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Le cadavre d’Andy Manikon retrouvé à proximité d’un abribus à Wooton - Silo, sa mère : «Mo anvi kone kifer inn touy mo garson»

2 octobre 2023

La police a retrouvé la dépouille d’Andy Manikon (en médaillon) à proximité de cet arrêt d’autobus à Wootun.

Elle est rongée par le chagrin et les regrets. Elle n’arrête pas de se dire que si son fils l’avait écoutée ce soir-là et n’était pas sorti comme elle le lui avait demandé, il serait encore de ce monde. Mais maintenant, il est trop tard ! Saviren Manikon, plus connu comme Andy et âgé de 32 ans, est décédé dans de terribles circonstances qui n’ont pas encore été tout à fait éclaircies jusqu’ici. Son corps sans vie a été retrouvé près d’un abribus à Wooton aux petites heures du matin du lundi 25 septembre Il aurait été tué ailleurs avant d’être déposé là par ses meurtriers. Depuis qu’elle a appris l’atroce nouvelle, le monde de Silo, la mère de la victime, âgée de 57 ans, s’est écroulée.

 

Elle n’arrête pas de repenser péniblement aux derniers instants qu’elle a vécus avec son aîné. Le dimanche soir, Andy avait dîné en famille avant de sortir pour aller assister à la veillée mortuaire de son ami Didier Hurrucksing, décédé quelques heures plus tôt suite à un accident de la route à Gros-Cailloux (voir texte à la pg 8). «Mo ti dir li pa sorti sa swar-la», confie l’habitante de Résidence St-Jean, Quatre-Bornes, la voix tremblante d’émotion. C’est comme si elle avait pressenti quelque chose. Mais son fils est quand même parti, allant vers le destin tragique qui l’attendait ce soir-là et la laissant ainsi que toute sa famille dans une détresse sans nom. Randy, le jeune frère d’Andy, est lui aussi terriblement bouleversé par cette tragédie qui lui enlève son frère aîné. Et lui aussi se souvient avec tristesse des derniers moments passés avec lui en ce dimanche soir.

 

Fan de La Fouine

 

«Je viens de me marier civilement. Nous avions tous passé la soirée ensemble dimanche dernier chez ma mère et son compagnon. La nièce de mon épouse, âgée de 2 ans, était avec nous. Mon frère l’a taquinée un peu avant de danser pour nous faire rire. Il nous a ensuite accompagnés jusqu’à ma voiture et m’a dit de ne pas oublier d’acheter ses billets pour le concert de La Fouine. Il est fan de ce chanteur», raconte Randy. La soirée a pris une autre tournure après qu’Andy a reçu un appel téléphonique vers 22 heures, explique Silo. C’est là qu’il lui a annoncé qu’il devait sortir pour se rendre à cette veillée mortuaire dans un autre quartier de Quatre-Bornes : «Ziska ler mo pa kone ek ki sanla lin koze. Li ti vin get mwa dan mo lasam pou dir mwa li pe al lamor so bon kamarad. Mo pa kon sa garson-la ditou. Mon dir li pa bizin li sorti aswar-la. Lin reponn mwa ki li pe zis al fer en letour. Monn les laport deryer ouver an pansan ki li pou retourn lakaz vit.»

 

Lorsqu’elle s’est réveillée vers 6 heures, le lendemain, Silo a constaté que son fils n’était pas rentré de la nuit. Elle a tenté de le joindre au téléphone, en vain. En parcourant les réseaux sociaux par la suite, la quinquagénaire est tombée sur un site d’informations en ligne qui parlait de la découverte d’un cadavre à Wooton mais n’a pas fait le lien : «J’en ai parlé à mon compagnon avant de me remettre au lit.»

 

Quand Randy est sorti pour se rendre au travail vers 9 heures, il s’est douté que quelque chose ne tournait pas rond. «Garson ki ti mor dan aksidan-la res Quatre-Bornes li ousi. Monn pas par laba. Monn telefon mo mama zis apre pou diman li ki veye Andy inn ale alor ki fami-la pa ti ankor gayn lekor; pa ti ankor fer lotopsi. Sete bizar. Lerla mem ki mo mama in dir mwa ki mo frer pankor rantre. Noun kontinye call li enn zourne me nou pan gayn li ditou. Ver 15h30, en ofisie CID Quatre-Bornes ti call mwa pou pran nouvel mo frer», se rappelle Randy.

 

«Toujours pas rentré»

 

À ce moment-là, le jeune homme était loin de se douter que son frère était décédé après avoir été victime d’une agression. «Je lui ai dit que mon frère et moi avions dîné en famille la veille avant de raccrocher. Le policier ne m’a rien dit de plus. J’ai ensuite téléphoné à ma mère pour prendre les nouvelles d’Andy mais il n’était toujours pas  rentré. J’ai cru qu’il avait encore eu des démêlés avec la police. Il avait déjà été condamné à trois ans de prison pour une affaire de drogue. Il nous avait dit qu’il avait été victime d’un coup monté de la part d’un proche qui n’est plus à Maurice. Il avait été arrêté en 2012 sur son lieu de travail. Il s’est rendu en France juste après avoir purgé sa peine de prison afin d’y retrouver son ancienne compagne. Ils ont une fille de 14 ans et un fils de 11 ans ensemble», souligne Randy

 

Vers 16h15, c’est une policière qui a téléphoné à Randy cette fois. «Elle m’a annoncé le décès de mon frère. Elle était chez ma mère à ce moment-là. J’entendais cette dernière pleurer à l’arrière. Je suis alors allé la rejoindre chez elle. Sur place, la policière m’a montré la photo de la dépouille de mon frère à proximité d’un abribus. J’ai eu un choc terrible. Elle m’a, par la suite, demandé de me rendre à la morgue pour procéder à une identification officielle avant qu’un médecin légiste ne fasse l’autopsie du corps», soutient Randy.

 

Ce mardi 25 mars, quand les policiers, alertés, se sont rendus à Wooton vers 4h10, ils ont retrouvé Andy Manikon gisant inconscient et ensanglanté près d’un arrêt d’autobus. Il portait plusieurs blessures. Par la suite, le personnel du SAMU n’a pu que constater le décès du jeune homme. Le rapport d’autopsie indique qu’Andy Manikon a succombé à un «shock due to multiple injuries». Le Dr Gungadin, chef du département médico-légal de la police, a alors orienté les limiers sur la piste criminelle. La Major Crime Investigation Team (MCIT) et leurs collègues de la Criminal Investigation Division (CID) de Curepipe n’ont pas tardé à interpeller quatre suspects dans cette affaire le même jour : un habitant de Cité Alma, à Verdun, âgé de 28 ans, un autre résidant de la localité âgé lui aussi de 28 ans, un homme de 31 ans habitant d’Upper Dagotière et une femme de 23 ans, habitant Pointe-aux-Feuilles, à Quatre-Sœurs. Ils ont tous nié leur implication dans cette affaire. Les enquêteurs ont ensuite perquisitionné leurs maisons respectives sans rien trouver de compromettant. La police a toutefois mis sous scellé une voiture, louée par l’habitant de Cité Alma, pour les besoins de l’enquête.

 

Le lendemain, le 26 septembre, la police a monté une autre opération à Cassis. Une équipe conjointe de District Crime Intelligence Unit (DCIU) et de la CID de la Central Division s’est rendue à la rue Ménagerie pour mettre la main sur une voiture soupçonnée d’avoir été utilisée dans cette affaire. Il s’agit d’une Toyota Axio appartenant à un dénommé Nitin. Interrogé, ce dernier a expliqué aux enquêteurs qu’il avait loué la Japonaise à un certain Olivier Manikion, un habitant de St-Pierre, du 24 au 25 septembre. Les éléments de la police scientifique ont procédé à un examen minutieux de la Toyota. Le Blue Star Test a alors révélé la présence de traces de sang humain dans l’Axio. Olivier Manikion, un soudeur de 36 ans, a été arrêté peu après. Il a nié l’accusation portée contre lui mais a admis avoir été en possession de la Toyota du 24 au 25 septembre. Il a, par la suite, refusé de se soumettre à un exercice d’identification. Il a comparu en cour sous une accusation provisoire de «murder». La police a objecté à sa remise en liberté sous caution.

 

Quatre autres arrestations

 

Les enquêteurs ont arrêté un deuxième suspect le lendemain. Bryan Sardes, un habitant de Pailles de 32 ans, qui s’est rendu de son plein gré au bureau de la CID de Curepipe en compagnie de son avocat, Me Ashwin Kandhai. Il a déclaré être celui ayant conduit Olivier Manikion au domicile du dénommé Nitin, à Cassis, pour louer une Toyota Vitz. Il a nié être impliqué dans l’agression mortelle d’Andy Manikon. Il a toutefois été placé en détention.

 

Après une enquête minutieuse, une équipe conjointe de la DCIU et de la CID de Curepipe s’est, cette fois, rendue sur la route menant à Piton du Milieu. Lors d’une battue dans le coin, les policiers ont recueilli une chaussure appartenant à la victime dans un buisson. Ils ont aussi arrêté une troisième personne dans la soirée : Daryl Quatre-Bornes, un maçon de 35 ans qui habite également à Résidence St-Jean, Quatre-Bornes. Un téléphone portable qu’il avait en sa possession a été saisi pour expertise. Pressé de questions, il a avoué avoir comploté avec un dénommé Donovan pour agresser Andy Manikon. Le Quatrebornais a, par la suite, été placé en détention.

 

Le vendredi 29 septembre, une équipe de la MCIT Sud a procédé à l’arrestation de Donovan Manikion, 27 ans, exerçant comme maçon, et habitant La Sourdine, L’Escalier. Le suspect a été remis à la CID de Curepipe pour la suite de l’enquête et a été traduit en cour de Curepipe ce même jour et ensuite reconduit en cellule policière jusqu’au 6 octobre.

 

Un cinquième suspect s'est constitué prisonnier hier. Il s'agit de Jean Christophe Désiré Fenouille. Cet homme de 28 ans est un habitant de Débarcadère à Poste-de-Flacq. Il fait également l'objet d'une charge provisoire pour meurtre. Il est actuellement détenu au poste de police de Quartier-Militaire. Le suspect se réserve le droit au silence.

 

Selon les premiers éléments de l’enquête, Andy Manikon aurait été victime d’un règlement de compte après avoir eu une violente altercation avec une personne présente à la veillée mortuaire de son ami Didier Hurrucksing. Ce dernier aurait fait appel à des gros bras pour s’en prendre à lui. Une bande l’aurait ensuite kidnappé pour l’agresser avant de l’abandonner à son sort à Wooton.

 

Perplexes

 

Malgré les développements dans cette affaire, Silo et les siens restent perplexes et dans le flou complet quant aux motifs des agresseurs présumés. «Nou pa konn sa ban sispe-la», précise Randy. Pour Silo, une seule chose compte désormais : «Mo anvi konn sirkonstans lamor mo garson. Mo anvi kone kifer inn touy mo garson. Lapolis inn fer bon travay ziska ler. Nou les lazistis fer so travay aster.» Et dire que son fils était revenu au pays depuis seulement quelques mois et qu’elle était très heureuse de profiter un peu de sa présence. En effet, Andy était rentré à Maurice en février pour entamer des démarches afin d’immigrer au Canada. Il avait vécu en France pendant quatre ans et gagnait sa vie là-bas en faisant des petits boulots. Cet ancien scout et ancien employé de la Cargo Handling Corporation était célibataire depuis un moment.

 

Randy, lui, n’arrête pas de pleurer son grand frère, son role model, celui qui l’inspirait et qui avait toujours veillé sur lui. «Nou fami inn perdi enn pilye inportan. Mo frer ti bien sever ek mwa depi lamor nou papa 16 an de sela. Zame mo pann tous sigaret akoz li mem. Li ti touzour la pou ankouraz mwa pou avanse dan lavi. Mo frer ti kapav ena inpe karakter me li pa ti ena lenmi. Se kiken ki ti touzour la pou ed lezot dimoun. Sel zafer ki li ti regrete, se sa case ladrog kot enn fami ti piez li-la. Li ti fini fer so deman Commission de pourvoi en grâce pou rey sa case-la dan so dosye avan fer so papye moralite. Li ti pe atan zis samem avan li al Canada», regrette Randy qui n’a que des mots élogieux envers son aîné. Hélas, le destin en a décidé autrement.

 

Le jeune homme et sa mère comptent sur la police pour connaître les circonstances du drame. Celle-ci poursuit son enquête pendant que les proches d’Andy Manikon pleurent amèrement le décès d’un des leurs, parti dans de terribles circonstances. Ses funérailles ont eu lieu le 26 septembre.

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