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30 août 2022 14:57
Quel regard jetez-vous sur ces rassemblements politiques qui se tiennent actuellement et qui se transforment souvent en véritables one-man-shows, avec tout ce qu'on a vu et entendu dans les discours tenus, les règlements de comptes, les insultes, les attaques, les critiques personnelles ou encore les mots et autres slogans utilisés de part et d'autre ?
Ce que je pense, c'est que ces congrès sont l'expression de la déchéance politique à Maurice.
Pourquoi faites-vous ce constat ?
La déchéance politique a commencé il y a très longtemps, dans les années 50, avec la division de la population, etc. À chaque fois, on pense qu'on est arrivés au degré le plus bas de la maturité politique mais maintenant, de plus en plus, on constate qu'on est en pleine descente dans le gain en maturité. C'est décevant mais je pense que c'est le peuple qui encourage tout cela.
C'est-à-dire ?
Le peuple encourage cela en y participant. Il y a aussi les médias qui vont à ces congrès et qui, en faisant état de ce qui s’y passe et en transformant des palabres qu'on y entend en thèmes de débats publics, contribuent à cette déchéance. Les débats publics ne sont plus autour des projets de société. On entend plus des palabres, comme avec les affaires Sherry Singh ou encore Akil Bissessur. L'élite politique est responsable de cette déchéance de la politique mais le peuple aussi est responsable. Nous avons deux volets : l'élite politique fait comme si la politique lui appartient et qu’elle décide du cours de la politique. Ceux qui font partie de cette élite savent ce que le peuple veut. Le peuple veut du cirque ? Ils donnent du cirque au peuple mais pas de réflexion pour encourager le peuple à développer sa maturité politique.
Et cela mène vers quoi au final ?
Nous sommes en pleine décadence. Nous allons vers les abîmes et le peuple va en souffrir. Quand je dis le peuple, je parle de la majorité des gens mais il y a toujours une petite minorité de gens qui réfléchit et qui a à coeur l'avenir de ses enfants et son propre avenir. Ces gens-là pensent à l'avenir de leur famille avant tout. La politique, pour cette partie de la population, est comme un match de foot qu’elle regarde un peu à la télé. En termes de maturité politique, le peuple est en train de souffrir et l'élite politique encourage cela et c'est dommage.
Croyez-vous que ces rassemblements arrivent à convaincre, électoralement parlant ?
Il y a des partis politiques qui, quand ils font un congrès dans un endroit, y importent leurs partisans. Ils dépensent beaucoup pour faire venir ces derniers. Ce n'est pas un mouvement de coeur des partisans qui viennent comme durant les années de braise pour suivre le MMM ou le PTr, ou encore comme ceux qui suivaient Duval à l'époque, par exemple. Maintenant, ce n'est pas le peuple qui vient. C’est l'élite politique qui va chercher le peuple chez lui, lui demande de venir, l’emmène dans des bus et lui donne du briyani. On ne peut pas compter sur ce peuple-là. Il y aura toujours un petit groupe qui va se laisser berner par tout ça. Mais qui n'a pas tort. Il faut dire aussi qu'il n'y a pas d'alternative. C'est une situation un peu défaitiste pour la politique mauricienne, l'avenir de notre pays et notre société. C'est extrêmement grave et dangereux. Le pays est assis sur un volcan. Et à n'importe quel moment, une étincelle peut mettre le feu au poudre et tout éclater. L'élite politique est responsable de cette situation. Pas seulement le gouvernement mais l'élite politique en général...
Et que faudrait-il faire, selon vous, pour rectifier le tir ?
Il y a une contradiction à Maurice. Il faut compter sur un parti politique traditionnel pour changer le système dans notre pays. Les petits partis, les nouveaux, ne vont jamais remporter les élections. Il faut donc compter sur un parti traditionnel ou une alliance de partis traditionnels, qui voudrait bien changer, pas tout le système parce que c'est pratiquement impossible, mais quelques éléments. Par exemple, moi, ma thèse, c'est qu'il faudrait changer quelques articles dans la Constitution de Maurice pour amener moins de concentration de pouvoir dans la main d'une seule personne ou d'un parti politique. Parce que notre Constitution est fondée sur le fait que le pouvoir appartient aux partis politiques qui gagnent les élections. Puisque le leader contrôle le parti d'une façon autocratique, dictatoriale, le système du gouvernement est donc basé sur une seule personne qui a une concentration de pouvoir à Maurice. C'est la thèse que je défends, j'écris sur la concentration de pouvoir dans la Constitution et je compte publier mes écrits un jour. C'est le plus grand mal que je trouve dans la Constitution de Maurice. Je pense que si on commence par ça, amender la Constitution, rien que dans ces articles qui consacrent la concentration du pouvoir, ce sera un pas en avant.
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