamlesh Deepchand pour pouvoir entrer dans la maison. Ensuite, son acolyte et lui ont ligoté et bâillonné l’octogénaire alors que son épouse, clouée au lit, assistait impuissante à toute la scène.
Dans leur déclaration à la police, les deux présumés meurtriers ont expliqué qu’ils avaient l’intention de faire main basse sur un coffre appartenant au couple Sungam et contenant des bijoux en or et de l’argent (voir hors-texte). Ils allèguent que c’est Suraj Sungam qui leur a filé cette information. Ce que nie ce dernier. «Ils disent n’importe quoi. Je ne leur ai jamais dit ces choses-là. Ce sont des monstres qui ont profité de la vulnérabilité de deux personnes âgées. Je regrette d’avoir croisé le cerveau de cette affaire, d’avoir emmené l’un de ces meurtriers chez mes parents.»
Ex-plombier de la Central Water Authority, Jeewanlall Sungam a posé ses bagages à Montagne-Longue il y a dix ans. Selon son autre fils Kailashnath, cet originaire de Flacq avait fait l’acquisition de sa nouvelle maison en puisant de son lump sum. «Il aimait le calme de cet endroit et était tombé sous le charme de cette maison au premier coup d’œil. Il avait pris sa retraite après 42 ans de service», dit-il, la voix remplie d’émotion.
Devi Hardoyal, la fille aînée de la victime, parle de celle-ci comme d’une personne extraordinaire. «Il avait bon cœur. Il était très connu à Montagne-Longue, car il faisait aussi du travail social en aidant les plus démunis. Il était aussi un activiste politique», murmure-t-elle en regardant la photo de Jeewanlall, accroché au mur du salon. Il y a quelques années, avance-t-elle, son père avait même été décoré par Cassam Uteem, alors président de la République, pour ses nombreux services rendus à la communauté.
«Mon père ne méritait pas une fin aussi atroce. Pas une personne comme lui, serviable et aimante», pleure cette habitante de Quatre-Cocos. Reprenant son courage à deux mains, elle nous invite à voir la pièce dans laquelle son père a été retenu prisonnier par ses deux présumés meurtriers. Tout est sens dessus dessous. Une armoire a été vidée de son contenu qui est éparpillé sur le lit du vieil homme, alors que d’autres objets traînent au sol. «Ils ont fouillé cette pièce, mais n’ont eu le temps de rien prendre, sauf le porte-monnaie de mon père. Car les voisins ont entendu du bruit à ce moment-là et ont appelé la police», explique Devi Hurdoyal.
Le décès de ce père de cinq enfants et grand-père de 16 petits-enfants est d’autant plus tragique qu’il a succombé le jour de son anniversaire, tué par deux jeunes hommes qui ont confessé leur crime odieux. Hélas, les personnes âgées deviennent de plus en plus les proies des plus jeunes qui s’en prennent à eux pour les voler ou profiter de leur faiblesse. On se souvient de l’agression barbare du couple Peeroo, dans leur commerce à Stanley, il y a quelques semaines. À quand une campagne de sensibilisation contre la violence à l’égard des personnes âgées ? Pour empêcher que d’autres comme Jeewanlall Sungam meurent de façon tragique. Et que des familles ne soient à jamais bouleversées par de tels drames.
La Criminal Investigation Division de Terre-Rouge n’a pas tardé à mettre la main sur les deux présumés meurtriers de Jeewanlall Sungam. Kamlesh Deepchand, un habitant de Hermitage, âgé de 28 ans, a été appréhendé à son domicile le même soir et a confessé son crime après avoir été interrogé durant des heures. Son complice, Raj Kumar Sookah, qui s’était réfugié chez des proches à Montagne-Longue après avoir commis son forfait, a, lui, été arrêté le lendemain, vers 5 heures du matin. C’est la description des tatouages de Kamlesh Deepchand ainsi que de sa voiture qui a aidé la police à remonter jusqu’à lui. Dans leur déposition à la police, les deux présumés meurtriers ont déclaré s’être rendus chez le couple Sungam car ils voulaient «voler des bijoux en or et de l’argent». Ils ont été présentés en cour de Pamplemousses le jeudi 5 novembre et une charge provisoire de meurtre a été logée contre eux. Ils ont été reconduits en cellule policière, la police ayant objecté à leur remise en liberté.
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