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Journée internationale des droits des femmes : ki manyer bann madam ?

5 mars 2024

Magali Deliot, directrice de l’ONG Planète Enfants : «Revenir en arrière»

 

«Depuis une vingtaine d'années, une grande majorité de femmes travaillent. Qui dit travail, dit pas de temps pour s'occuper de ses enfants, de sa maison et de sa famille. Aujourd'hui, nous avons des bébés qui passent plus de temps à la garderie qu'à la maison. Nous notons une croissance dans la délinquance juvénile et beaucoup d'enfants/de jeunes n'ont plus aucun respect pour les adultes. Avant, les mamans restaient à la maison pour s'occuper des enfants et de leur éducation et il n’y avait pas beaucoup de cas de délinquance. La cause de cette montée de violence, c'est que nous n'avons plus de temps à donner à nos enfants et à nos familles. La société est devenue très matérialiste. Pour avoir une société plus safe, nous devons revenir en arrière. Je pense qu'il est temps que les mamans puissent rester à la maison et s'occuper des enfants depuis la naissance jusqu'à leurs 18 ans mais à, condition, qu’elles aient un revenu. Beaucoup vont certainement dire que je suis vieux jeu, mais nous voyons le résultat aujourd'hui de cette société moderne qui, finalement, a détruit les valeurs fondamentales. Nous sommes des femmes et des mamans robots qui passent plus de temps au travail qu'à élever nos enfants. Nous travaillons, nous rentrons chez nous fatiguées, nous devons nous occuper du repas, des devoirs des enfants, du ménage, pour celles qui n'ont pas d'employé.e de maison. Beaucoup ont une mauvaise opinion de la femme au foyer car la modernité a formaté notre cerveau, mais la femme au foyer donnera plus de temps à ses enfants, sa famille et aura plus de temps pour elle. Si nous sommes plus présents pour nos enfants, nous ferons d'eux des adultes responsables.»

 

Me Pooja Bhayjo, avocate et présidente du comité exécutif de DIS MOI : «Nous avons tous le devoir de nous préoccuper de la sécurité des femmes»

 

«On ne cesse de répéter que les hommes et les femmes sont aujourd'hui sur un pied d'égalité. Mais est-ce vrai ? Les femmes se sentent-elles en sécurité lorsqu'elles marchent dans la rue la nuit ? Les femmes ne sont-elles pas encore harcelées, agressées ou tuées ? Ces femmes victimes auraient-elles ressenti la même chose ou vécu les mêmes situations de harcèlement, de violence, d'agression sexuelle, de meurtre si elles avaient été des hommes ?

 

L’État, les citoyens, la société, les organisations non gouvernementales ; nous avons tous le devoir de nous préoccuper de leur sécurité. Nous savons que de nombreux cas de violence domestique sont signalés et que beaucoup d'autres ne le sont pas... Que les féminicides continuent, que les femmes sont harcelées sexuellement sur leur lieu de travail, dans la rue, chez elles. Que des scénarios obscènes se produisent tous les jours dans le bus, le métro, la gare routière, les centres commerciaux... Nous avons tous la responsabilité d'œuvrer à l'élimination de la violence et de la discrimination fondées sur le sexe, et chacun d'entre nous doit faire sa part pour créer une communauté, un monde où toutes les femmes vivent dans la dignité et l'égalité, sans craindre la violence.

 

Les gens devraient cesser de sexualiser les femmes qui marchent dans la rue. Le lieu de travail devrait être exempt de harcèlement. Aucune femme ne devrait être victime de violence domestique ou d'agression sexuelle. Pas de femmes tuées par leur partenaire intime. Les femmes ne devraient plus être des victimes permanentes dans les commissariats de police ou les tribunaux. Il doit y avoir un renforcement de la responsabilité et de la réactivité des systèmes judiciaires. Les législateurs doivent continuer à améliorer les lois qui protègent les femmes, à trouver les failles et à les corriger. L’État doit prendre des mesures pratiques pour rendre les rues accessibles en toute sécurité : bon éclairage, chemins sûrs, signalisation adéquate, caméras de sécurité, limitation des sites de piégeage, visibilité claire dans les rues… Les autorités doivent réfléchir à des programmes de protection des femmes, recueillir des données, élaborer des plans d'action pour la sécurité des femmes et les mettre en œuvre. Les parents et le système éducatif doivent enseigner à leurs enfants le respect et la responsabilité de chacun de nos concitoyens pour assurer la sécurité des femmes. Ce n'est pas toujours l'affaire de l’État, c'est l'affaire de chacun d'entre nous. Montrons tous que nous nous sentons concernés. "J'élève la voix non pas pour crier, mais pour que ceux qui n'ont pas de voix puissent être entendus" – Malala.»

 

Sanjhiana Appadoo, blogueuse culinaire : «Des mesures à prendre à différents niveaux»

 

«Pour rendre l'île Maurice plus sûre et motivante pour les femmes, pour renforcer l'égalité des genres et favoriser le développement inclusif de la société mauricienne, plusieurs mesures pourraient être prises à différents niveaux. Voici quelques suggestions : renforcer les mesures de sécurité à travers l'île, y compris dans les lieux publics, les transports en commun et les quartiers résidentiels, lutter contre la violence à l'égard des femmes en mettant en place des lois strictes et des mécanismes efficaces pour lutter contre la violence domestique, le harcèlement sexuel et toute forme de violence à l'égard des femmes. Promouvoir l'égalité des chances pour les femmes dans tous les domaines. Cela pourrait se faire en mettant en place des politiques visant à éliminer les discriminations de genre et en encourageant la participation active des femmes. Assurer un accès équitable aux services de santé et de bien-être pour les femmes, y compris la santé reproductive, la planification familiale, les soins prénatals et postnatals, ainsi que le soutien en matière de santé mentale. Encourager l'autonomisation économique des femmes en soutenant l'entrepreneuriat féminin, en offrant des formations professionnelles et en créant des opportunités d'emploi équitables. Promouvoir l'éducation et la sensibilisation du public sur les droits des femmes, les questions de genre et les stéréotypes préjudiciables.»

 

Urvashi Babajee, auteure : «Nous ne devons pas avoir peur ou honte»

 

«Je crois qu'il est important de créer des espaces sûrs pour les femmes afin qu'elles ne limitent pas leurs mouvements et qu'elles aient la liberté de participer dans différents contextes. La participation, la voix et la contribution des femmes sont essentielles à l'édification d'une société plus juste et plus forte. Donc, le respect est avant tout nécessaire. Plusieurs facteurs contribuent à la sécurité des femmes ou à leur insécurité : les attitudes sociétales, le manque d'infrastructures, le manque de ressources et de soutien, le statut socio-économique, les préjugés et l'état d'esprit patriarcal, les facteurs culturels et sociétaux. Afin de combler ces lacunes, Maurice doit revoir les politiques qui favorisent l’empowerment des femmes, il devrait y avoir des lois plus strictes afin que les femmes qui portent le fardeau de la violence domestique, du harcèlement sexuel ou de tout type d'agression (pour ne citer que ces exemples) puissent s'exprimer et ne plus souffrir en silence. Les femmes ne doivent pas avoir peur ou honte. Et c'est extrêmement important pour le développement d'une société et pour Maurice dans son ensemble. Ce n'est qu'à ce moment-là que les femmes pourront vivre dans un environnement plus sûr et prospérer. Nous parlons chaque année de la célébration de la Journée de la femme et des droits des femmes, mais en faisons-nous assez pour protéger les opportunités dont peuvent bénéficier les femmes ? Quel sera l'intérêt de célébrer la Journée de la femme si rien ne change ? Nous avons besoin d'un dialogue et d'actions équitables pour soutenir l'inclusion et le potentiel des femmes.»

 

Carleen Tse, ingénieure en agroalimentaire : «Pas le genre le moins capable»

 

«Pour une île Maurice plus safe pour les femmes, il faudrait qu'il y ait un changement concernant cette mentalité qui laisse à penser que les femmes sont des proies faciles. Et cela passe par l'éducation à la maison dès le plus jeune âge. Un durcissement des lois peut aussi contribuer à cela. Pour motiver les femmes, je dirais qu’elles doivent être vues comme étant complémentaires aux hommes et non comme le genre le moins capable.»

 

Fatima Ezzahraa Diani, Digital Marketing Manager : «Pour l’indépendance, pour l’éducation»

 

«À Maurice, je constate que la violence physique et psychologique de la part des conjoints ou des partenaires gagne du terrain. Je vois aussi que beaucoup plus de femmes travaillent et se battent pour leur indépendance et ça se ressent sur le marché du travail. Cela nous apporte une information de taille :que la femme se sent en sécurité quand elle est indépendante et peut donc affronter et contrer toute violence à son égard. C’est pour cela, qu’aujourd’hui, il est essentiel de travailler en amont afin de faciliter l’accès à l’éducation pour nos filles afin qu’elles puissent se construire tant sur le plan professionnel que personnel.»

 

Irna Jafferbeg, directrice de compagnie : «Nos voix sont encore minoritaires»

 

«La domination masculine est encore omniprésente dans l’essentiel des processus décisionnels et cela inclut la politique. Nos voix sont encore minoritaires. À quand une femme Premier ministre ? Il y a encore énormément de travail à mener pour juste s’approcher d’un équilibre. Pourtant, le rôle positif des femmes dans les changements indispensables pour un avenir plus brillant est indéniable. Il nous faut plus de femmes au Parlement. Vu le nombre de cas de violence conjugale dont sont victimes les femmes et les discriminations qu'elles subissent dans l'espace public, entre autres, je pense qu'il y a toute une éducation à faire depuis le préprimaire afin que cette mentalité change dès le plus jeune âge.»

 

Nelly Beg, fondatrice et responsable des structures de l'Association pour l'accueil des femmes et des enfants en difficulté : «La réussite doit se conjuguer au féminin»

 

«Beaucoup de femmes ne connaissent pas encore leurs droits, ce qui est fondamental pour leur sécurité. Il est dommage qu'en 2024 le droit de l’Homme le plus bafoué reste encore la violence à l’égard des femmes. L’accent doit donc être mis sur l’éducation ; il faudrait commencer encore plus tôt que le secondaire. Il faut sensibiliser en utilisant les centres sociaux afin de conscientiser les personnes de tous les âges et de tous les genres. Une population sensibilisée, c'est une population qui s'engage à dénoncer et à porter plainte quand il y a de la violence envers les femmes. Il est temps de passer au niveau supérieur concernant le durcissement des lois. Le niveau actuel ne décourage pas les bourreaux ou ceux qui récidivent en ce qui concerne les violences domestiques et les viols, entre autres...

 

Je vois beaucoup sur les réseaux des mamans solos ou divorcées qui ont du mal à faire face. J’aide selon mes moyens, comme d’autres le font. Mais cela n’est que ponctuel ; il faudrait des organismes et des structures capables d’être là, comme des phares pour les femmes en détresse et victimes. Mais aussi capables de réfléchir et d’apporter des solutions.

 

Les femmes doivent prendre conscience de leur force et de leur dignité ; elles sont importantes et ont de la valeur. Elles doivent travailler sur l’image qu’elles ont d’elles-mêmes afin de gagner en autonomie et en indépendance. La réussite doit se conjuguer au féminin. Pour cela, la société doit être moins patriarcale ; que les salaires et les chances soient égaux. Qu’il existe des plateformes où les femmes puissent s’entraider. Et qu’elles trouvent leur place en politique.»

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