Publicité

La police tire sur Swaley Simanarain et déclenche la colère

26 mai 2014

Swaley Simanarain se trouve actuellement aux soins intensifs suite à sa blessure par balle.

C’est une femme rouge de colère que nous avons rencontrée dans l’enceinte de l’hôpital Jeetoo, le jeudi 22 mai. Georgia Simanarain, 18 ans et mariée à Mohammed Swaley Simanarain, 26 ans, habitant Chebel, ne pouvait contenir sa fureur après ce qui s’était passé dans la journée. Quelques heures plus tôt, aux alentours de 11h30, lors d’une opération policière dans la région de Chebel Branch Road, son époux Swaley a été blessé par balle après qu’un des policiers qui l’avaient arrêté pour un contrôle a tiré sur lui. Auparavant, les deux membres de l’Emergency Rescue Service auraient saisi du gandia qui se trouvait sur lui. Mais la situation n’aurait pas tardé à dégénérer.

Selon le service de presse de la police, Swaley Simanarain était en compagnie d’un autre individu à bord d’une motocyclette lorsque les deux policiers leur ont demandé de s’arrêter pour un contrôle. En fouillant les deux hommes, les agents auraient retrouvé du gandia dans un sac qui était en leur possession. C’est à ce moment-là que Swaley Simanarain et son ami seraient devenus agressifs et auraient assené des coups de casque aux policiers et les auraient menacés avec un couteau (voir hors-texte). L’un de policiers a alors sorti son arme de service et fait feu sur Swaley Simanarain.

Blessé à la jambe, ce dernier a été transporté d’urgence à l’hôpital Jeetoo, Port-Louis, où il a été admis aux soins intensifs, alors que son ami avait pris la fuite. L’hélicoptère de la police a alors été mis à contribution en vue de retrouver le deuxième homme qui était toujours recherché par la police à l’heure où nous mettions sous presse.

Véritable cauchemar

Depuis cet épisode dramatique, Georgia Simanarain, l’épouse de Swaley, ne décolère pas. Pour elle, une chose est sûre : «Mon mari a été arrêté parce qu’il est un rasta !» La jeune femme avance aussi une autre version de ce qui s’est passé lors du fameux contrôle. «J’ai parlé à mon mari. Il m’a expliqué ce qui s’est passé. Il m’a dit qu’un véhicule de la police a foncé droit sur eux et qu’ensuite, des policiers ont commencé à les tabasser, son ami et lui. Ils se sont défendus. Il n’y avait pas de gandia sur eux, encore moins d’arme tranchante. Mon mari est quelqu’un de très calme qui ne ferait de mal à personne.

 

Doris Sagor et sa belle-fille Georgia Simanarain, ici dans l’enceinte de l’hôpital Jeetoo, crient leur révolte.



C’est faux de dire qu’il est agressif. On l’a malmené tout simplement parce qu’il porte des dreadlocks. Kouma la polis trouv enn rasta, kouma dir zot pe trouv pie gandia», clame avec force Georgia Simanarain. Sa révolte ne connaît pas de limite depuis la fusillade : «Que se serait-il passé s’il avait trouvé la mort ? La police aurait-elle subvenu à mes besoins et à ceux de mes enfants ? Mon mari souffre le martyre à présent. La balle a transpercé sa jambe. Il ne pourra pas reprendre le travail de sitôt. Comment je vais faire pour faire vivre ma famille ? Je ne travaille pas.»

Doris Sagor, la maman adoptive de Swaley, ne digère pas non plus ce qui est arrivé à ce dernier. «Mon fils est sous perfusion. Il a deux enfants âgés de 3 ans et six mois. Li travay gramatin pou so fami manze tanto. Je ne sais pas combien de temps il sera alité. On l’accuse de quelque chose qu’il n’a pas fait», pleure Doris Sagor.

La vie des proches de Swaley Simanarain, poursuit-elle, est complètement chamboulée depuis cette affaire, d’autant qu’ils disent avoir vécu un véritable cauchemar par la suite, quand des policiers ont débarqué chez eux, à Cité Chebel, pour une fouille. «Ils sont venus et n’ont même pas présenté de mandat. Lorsqu’on a cherché des explications, ils se sont montrés violents envers des membres de notre famille et se sont même servis de gaz lacrymogène», affirme Doris qui ne peut contenir ses larmes.

Selon elle, Marabelle Sagor, sa belle-fille, aurait été giflée par un élément de la force policière ainsi que sa voisine, Sharlène Legentil, enceinte de six mois (voir hors-texte). «Au moment où ces femmes se faisaient agresser, un voisin a entendu des cris et a voulu savoir ce qui se passait. Il a tenté de s’interposer pour calmer les esprits. Mais il a été roué de coups et a été arrêté», déclare  Sylvio Sagor, l’époux de Doris. L’homme en question est un dénommé Mike Jocelyn, 38 ans, un habitant de la localité. Sa famille affirme qu’il aurait été arrêté injustement dans le cadre de cette affaire et que la police se serait aussi acharnée sur lui parce qu’il porte des dreadlocks (voir hors-texte).

En tout cas, Doris Sagor, persiste et signe. «Swaley est quelqu’un de très calme. Je l’ai adopté alors qu’il avait environ 16 ans. Il ne connaît pas son père. Sa mère, quant à elle, vit à Agaléga. Je l’ai élevé. Il a été au collège et a même suivi des cours dans une école technique», explique Doris qui défend Swaley Simanarain bec et ongles. Maintenant, elle n’attend qu’une chose : que justice soit rendue à son fils.

 


 

 

Perquisition au domicile  des Simanarain


Marabelle Sagor et Sharlène Legentil : «La police nous a giflées»


Elles sont révoltées. Marabelle Sagor, 19 ans, et Sharlène Legentil, 21 ans, allèguent toutes deux avoir été brutalisées par la police. «J’étais chez ma sœur Georgia, peu après qu’on ait tiré sur Swaley, quand la police est arrivée. Ils étaient une vingtaine et sont entrés sans présenter de mandat. Je leur ai expliqué que ce n’était pas possible qu’autant de policiers entrent dans la maison. L’un d’entre eux n’a pas digéré cette remarque et m’a giflée», confie Marabelle Sagor, tenant sa fille de 2 ans dans les bras.


Ce n’est pas tout, dit-elle. «Un policier m’a dit que si je continuais à parler, il allait me faire pleurer ainsi que mon bébé et qu’il allait me faire enlever car il savait où je travaillais. Je ne me sens plus en sécurité. Il m’a même intimé de ne pas me présenter en cour, au cas contraire il m’arriverait malheur», soutient Marabelle Sagor, visiblement traumatisée par les événements.

 

Les deux femmes ont porté plainte à la Human Rights Commission.


Sa voisine Sharlène Legentil, enceinte de six mois, aurait également été victime de brutalités policières ce jeudi-là. Elle revient sur ce qu’elle qualifie de «véritable drame». «J’avais entendu à la radio que la police avait fait feu sur un dénommé Swaley habitant la localité. J’ai tout de suite fait le lien avec mon voisin. J’ai couru à son domicile. Environ cinq minutes après mon arrivée, la police a débarqué et a malmené Marabelle. J’ai tenté de m’interposer. Mais un policier m’a également giflée et m’a poussée par terre alors que je suis enceinte de six mois. Par la suite, je suis allée porter plainte au poste de police de Coromandel mais on m’a conseillée de me rendre à la Human Rights Commission. J’y suis allée le vendredi 23 mai pour déposer ma plainte, accompagnée de Marabelle qui a fait la même démarche», précise-t-elle.


Les deux femmes sont déterminées à aller de l’avant avec cette affaire. «Alors qu’on se faisait agresser, un habitant de la localité a entendu nos hurlements. Il s’est précipité pour voir ce qui se passait. Je lui ai dit qu’on avait été malmenées par la police. Il a tenté de leur faire entendre raison. Mais les policiers se sont acharnés sur lui, l’ont traîné par terre et l’ont battu à coups de matraque. La police a même utilisé du gaz lacrymogène. Mon neveu d’un mois et demi a dû être admis à l’hôpital Jeetoo à cause de cela. Heureusement qu’il a été autorisé à rentrer chez lui par la suite», déclare Marabelle Sagor. La Human Rights Commission enquête pour faire la lumière sur cette affaire.

 


 

Mike Jocelyn arrêté par la police


Sa femme Natacha : «Mon époux a vécu un vrai calvaire»


Pourquoi lui ? C’est la question que se pose Natacha Jocelyn depuis que son époux a été arrêté par la police, le jeudi 22 mai. Son arrestation serait-elle liée au fait qu’il porte des dreadlocks ? En tout cas, c’est la thèse que privilégie Natacha Jocelyn, mère de deux enfants âgés de 17 et 6 ans. «La polis inn dir rasta inn bat gard ek ki zot inn vini pou bat rasta», dit la jeune femme qui ne mâche pas ses mots. Elle revient sur l’agression alléguée de son mari. «J’ai appelé mon mari juste après que la nouvelle de la fusillade s’est répandue comme une traînée de poudre dans la localité. Lorsque je l’ai appelé, il était en chemin et venait me voir. Je me trouvais non loin du terrain de foot de la région. Mais en cours de route, il a entendu les cris de ces femmes et s’est précipité pour voir ce qui se passait. C’est alors que la police l’a brutalisé. Il n’était pas en compagnie de Swaley quand ce dernier a été contrôlé, comme on a essayé de le faire croire. Il n’a rien à voir avec cela. Il a simplement essayé de venir en aide à ces deux femmes. Mon mari est quelqu’un de juste. Mais on l’a frappé parce qu’il est un rasta. La police s’est vengée sur lui», affirme Natacha Jocelyn.

 

Natacha Jocelyn allègue que son époux Mike a été victime de brutalités policières.


Elle poursuit son récit : «La police l’a traîné par terre et l’a battu à coups de matraque. Il a vécu un calvaire, ce, alors même que des habitants de la localité filmaient la scène. On l’a tellement frappé que ses cheveux ont été arrachés. Les policiers l’ont emmené derrière un temple de la localité où il a été de nouveau roué de coups. Plus tard, nous l’avons cherché dans plusieurs postes de police de la région, en vain. On a même été le chercher aux Casernes centrales. Ce n’est que vers 19 heures qu’on a su qu’il était au poste de police de Petite-Rivière. Le soir même, il a reçu des soins à l’hôpital Jeetoo avant d’être transféré au poste de police de Stanley», précise notre interlocutrice qui a l’intention de retenir les services d’un avocat pour défendre son mari.

 


 

La police se défend


Commentant la fusillade de Chebel, le service de presse de la police avance qu’il ne s’agissait que de légitime défense. Selon cet organisme, Swaley Simanarain était en compagnie d’un individu, à bord d’une motocyclette, lorsque deux officiers de police leur ont fait signe de s’arrêter. Ensuite, les policiers ont procédé à une fouille et auraient retrouvé du gandia dans le sac d’un des deux individus. Selon le service de presse, le dénommé Swaley Simanarain et son ami se seraient alors mis en colère et auraient agressé les policiers avec leur casque.
Suite à cette violente altercation, l’un des deux policiers de l’Emergency Rescue Service s’est servi de son arme de service pour défendre son collègue qui aurait été menacé par l’un des deux hommes, qui avait un couteau en sa possession. Selon le service de presse de la police, Swaley Simanarain a par la suite pu être maîtrisé alors que son ami a réussi à prendre la poudre d’escampette.


Concernant la descente au domicile des Simanarain peu de temps après la fusillade, le service de presse de la police n’a pas souhaité commenter cette partie de l’affaire. Ce, parce qu’une enquête policière est déjà en cours. La cellule de communication de la police soutient, par ailleurs, que la police a des raisons bien précises d’avoir procédé à l’arrestation de Mike Jocelyn sans toutefois faire plus de commentaire.

Publicité