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18 août 2020 01:55
La journée du 8 août semblait avoir bien commencé pour le jeune couple. D’après des proches, Kamlesh Dhunnoo, 20 ans, et son épouse Vishnee, 19 ans, tentaient de recoller les morceaux. Ils auraient d’abord déjeuné ensemble, avant de passer l’après-midi au bord de la mer, après avoir déposé leur fille Vidisha, 1 an et demi, chez sa grand-mère paternelle. Le couple serait, par la suite, rentré à la maison, à la Résidence NHDC Filao, Riambel. Où une énième dispute est survenue dans la soirée.
Vishnee Dhunoo est décédée après avoir reçu un violent coup de couteau au cou de son époux Kamlesh. Ce dernier s’est par la suite enfui, avant de se donner la mort par pendaison sous une structure en métal abritant la foire du village.
Depuis, Vidya Ramasawmy et Anita Prayagsing, mamans de Vishnee et Kamlesh respectivement, sont en état de choc. «Mo touzour pa krwar seki finn ariv mo tifi. Enn sok terib pou nou fami sa», pleure Vidya après le décès de sa benjamine, la «zanfan gate» de la famille. Les proches de son gendre sont tout aussi anéantis. «Nous avons appris le suicide de mon fils par les réseaux sociaux. Des gens avaient commencé à partager des photos et une vidéo de lui», s’indigne, pour sa part, Anita.
Une histoire d’infidélité serait-elle à l’origine du drame, comme l’allègue la mère de Kamlesh ? La jeune femme était-elle maltraitée par son époux, comme le soutient sa mère ? Les versions divergent. Mais les deux mamans s’accordent à dire que le couple, marié depuis deux ans, battait de l’aile. «Ils sont ensemble depuis cinq ans. Ma fille était tombée enceinte à 17 ans», se souvient Vidya. Les deux familles décident de es marier civilement malgré leurs appréhensions.
Néanmoins, Vidya et son entourage n’approuvaient pas cette union car le jeune homme, assurent-ils, «ti ena move karacter», était porté sur la bouteille et consommait de la drogue. «Vishnee ti dan Form IV sa lepok-la. Kamlesh inn bien fatig so latet ziska fer li aret lekol. Nou fami pa ti dakor ek Kamlesh parski zot tou ti kone li violan, sirtou kan li bwar ek fime. Inn fatige koz ek Vishnee. Me li pa ti ekout personn. Kamlesh, li, ti deza extra zalou sa lepok-la», se souvient Anouskha, l’épouse de Yogen, frère aîné de Vishnee.
La fille du couple a vu le jour cinq mois après leur union. Kamlesh et Vishnee vivent alors chez Vidya, avant d’emménager chez Anita quelques mois plus tard. Peu après, ils déménagent et louent une maison non loin de celle d’Anita. Et là, les choses commencent à dégénérer. «Mo bofrer ti anpes Vishnee aste portab, ti anpes li danse dan maryaz, ti anpes li koz ek bann zom dan fami. Kamlesh ti bien posesif», soutient Anouskha.
La famille tente alors de faire entendre raison au jeune homme. «Il m’a promis à plusieurs reprises d’arrêter de brutaliser ma sœur, qu’il allait trouver un emploi fixe et arrêter de boire et de fumer ; des promesses en l’air», confie Yogen. À un moment donné, mari et femme trouvent de l’emploi comme cleaners mais finissent par se faire renvoyer. «Kamlesh avait été arrêté pour vol avec violence sur une femme», explique Vidya.
Son gendre, explique-t-elle, a été condamné à payer une amende. Mais peu après, le jeune homme est arrêté pour attentat à la pudeur sur une de ses nièces, âgée de 11 ans. «Case pa ankor pas la kour», souligne Vidya. En effet, confirme Anita, son fils a déjà eu des démêlés avec la justice. Mais elle affirme que c’est uniquement pour une affaire de vol avec des amis. Pour elle, la vie de son fils est devenue un enfer lorsque Vishnee a acheté un téléphone portable. «Mon fils reprochait à son épouse d’avoir une liaison extraconjugale avec un de ses amis. Ce qu’elle a toujours nié. Elle a alors commencé à faire le va-et-vient chez sa mère. Cela perturbait mon fils qui aimait sa femme.»
Mais c’est un autre son de cloche du côté de Vidya et de sa famille. Vishnee, explique Anouskha, avait quitté Kamlesh il y a trois semaines car elle ne voulait plus subir les coups et les injures. Elle a même sollicité le Family Support Bureau, à Souillac. Le couple y avait d’ailleurs rendez-vous le 14 août. Mais le samedi 8 août, lorsque Vishnee décide de rentrer aux côtés de son époux, l’entourage du couple pense que la situation s’est améliorée. Vers 20h46, ce jour-là, Anouskha et Vishnee se parlent en ligne. Tout semble bien se passer. Toutefois, quelques minutes plus tard, Anouskha reçoit un message inquiétant de sa belle-sœur qui lui explique que Kamlesh commence à être violent.
Anita, elle, qui habite tout près, entend le couple se disputer et tente d’entrer dans la maison. «Me mo garson pann ouver la port pou mo rantre», explique Anita. Kamlesh se serait mis en colère lorsque Vishnee aurait répondu à un appel de son «amant». Il aurait commencé par briser une bouteille de bière qu’il avait achetée un peu plus tôt. Paniquée, sa mère est finalement rentrée chez elle pour solliciter l’aide de son compagnon.
Quelques minutes plus tard, Anita tombe sur son fils, torse nu et pieds nus, dans la rue. «Linn dir mwa so madam andan. Monn panse li pe plore dan lasam. Monn gagn enn sok terib apre», confie Anita. La porte de la maison était ouverte. Il y avait des morceaux de bouteille cassés éparpillés sur un escalier intérieur qui menait au premier étage où gisait le corps de Vishnee qui était inconsciente et saignait au niveau du cou. À côté d’elle, un couteau de cuisine maculé de sang et une pièce sens dessus dessous.
La police arrive sur place peu après. Et le cadavre de Kamlesh est retrouvé vers 6 heures, dans la foire du village.
Ce double drame plonge deux familles dans une profonde tristesse. Et surtout, une petite fille se retrouve aujourd’hui orpheline de ses deux parents…
Jean Marie Gangaram
Plusieurs meurtres-suicides ont été répertoriés à Maurice au cours de ces dernières années. Les derniers en date sont les suivants :
Le samedi 13 juin 2020, le corps de Doris Nithoo, 56 ans, est retrouvé au domicile de sa sœur à Goodlands. Elle a été poignardée à 16 reprises. Les soupçons se portent sur Josian Céline, 54 ans, avec lequel elle entretenait une liaison. Le corps de ce dernier – qui avait déjà purgé une peine d’emprisonnement pour le meurtre d’une autre femme – a été découvert sur la plage d’Albion le lendemain. Il s’y est donné la mort.
2 janvier 2018, Barachois, Tamarin. Après avoir entendu des coups de feu, des habitants de la localité alertent la police. Une fois sur place, les limiers découvrent les corps sans vie de Lelio Zephire, un vigile de 65 ans, et de son ex-concubine Doris L’Enflé, âgée de 38 ans. D’après les recoupements des enquêteurs, le vigile a tué la trentenaire en lui tirant deux coups de feu à la tête avec un fusil de chasse, avant de retourner l’arme contre lui.
Le 8 avril 2017, un jeune couple est retrouvé mort dans sa maison à Camp Embrevade, Petite-Rivière. D’après les enquêteurs, le décès de Marie Estrella Rioux, 23 ans, et celui de Patrick Jhurry, son compagnon de 30 ans, remontaient alors à plus de 24 heures. Une autopsie a conclu que la jeune femme est morte étouffée. Elle aurait été tuée par Patrick Jhurry qui s’est ensuite donné la mort.
Elodie Dalloo
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