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Le drame du «bébé décapité» à l’hôpital de Pamplemousses - Vicky Ram : «Nou rev inn transform an kosmar»

20 avril 2021

Le couple avait déjà choisi le prénom de Prishtee pour sa petite princesse.

Pour une mère, perdre son enfant, c’est comme se perdre soi-même. Ce n’est pas Sweta Seeneevassen qui dira le contraire. Cette jeune femme de 25 ans souffre le martyre depuis qu’elle a perdu son bébé dans des circonstances horribles. Alors que son époux Vicky Ram et elle avaient déjà choisi le doux prénom de Prishtee pour leur premier enfant et avaient déjà commencé à tout préparer pour l’accueillir, un drame est venu tout changer. Les privant à jamais du bonheur d’avoir à leurs côtés leur petite princesse tant désirée et attendue.

 

«Se enn rev kinn transform an kosmar pou mo madam ek mwa», se lamente Vicky, la voix cassée par l’émotion. En ce jeudi 15 avril, ce jeune homme de 34 ans vient de rentrer chez lui à Mon-Goût après les funérailles de son petit ange quelques heures plus tôt au cimetière de Bois-Marchand, dans des conditions très difficiles en raison de la situation sanitaire dans le pays. La dépouille avait quitté directement la morgue de l’hôpital de Pamplemousses où Sweta avait été emmenée en ambulance afin qu’elle puisse prendre sa fille dans ses bras pour la première et dernière fois, et contempler son visage pendant quelques minutes avant de repartir dans la salle où elle est admise dans le même hôpital.

 

Fondre en larmes

 

«Wi, se enn rev kinn transform an kosmar pou nou», répète encore Vicky en pensant aux circonstances troublantes entourant le décès de sa fille. Et dire que son épouse et lui avaient déjà commencé à tout préparer pour la venue de leur petite fille. Le trentenaire, qui collectionne les petits boulots, avait, avec l’argent obtenu du Wage Assistance Scheme de la MRA, récemment acheté une armoire ainsi qu’un matelas pour le berceau de son bébé. Le jeune couple avait également déjà acheté les vêtements de sa princesse. Aujourd’hui, en pensant à tout cela, Vicky ne peut s’empêcher de fondre en larmes.

 

Puis, tout s’est effondré. Dans la soirée du 12 avril, vers 23 heures, le couple s’est rendu en urgence à la maternité car Sweta avait des contractions et des douleurs atroces au ventre, alors qu’elle en était seulement à son septième mois de grossesse. Peu après leur arrivée dans l’enceinte de l’hôpital de Pamplemousses en taxi, le personnel soignant a demandé à Vicky d’attendre à l’extérieur. «Ti ena zis bann nurse ek enn midwife. Pa ti ena dokter spesialis laba dan sa ler-la. Dr Dassaye-la ti on call li», explique-t-il.

 

Selon le jeune homme, il était déjà convenu que sa femme accoucherait par césarienne car elle avait eu plusieurs complications durant sa grossesse. À un moment de la soirée, une sage-femme est venue le voir pour l’informer que son épouse allait accoucher incessamment. «Puis, on m’a demandé de signer un consent form pour une césarienne vers 00h45. Peu après, le Dr Dassaye est venu vers moi et m’a dit que notre bébé est mort après avoir été asphyxié par le cordon ombilical», confie Vicky avec douleur.

 

Le gynécologue lui a aussi déclaré que le col de l’utérus de son épouse ne s’était pas ouvert, que la tête de leur fille était coincée à l’intérieur et qu’il fallait faire une césarienne pour enlever le bébé. «J’ai alors demandé à ce médecin si je pouvais voir mon bébé ensuite. Il m’a demandé d’attendre un peu. Après un moment, une Maid m’a montré la dépouille de mon bébé. Son petit corps était dans un sac en plastique placé sur un plateau en métal. J’ai alors eu un choc immense. La tête était séparée du corps», s’indigne Vicky qui a porté plainte à la police le 14 avril ; il accuse le personnel soignant de négligence médicale. L’autopsie, pratiquée le même jour, a révélé que la petite Prishtee a succombé à une asphyxie à la naissance.

 

Le papa de l’enfant, lui, ne lâche pas prise. «Tout d’abord, mon épouse n’aurait jamais dû accoucher par voie basse car elle a eu des complications pendant sa grossesse», argue-t-il. Sweta savait qu’elle devait faire une césarienne étant diabétique depuis l’âge de 12 ans. «Nou ti fini kone ki bizin fer sezarienn. Ti fini dir li sa. La get kinn ariv nou. Dr Dassaye pe dir ki mo madam ti deza pe gagn baba kan linn arive. Li ousi dir ki linn zis retir latet baba dan vant. Mo anvi kone ki sann-la inn dekapit latet mo zanfan.» D’autres propos tenus par le Dr Dassaye lui restent en travers de la gorge. «Dokter-la pe met sa lot le fe ki mo zanfan ti prematire, me dokter la polis kinn fer lotopsi inn dir mwa li ki tou ti bon ek mo baba. So lame ek lipie ti fini bien forme», soutient Vicky.

 

Il explique que son épouse a aussi fait face à d’autres difficultés pendant la grossesse. Selon lui, le premier médecin, qui avait fait une échographie avec son épouse, leur avait dit qu’il y avait «enn problem dilo dan vant». Celui-ci leur avait toutefois fait comprendre par la suite que «tou inn korek». Lors d’une deuxième échographie, le couple avait, cette fois, appris que son bébé avait une malformation. «Dokter ti dir nou ki sex baba pann forme me apre sa linn dir tou korek», se souvient Vicky.

 

Le jeune homme attend la fin des rites funéraires pour tirer toute cette affaire au clair et décider de la marche à suivre. «Mo pou atann servis 40 zour fini pou fer bann demars pourswit.» Il a retenu les services des Mes Anoup Goodary, Laksh Rampat et Deena Bhoyroo. Son épouse a, elle, retenu les services des Mes Sanjeev Teeluckdharry et Rama Valayden. Il est prévu qu’elle fasse sa déposition à la police ce samedi 17 avril. Concernant des articles de presse qui circulent concernant l’implication de Vicky dans une agression mortelle il y a quelques années – l’affaire est devant la justice –, il ne veut faire aucun commentaire dessus pour le moment. «Je souhaite me concentrer sur cette présente affaire et obtenir la justice pour mon bébé.» Un bébé parti dans des circonstances tragiques et qui manquera à jamais à ses parents.

 

Le Dr Dassaye : «Je n’ai rien à me reprocher»

 

Le gynécologue qui a procédé à l’accouchement controversé de Sweta dans la soirée du 12 avril récuse les accusations de négligence médicale. Il dit également être très serein concernant cette affaire. «Je n’ai rien à me reprocher car j’ai fait une very clear operation», martèle le Dr Salickram Dassaye. Il souligne qu’il s’est déjà expliqué face au Regional Health Director de l’hôpital de Pamplemousses dans le cadre d’une enquête départementale. Il se prépare à en faire de même devant le Medical Negligence Standing Committee ainsi qu’à la police suite à la plainte déposée par Vicky Ram. «Je maintiens qu’il n’y a pas eu de négligence», affirme le Dr Dassaye.

 

Selon lui, le bébé était déjà mort lorsque sa mère est arrivée à la maternité. «Je devais faire une hystérotomie, qui est une incision de l’utérus, pour pouvoir extraire ce bébé prématuré pesant 1,2 kg, qui était coincé dans le corps de sa maman. Le bébé s’était asphyxié avec le cordon ombilical qui s’était noué à trois reprises autour de son cou. Finalement, j’ai opté pour une césarienne. J’ai dû agir très vite pour sauver la vie de la maman. Les parents étaient au courant de la situation. Le papa a d’ailleurs signé un consent form avant mon intervention. Il savait ce que j’allais faire. C’est dans le dossier.»

 

Selon le Dr Dassaye, le col de Sweta était déjà dilaté à plus de 4 cm lorsqu’elle est arrivée à l’hôpital. «Letan ti pe zwe kont nou parski travay-la ti fini koumanse. Latet baba ti pli gro ki so lekor. Latet baba-la inn dekapite kan kol madam-la inn ferme lor so likou. Si mo pa ti azir vit, mama-la ousi ti kapav mor. Li ti fini koumans perdi dilo depi avan. Baba-la pa ti stab depi avan mem. Madam-la ek so misie ti kone ki ti ena risk malformasion. Ena tousala dan mo rapor. Akoz tousala mem ki mo dir ou ki monn fer tou seki mo kapav pou sov lavi madam-la sa swar-la.»

 

Le Medical Negligence Standing Committee enquête

 

Le ministère de la Santé est allé très vite en besogne. Après avoir eu vent des allégations de négligence médicale formulées par le couple Ram, le Regional Health Director de l’hôpital de Pamplemousses a initié une enquête départementale. Il a déjà soumis ses conclusions au ministère qui a, par la suite, référé le cas au Medical Negligence Standing Committee pour une enquête approfondie. Le service de presse dudit ministère souligne que ce comité est un «independent body». Cette instance a la responsabilité de mener une «further enquiry following alleged case of medical negligence regarding a stillbirth on 12 April 2021». Le service de presse de la Santé explique qu’il y a une explication médicale pour cet accouchement très controversé mais n’a pas souhaité faire d’autres commentaires pour ne pas pervertir le cours des enquêtes instituées sur cette affaire.

 

La ministre Kalpana Koonjoo-Shah soutient le couple

 

La ministre de l’Égalité du genre et du bien-être de la famille n’est pas restée insensible à la douleur de Sweta et de Vicky. Kalpana Koonjoo-Shah a décidé de soutenir ce couple après qu’elle a pris connaissance du drame qu’il vit. C’est ce que son service de presse nous a déclaré. Une équipe de son ministère, comprenant des officiers et des psychologues, va leur apporter un soutien moral afin de surmonter cette terrible épreuve. 

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