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26 avril 2020 22:59
Comment faire quand on a la tête sous l’eau, lorsqu’il n’y a plus de travail et, du coup, plus aucune source de revenu ? Cette question, les Self-Employed l’on retournée dans tous les sens sans pour autant trouver de réponse. Depuis le début du confinement, qui a entraîné l’arrêt brutal de leurs activités professionnelles, ils se rongent les sangs. Le 31 mars, le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, annonçait un Self-Employed Assistance Scheme qui proposait un paiement de Rs 5 100 pour la période du 16 mars au 15 avril. Somme qui est ensuite passée à Rs 2 550 pour la période du 16 au 30 avril. Au 15 avril, plus de 220 000 demandes avaient été enregistrées par la Mauritius Revenue Authority (MRA).
S’ils sont nombreux à avoir salué l’effort du gouvernement, ils sont néanmoins tout aussi nombreux à regretter que la somme proposée ne soit pas suffisante. Pas suffisante pour acheter à manger, payer le loyer et les autres factures de la vie courante. Les self-employed sont au comble du désespoir et une pétition a récemment été lancée en ligne pour faire entendre leur voix. Car depuis le lockdown et, en dépit du soutien financier, les choses vont mal.
Hasnaa Namooya, qui est à l’origine de cette pétition, est propriétaire d’un atelier de couture qui ne fonctionne évidemment plus du tout. Du jour au lendemain, les affaires se sont brutalement arrêtées pour cette jeune femme qui doit quand même honorer un loyer de Rs 9 000 pour son atelier. Comme tout le monde, elle a fait son application et a reçu son versement mais son loan a été immédiatement coupé. «Le gouvernement aurait dû annuler les emprunts, les loyers, les leasings, les factures d’eau et d’électricité pour cette période. La somme de Rs 5 100 était déjà insuffisante et là, Rs 2 550 ! Comment est-ce qu’on va survivre avec ça ?»
L’incompréhension est d’autant plus forte quand elle pense que les entreprises les plus solides financièrement vont aussi bénéficier de l’aide du gouvernement. «À côté, vous avez des entreprises qui ont déjà de grosses réserves financières, comme les supermarchés qui s’enrichissent sur le dos des consommateurs en vendant plus chers, qui vont avoir de l’aide pour payer leurs employés alors que des milliers de self-employed ne savent plus quoi faire pour s’en sortir. Ce n’est pas juste.»
Chez tous les self-employed, la détresse, la peur et la crainte sont omniprésentes. Jean Marc Fangoo est tôlier. En 28 ans de métier, il n’a jamais vécu pareille situation. Bosseur, il a toujours compté sur son dur labeur pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille. Mais le Covid-19 est venu tout chambouler. Aujourd’hui, il ne dépend plus que de l’aide du gouvernement. Une situation extrêmement douloureuse. «Jamais je n’aurais pensé vivre ça. Cet argent qu’on nous donne n’est clairement pas assez. Si on le divise, ça ne nous fait même pas Rs 200 par jour. Nous, les self-employed, nous n’avons jamais été reconnus et ça continue aujourd’hui.»
Swatee Bon a, elle, perdu le sommeil. Dans sa voix, sa détresse est palpable. Le quotidien de celle qui s’est lancée dans la décoration murale depuis 2018 se résume désormais à kase ranze. Mère célibataire de deux enfants, elle a du mal à joindre les deux bouts. Certes, cette somme de Rs 5 100 est arrivée comme un soulagement mais ça n’a pas duré longtemps. Les charges l’ont vite engloutie. Le van scolaire et la garderie à payer, les courses à faire et la somme s’est volatilisée. «J’ai pu acheter des couches et du lait pour mon bébé d’un an. J’ai pris quelques provisions aussi. Pas grand-chose. J’ai trouvé du poulet Tantine à Rs 50. C’était tout ce que je pouvais payer. Je le fais cuire au tempo et on se débrouille avec. Je n’ai pas pu payer l’eau et l’électricité. Je peux vous dire qu’il ne me reste plus rien.»
Si elle est reconnaissante de l’aide du gouvernement, elle sait néanmoins qu’elle devra continuer à tirer le diable par la queue dans les semaines à venir. Une perspective douloureuse qui fait naître chez elle un sentiment de colère. «J’essaie de comprendre la logique du gouvernement mais j’ai du mal. On se noie et vous avez des entreprises florissantes qui profitent de l’aide de l’État. Je ne comprends pas.»
Anas Lalmahomed partage le même état d’esprit. Lui qui est peintre depuis 13 ans ne voit pas comment il pourra s’en sortir avec Rs 2 550. Hanté par les mêmes questions, il se demande comment il va faire pour nourrir ses deux enfants. «J’ai peur pour l’avenir. Même après le confinement, les choses ne s’arrangeront pas. Les gens ne penseront pas à peindre leur maison. Le travail va manquer et l’argent ne rentrera pas.»
Comme pour lui, toutes les activités professionnelles de Vina Chataroo, une couturière, sont à l’arrêt. Toutes les commandes en cours ont été annulées. «Tout est bloqué. L’argent ne rentre plus. J’avais des commandes pour des mariages mais les clients m’ont dit de tout arrêter car ils ne savent pas s’ils vont aller de l’avant.» Pour elle, les problèmes s’accumulent. Son application pour l’aide gouvernementale a été faite le 1er avril et elle n’a encore rien reçu, soupire-t-elle. De plus, son mari, qui est chauffeur de taxi, est aussi en chômage technique. Pour le moment, ils puisent dans leurs économies mais celles-ci ne vont pas durer bien longtemps. Manraj Saulick, waterproofer, et son épouse Hansha sont dans le même dilemme. Les économies s’épuisent et les charges, elles, s’accumulent. Les Rs 2 550 promises par le gouvernement ne leur offrent pas une planche de salut. «Nous avons un loyer à payer. Le propriétaire ne nous fait pas de cadeau. Il faut acheter de quoi manger et tout est cher. Je ne sais pas comment on va faire pour s’en sortir.» Aujourd’hui, ils sont inquiets face à un avenir qui s’annonce flou.
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