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Le Dr Jonathan Ravat, anthropologue et directeur de l’Institut Cardinal Jean Margéot (ICJM) : «Toute cette affaire de "Missie Moustass" ne peut pas laisser la population indifférente» 

Avec toute la tension provoquée par les Moustass Leaks, une ambiance particulière pèse sur ces élections. Le Dr Jonathan Ravat, détenteur d’un doctorat en anthropologie des religions, revient sur cette actualité et sur son incidence sur les Mauriciens...

Quel est votre regard de professionnel sur toutes les tensions provoquées par l’affaire Missie Moustass, tout ce qu’il y a eu durant la campagne électorale et qui pèsent sur la journée d’élection aujourd’hui ?

 

Un peu comme hérité de notre histoire, un des sports nationaux, si je peux le dire, dans notre civilisation mauricienne, c’est bien la politique et, particulièrement, les élections générales. À plus forte raison, parce que les élections générales vont nous permettre de désigner finalement ce monarque que nous avons fabriqué un peu à partir de notre histoire et de notre système, qui est le Premier ministre. Je suis conscient que c’est un peu bizarre de parler de monarque, mais c’est bien ça. À partir de notre histoire et de notre système, nous avons fabriqué une concentration de pouvoir dans les mains d’un Premier ministre, avec sa cour qu’on appelle le gouvernement. Et donc, quelque part, une élection générale, c’est un grand rendez-vous que le peuple a avec lui-même, et avec l’espace et le temps, pour finalement soit reconduire le monarque ou soit le changer. Ça suppose un grand enthousiasme et une excitation. À plus forte raison car nous sommes aujourd’hui en train de vivre les contours du 21e siècle.

 

C’est-à-dire ?

 

Le 21e siècle se démarque du 20e siècle par les technologies de l’information et de la communication (TIC), avec tout ce que ça suppose en matière de digital et de TIC. Ce qui fait qu’aujourd’hui, nous sommes à la fois connectés avec le monde et en plus, nous sommes plus connectés avec nous même, par les réseaux, les uns avec les autres, avec les nouvelles, avec les actualités, dans tous les sens du terme. Ça suppose aussi toute la question des scandales, à plus forte raison quand on regarde ces scandales par les TIC à la manière d’une série qu’on peut trouver sur les chaînes satellitaires ou Netflix. Je dirais donc que l’ambiance est doublement, sinon triplement électrique.

 

Et cela joue comment sur les électeurs ?

 

Je crois quelque part que toute cette affaire de Missie Moustass ne peut pas laisser la population indifférente. Que l’on soit pour ou contre, dans tous les cas, avec les Moustass Leaks, il y a quand même une réaction. Je crois que l’affaire Missie Moustass ne peut pas ne pas avoir d’impact, que l’on croit ou pas qu’on ait écouté un peu ou intégralement. À mon avis, on ne peut pas aller aux urnes aujourd’hui comme si on allait passer outre ce phénomène-là. Je crois que l’affaire Missie Moustass impacte la psyché des Mauriciens. 

 

Tout ce qui est dit autour des enregistrements de Missie Moustass touche beaucoup à l’harmonie sociale du pays. Est-ce que c’est dangereux ?

 

Il ne faut jamais tenir pour acquis que notre vivre-ensemble, notre savoir-vivre, notre tissu social, notre harmonie coulaient de source. Qu’il n’y ait pas de problème, que c’est totalement solide, construit, à l’abri de tout, et qu’il faut prendre les choses pour acquis. On a besoin, tout le temps, de rester vigilants, en veille. Du coup, notre harmonie sociale n’est pas à l’abri par le biais de ces mêmes réseaux virtuels. Autant nous pouvons être connectés les uns aux autres, autant nous pouvons aussi attiser une tension et nourrir une méfiance aujourd’hui et une haine demain. Il ne faut pas faire l’autruche. Notre société est une société plurielle. Quand je dis plurielle, ce n’est pas seulement en termes de religion, mais aussi en termes de cultures, de langues et de traditions ainsi qu’en termes d’opinions, d’opinions idéologiques, politiques, footballistiques, etc. Il faut assumer cette pluralité. Cette pluralité est une facette de cette civilisation mauricienne que nous devons tous protéger.

 

Nous avons besoin de la promouvoir, de l’honorer. Il faut absolument protéger notre bien le plus précieux : notre bien commun. Ce n’est pas simplement qu’on se supporte, qu’on se tolère, qu’on est l’un à côté des autres. Dans la notion des biens communs, ça veut dire : qu’est-ce que, ensemble, nous décidons de reconnaître comme étant notre bien le plus précieux ? Notre bien commun suppose dans son ADN que l’on soit ensemble et qu’on soit mobilisés ensemble. C’est la raison pour laquelle ce n’est pas malsain d’avoir des différences et des différends, et qu’au-delà de ça, à partir de notre différence, nous continuons à construire cette civilisation mauricienne. Voilà pourquoi, il faut absolument avoir les yeux rivés vers ce projet commun, vers cette civilisation mauricienne qu’il convient tout le temps de construire.