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Kenny Jacquette tué par balle à Bambous - Son beau-père, connu comme Eddy Boul Rouz : «Il n’avait pas d’arme sur lui»

3 août 2021

Cet habitant de Camp-Levieux a du mal à se remettre de la fin tragique de son gendre.

Son miroir projette une autre image de lui en ce moment. Ce n’est pas celle d’un dur à cuire mais d’un homme écrasé par la douleur du deuil. Eddy Lucile, 64 ans, plus connu comme Eddy Boul Rouz, pleure le décès de son gendre Kenny Jacquette, tué par balle à Bambous le lundi 26 juillet. Les premiers éléments de l’enquête policière indiquent que cet habitant de Camp-Levieux, à Rose-Hill, a reçu une balle au cou lors d’un règlement de comptes qui aurait mal tourné. La police a déjà arrêté trois suspects dans cette affaire, dont un certain Vicky Ramajith. C’est devant le domicile de cet homme de 39 ans que le drame a eu lieu. Le suspect, qui s’est constitué prisonnier peu après la fusillade mortelle, est provisoirement accusé d’assassinat.

 

Dans la version des faits qu’il a donnée à la police, il évoque la légitime défense. Il explique que des gros bras sont venus chez lui après un incident un peu plus tôt ce jour-là avec un présumé trafiquant de drogue. Selon ses dires, Kenny Jacquette avait une arme sur lui. Le coup est parti, dit-il, alors qu’il luttait avec l’habitant de Camp-Levieux. Des affirmations que récuse Eddy Lucile. «Mon gendre n’avait pas d’arme sur lui, Vicky ment en disant cela. Kenny est un ancien body-builder. Il pratique aussi le kick-boxing, tout comme mon fils et moi. Je fais également du karaté et de l’aikido. Our hands and our feet are our offensive weapons», argue-t-il.

 

Ce jour-là, explique Amanda, l’épouse de Kenny, il était sorti très tôt pour aller acheter des gâteaux pour ses enfants, avant d’aller déposer son fils à l’école. Le couple a trois enfants : deux filles de 13 et 7 ans, et un fils de 3 ans. Selon Amanda, son époux est ensuite allé s’entraîner avec son père et son frère, avant de rentrer à la maison. Elle précise qu’il était en train de se reposer quand elle est sortie pour se rendre à Port-Louis. Plus tard, c’est par le biais de son fils Rudy qu’Eddy a appris que Kenny «inn gagn problem dan Bambous». «Mon fils l’a su par un coup de fil. Il a alors emprunté la voiture de Chris, un neveu, pour se rendre sur place avec moi. En arrivant là-bas, nous avons dû interroger plusieurs personnes pour savoir ce qui s’était passé.»

 

Situation pénible

 

Le sexagénaire et son fils se sont ensuite rendus à l’avenue Belle Isle où ils ont retrouvé Kenny sur l’asphalte, dans une mare de sang. «Mon fils est descendu pour aller voir mon gendre, avant de le porter jusqu’à la voiture et de le placer sur le siège arrière. J’ai alors pris le volant en direction de la clinique Bon Pasteur, à Rose-Hill. Kenny respirait péniblement», se souvient Eddy. Une fois dans l’enceinte de la clinique, le personnel médical a placé Kenny sur une civière. «Monn bat dan abriti sa ler-la. Mo ti sorti pou al rod enn boutey dilo pou donn li bwar. Kan monn revini, monn aprann ki mo zann inn fini mor», confie Eddy. Il avance que «ziska ler, personn pa kone ki Kenny ti al fer laba».

 

«Nou fami net dan sok apre seki finn ariv Kenny. Mo kreater ki pe donn mwa kouraz aster», lâche Eddy avec douleur. La situation est d’autant plus pénible que son épouse est actuellement très malade ; elle a un cancer au pancréas. Elle vient de subir une délicate intervention au niveau de l’estomac et tous les membres de la famille se relaient pour lui rendre visite à l’hôpital. «Nou pankor dir li ki Kenny inn mor. Ti so zann prefere sa», confie Eddy qui s’efforce aussi de soutenir autant que possible sa fille et ses petits-enfants. «Je dois désormais m’occuper de mes trois petits-enfants. Le moral de ma fille est complètement down. Elle tient toutefois à pardonner à ce Vicky car elle n’est pas du genre à gard dan leker. Elle ne tient pas non plus à savoir pourquoi il a agi de la sorte. Elle ne souhaite qu’une chose : que cela ne se répète pas.»

 

Les proches de Kenny préfèrent s’en remettre aux enquêteurs. «Nou les la polis fer so travay. La zistis bizin fer. Nou bizin konn la verite. Nou pa pou gard Vicky-la dan leker me li pe koz manti kan li dir Kenny ti ena fizi ek li. Mo presize ki mo pa konn sa Vicky-la», lance Eddy Boul Rouz. Il revient aussi sur l’incident du Plaza, le samedi précédent, où il est accusé d’avoir agressé un jeune homme et pointé un revolver sur sa tête. «Sa lot misie dan case assault Rose-Hill-la ousi pe koz manti. Mo pa konn li ditou. Mo garson ek mwa fini donn nou version CID dan sa case-la. Zot pann aret nou. Zot finn interoz mo tifi ousi. Mo tenir pou remersie bann CID Rose-Hill. Bann-la inn koz bien. Zot pann britaliz nou nanye», précise le sexagénaire qui assure qu’il se trouvait chez lui au moment du délit allégué au Plaza : «J’étais à la maison. Ma fille le confirme.»

 

L’homme explique qu’on lui a donné le sobriquet d’Eddy Boul Rouz «parski monn touzour prezan pou ed dimounn kan ena problem». Il tient toutefois à préciser qu’il n’est pas «enn zistisie». «Mo kontan met lord. Mo enn profeser arts martiaux. Mo perfect weapon se mo lespri. Mo servi mo lame ek mo lipie kan pa resi regle problem dan dialog.» Kenny, dit-il, était également très actif sur le plan sportif. Il est un ancien Mr Beau-Bassin/Rose-Hill en body-building. Eddy décrit son gendre comme «enn papa poul» qui apportait toujours son aide aux autres. «Me Kenny zame pa ti roul ek bann trafikan ladrog kouma ena dimounn pe dir», martèle-t-il, même si son genre était fiché à la police pour des délits de drogue. Il précise que son gendre travaillait comme vigile pour une compagnie de gardiennage et gagnait aussi sa vie comme maçon à temps partiel.

 


 

Vicky Ramajith plaide la légitime défense

 

Le coup de feu est parti, alors qu’il luttait avec Kenny Jacquette. C’est ce que Vicky Ramajith a déclaré aux enquêteurs après son arrestation. Il affirme aussi que la victime avait une arme sur elle. Il ajoute qu’outre Kenny Jacquette, d’autres personnes étaient venues pour l’attaquer ce jour-là et qu’il a agi en situation de légitime défense. L’habitant de Bambous a comparu devant le tribunal de sa localité, le 27 juillet, sous une accusation provisoire d’assassinat. Son avocat, Yatin Varma, explique qu’il collabore pleinement avec les enquêteurs. «Cela ne veut pas dire qu’il accepte la charge provisoire retenue contre lui. Mon confrère Uttam Hurmuth et moi suivons la situation. Nous allons bientôt venir avec une bail motion. Je confirme que notre client a déjà eu un premier entretien avec la police. Il sera appelé à fournir des compléments d’informations. C’est tout ce que je peux vous dire pour le moment», explique Yatin Varma. La CID a arrêté deux autres suspects dans cette affaire : Steven Cundasamy, 29 ans, et Clifford Perle, un récidiviste notoire de 55 ans. Ils ont comparu en cour le 30 juillet, sous une accusation provisoire d’assassinat.

 

Rina, l’épouse de Vicky, est dans tous ses états depuis l’arrestation de ce dernier. «Nou pankor gagn so nouvel ditou depi ki la polis inn aret li», confie cette employée de maison de 38 ans. Le couple a trois enfants : une fille de 16 ans et deux fils de 14 et 6 ans. Rina est rentrée chez elle vers 12h20, le jour fatidique. «Des maçons devaient poser des carrelages chez nous mais ils ne sont pas venus. J’ai eu une conversation avec Vicky à ce sujet dans le garage, avant d’aller rejoindre ma belle-sœur à l’autre bout de la maison.» Quelques minutes plus tard, Rina dit avoir entendu «enn ta tapaz lor sime». «Des gens parlaient très fort. J’ai voulu ouvrir la porte de notre maison qui donne sur le garage mais mon époux m’a empêchée de le faire. Il est ensuite sorti dans la rue. On ne l’a plus revu après cela», souligne la jeune femme qui affirme n’avoir entendu «okenn kout bal». Elle dit ignorer combien de personnes et de véhicules il y avait devant sa maison à ce moment-là.

 

Ses proches et elle sont sortis bien après, assure-t-elle. «Ti ena plin dimounn ek la polis. Zot mem ki finn dir mwa ki mo misie fini rann lekor.» Rina explique que son époux, qui travaillait sur un terrain de chasse, avait perdu son emploi depuis trois mois. Depuis, il gagnait sa vie en aidant un cousin entrepreneur en bâtiment et s’était lancé dans l’élevage. «Nou ena inpe poul. Vicky inn ranz enn kazot lor terin enn kamarad pre kot rezervwar La Ferme. Li ti ousi plante laba. Se laba mem ki mo tann dir linn gagn problem ek enn bann dimounn», soutient Rina. Selon elle, son époux «ti rant korek» avec deux jeunes toxicomanes et les avait invités à «sanz zot lavi» en venant lui donner «enn koudme pou dres sa terin-la». Vicky voulait, dit-elle, les aider à sortir de l’enfer de la drogue à travers l’élevage et la plantation. Il leur donnait également à manger, souligne un travailleur social de la région. «Mo finn aprann ki sa 2-la ti ousi donn li koudme pou netway enn lot ti terin a kote kot bann droge abitie vini. Zot ti ramas enn bwat rampli ek sering lor terin-la. Bann trafikan dan baz pann dakor», explique Rina.

 

Le jour fatidique, dans la matinée, Vicky aurait eu une violente altercation avec un présumé trafiquant de drogue et l’aurait giflé. L’homme aurait alors fait appel à des gros bras pour lui donner une correction. «Lerla mem enn lekip inn desann dan sime kot nou. Se seki bann dimounn ki dan sime pe dir. Zot ousi dir ki ti ena boukou loto. An tou ka, mo misie pena fizi li», affirme Rina. Elle assure que son époux est «enn dimounn mari trankil ki pena labitid al lor sime ek pas tou so letan ek zanfan dan lakaz».

 

Le lundi 26 juillet, Vicky n’était pas allé travailler au Morne avec son cousin. Il s’est alors rendu sur le terrain qu’il occupait pour nettoyer et construire un autre enclos où il comptait mettre des canards. C’est à ce moment-là qu’il aurait eu l’altercation qui a mené ensuite au coup de feu mortel ayant coûté la vie à Kenny Jacquette.

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