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Par Elodie Dalloo
31 octobre 2023 12:12
La semaine dernière, Sarah, 32 ans, a choqué plus d’un après avoir publié une vidéo accablante sur les réseaux sociaux. On y voit la jeune femme se faire tabasser violemment par celui qui partageait sa vie depuis 12 ans. En même temps qu’il fait pleuvoir les coups, l’homme l’accuse de lui être infidèle. La scène avait été filmée par son aînée, âgée de 14 ans. Hospitalisée après le drame, Sarah s’est fait la promesse de ne plus retourner avec cet homme après avoir, bien trop de fois, «vu la mort en face». Son compagnon a, quant à lui, été placé en détention. Cette opportunité de se reconstruire et de repartir à zéro comme Sarah, Lalwantee Beerbul, une habitante de Péreybère âgée de 47 ans, ne l’a pas eue. Victime de violences conjugales depuis deux ans, elle a succombé sous les coups de son compagnon le jour même où elle était venue lui annoncer qu’elle mettait un terme à leur relation. Elle vient rallonger la déjà très longue liste des femmes victimes des coups de leur conjoint, jusqu’à y perdre la vie. Elle laisse derrière elle deux fils éplorés, âgés de 27 et 22 ans.
Durant de longues années, Lalwantee Beerbul, plus connue sous le nom de Sarita, a vécu à Grand-Baie avec son époux, ses enfants et les autres membres de son entourage. Il y a environ deux ans, elle a fait la connaissance de David Latour, un habitant de Péreybère âgé de 43 ans, et est allée s’installer avec lui et sa famille à Casa Florida Lane même si elle n’avait pas encore divorcé. «Li ti abitie ale vini, li ti pe kontign vinn get so bann zanfan», lâche sa soeur aînée, Vedna, également domiciliée à Grand-Baie. Néanmoins, sa vie avec cet homme était loin d’être rose. Pour cause, Lalwantee Beerbul s’est rapidement rendu compte que son nouveau compagnon était jaloux et possessif et que sa colère pouvait souvent aboutir à de la violence. Cela n’empêche qu’à plusieurs reprises, elle a lui pardonné ses coups et ses injures, et est restée avec lui.
«Lorsque ma soeur nous rendait visite, elle était toujours couverte de bleus», raconte Vedna, désemparée. Tant de fois, ses proches ont tenté de la raisonner pour la protéger, mais «kouma li bien li ti pe real rest avek misie-la». D’ailleurs, avance la soeur de la victime, David Latour était conscient de l’emprise qu’il avait sur sa compagne et en jouait. «Kan nou ti pe rod intervenir, li ti pe dir nou gete ki nou pou fer, ki mem si nou atas li, mo ser pou retourn ek li. Zame monn resi kompran kifer», lâche Vedna, amère.
À peine quelques semaines avant le drame qui lui a coûté la vie, il y a eu une autre terrible dispute entre sa soeur et David Latour. Hospitalisée après avoir à nouveau été rouée de coups, Lalwantee Beerbul était retournée vivre chez sa famille, à Grand-Baie. Cependant, confie Vedna, «kouma linn korek, linn reale. Mo pa ti kone ki lot kou se so lekor ki pou vini».
Tôt dans la matinée du dimanche 22 octobre, Lalwantee Beerbul, qui avait perdu connaissance, a été conduite à l’hôpital Sir Seewoosagur Ramgoolam, à Pamplemousses, par un dénommé Didier Edouard. Il s’agit du compagnon de la fille de son concubin. Le médecin qui l’a examinée sur place n’a, hélas, pu que constater son décès. D’après ce qu’a déclaré Didier Edouard au personnel de l’hôpital, la quadragénaire se serait retrouvée dans cet état après une chute dans les toilettes. Cependant, lorsque le Dr Shaila Jankee Parsad, médecin légiste de la police, a pratiqué une autopsie, elle a constaté que la victime, qui a rendu l’âme des suites d’une hémorragie intracrânienne, avait également des hématomes sur tout le corps. Elle a, aussitôt, informé le personnel du poste de police de Grand-Baie, soupçonnant un acte criminel.
Le même jour, les limiers ont interpellé les proches de la victime pour un interrogatoire. Ainsi, son concubin David Latour, les deux enfants de ce dernier – William, 19 ans, et Emma, 21 ans –, ainsi que leurs partenaires respectifs – Sephora Jean, 19 ans, et Didier Edouard, 29 ans –, ont été entendus par les enquêteurs de la brigade criminelle de Grand-Baie. Dans un premier temps, ils ont tous donné la version avancée à l’hôpital par Didier Edouard : ils auraient entendu un bruit et se seraient rendu compte que Lalwantee Beerbul était tombée dans la salle de bains, puis elle aurait perdu connaissance. Questionné davantage, David Latour a, toutefois, fini par cracher le morceau. Il a reconnu que le samedi 21 octobre, une dispute aurait éclaté lorsque sa compagne est venue lui annoncer qu’elle le quittait, ne pouvant plus subir ses coups. Il l’aurait alors tabassée une première fois dans leur chambre à coucher, dans la maison qu’ils occupaient à Casa Florida Lane, Péreybère. Puis, tous deux se seraient rendus dans un bungalow à Les Flamants, dans la localité, où David Latour travaille comme gardien. Ils auraient bu quelques verres et discuté, mais l’homme se serait à nouveau emporté lorsqu’il a constaté que sa compagne ne souhaitait pas revenir sur sa décision. Il l’a à nouveau tabassée jusqu’à ce qu’elle perde connaissance.
Aux enquêteurs, David Latour a raconté qu’aux alentours de 4 heures, le dimanche 22 octobre, il a demandé à Didier Edouard de venir les récupérer pour les ramener à la maison. Pris de panique lorsqu’il a réalisé que sa compagne ne réagissait plus, il a demandé à son gendre de la conduire à l’hôpital et a expliqué à son entourage quoi dire si la situation se complique. Au poste de police, les membres de sa famille ont suivi ses directives jusqu’à ce qu’il passe, lui-même, aux aveux. Ses proches ont alors fini par reconnaître qu’ils avaient menti pour couvrir le chef de famille. Le lendemain, soit le lundi 23 octobre, David Latour a comparu devant le tribunal de Rivière-du-Rempart sous une accusation provisoire de meurtre alors que ses proches ont été inculpés de conspiracy to pervert the course of justice. Ils ont été placés en détention policière. Les funérailles de la victime ont eu lieu le même jour.
Bouleversée, Vedna cherche encore à comprendre comment sa petite soeur, qui travaillait comme femme de ménage, a pu connaître une fin aussi atroce. Elle n’arrête pas de repenser à toutes ces fois où la quadragénaire, qu’elle décrit comme quelqu’un de «sympathique, amicale, qui s’entendait bien avec tout le monde et cherchait par tous les moyens à éviter les disputes» a été victime de violents passages à tabac, tout en refusant toujours de mettre un terme à cette relation. «Sak fwa li bat li, nou al rod li pou re-amenn li lakaz, me zame monn konpran kifer li ti pe pardonn li a sak fwa. Ler li ti sorti lopital, li ti revinn res avek nou me linn reale kouma linn korek. Ti fer zis de semenn ki li tinn retourn res ek li.» Malheureusement, le nom de sa soeur est venu s’ajouter à la triste liste de ces femmes maltraitées par leur conjoint… jusqu’aux coups fatals.
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