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28 mars 2016 03:56
Ence jeudi saint, Steve et Angélique Matombé s’apprêtent à se rendre au cimetière pour déposer des fleurs sur la tombe de leur fils Cédric. C’est ce qu’ils font depuis un peu plus de cinq ans, pour toutes les fêtes et autres occasions. Une façon de dire «je t’aime»à leur enfant décédé et d’apaiser un peu leur cœur à jamais meurtri. Mais jeudi dernier, le couple a dû annuler cette sortie à cause du mauvais temps qui prévalait dans le Sud. «Je pense que c’était un signe de Dieu. Il avait réservé une bonne nouvelle pour nous», confie Angélique, d’une voix remplie d’émotion.
Le couple et ses enfants Clyve, 26 ans, Carine, 24 ans, et Grégory, 17 ans, ont appris, en ce 24 mars, que Ferino Calou, le meurtrier de Cédric, a été condamné aux assises à 33 ans de prison pour cet assassinat et à 10 ans de prison pour le viol de la petite amie de l’adolescent. Des peines qu’il va purger en parallèle. Si cette décision met un peu de baume au cœur de cette famille, elle sait que cela n’atténuera pas sa souffrance. «Mais au moins, ça nous aidera à faire notre deuil», confie Steve.
Car justice a été rendue, même si ce n’est pas tout à fait ce qu’attendaient les proches du jeune homme. «Nous sommes satisfaits que Ferino Calou a été condamné, mais nous estimons qu’il mérite plus, beaucoup plus. Nous aurions dû ressentir un plus grand soulagement, d’autant que ce jugement est tombé durant la semaine qui a précédé Pâques, le jour du jeudi saint, mais nous sommes déçus de la sentence. Ce qu’il a fait subir à mon fils est tellement odieux», s’insurge ce père meurtri à jamais.
La vie des Matombé a complètement basculé le 7 novembre 2010, jour où le corps sans vie de Cédric, 17 ans, a été retrouvé sous un monticule de pierres, dissimulé sous de la paille et autres feuilles sèches dans un coin retiré de la plage du Bouchon.
Le jeune habitant de Plaine-Magnien se trouvait sur cette plage en compagnie de sa petite amie, âgée elle aussi de 17 ans, quand Ferino Calou, un récidiviste notoire de la région, a surgi et a agressé l’adolescent avec un pied-de-biche (pins kulu), avant de violer sa copine. Le malfrat a ensuite tenté d’étrangler la jeune fille, mais celle-ci a eu la vie sauve grâce à des passants qui sont intervenus pour lui porter secours. Toujours très traumatisée par ce qu’elle a vécu, elle se refuse à tout commentaire.
Arrêté, le suspect a d’abord été poursuivi pour assassinat et viol. À l’appel de son procès aux assises en novembre dernier, il a plaidé coupable. Mais lorsque le procès a été pris sur le fond le mardi 1er mars, la charge d’assassinat a été réduite à celle de meurtre. Ce qui a profondément révolté la famille Matombé. D’ailleurs, Angélique avait fait part de son mécontentement dans nos colonnes à ce moment-là. Et maintenant que le jugement est tombé, outre de désapprouver la sentence, les parents de Cédric s’élèvent aussi contre le fait que Ferino Calou va purger 33 ans de prison pour avoir tué leur fils et 10 ans de prison pour le viol de sa petite amie en parallèle. D’autant que Ferino Calou a déjà passé 1949 jours en détention (un peu plus de cinq ans), ce qui sera déduit de son temps d’emprisonnement.
Tout cela dépasse les Matombé.«Il a avoué avoir suivi mon fils et sa copine, puis être retourné chez lui pour prendre le pied-de-biche avec lequel il a tué mon fils. Je ne comprends pas comment la charge a pu être réduite alors qu’il y a eu préméditation. C’est vraiment incroyable ; il va purger les deux peines en même temps et les jours qu’il a déjà passés en détention seront déduits des 33 ans. Il mérite la peine maximale. Il est encore jeune. Il va s’en sortir avec cette peine d’emprisonnement écourtée, alors que ma famille et moi allons devoir vivre uniquement avec la photo de mon fils», s’insurge Steve en désignant la photo de Cédric accrochée au mur du salon familial trois ans après sa disparition subite. Auparavant, la famille ne se sentait pas la force de regarder ne serait-ce qu’un cliché de l’adolescent disparu.
Angélique Matombé ne peut pas admettre non plus que le meurtrier ait eu une telle sentence, même si elle se dit satisfaite qu’il ait été reconnu coupable. «Je suis soulagée. Je remercie Dieu. Justice a été rendue. Je connais très bien mon fils. Il doit être très heureux là où il est, même s’il est mort dans la douleur. Mais je suis déçu que Ferino Calou n’ait pas eu la peine maximale. Je ne suis pas de ceux qui militent pour la peine de mort mais cet homme reste un danger public.»Cette directrice d’une école maternelle ne peut s’empêcher de pleurer à chaque fois qu’on prononce le nom de son fils. Pas seulement elle. «Sak fwa nu pans Cédric nu an larm», concède Steve, bagagiste à l’aéroport pour une compagnie engagée dans le transport des touristes. De nature timide, il s’est encore plus renfermé sur lui-même depuis le drame.
Leurs trois autres enfants essaient eux aussi, tant bien que mal, de remonter la pente même si c’est difficile et la condamnation de Ferino Calou constitue pour eux une belle avancée. «Cédric ne méritait pas de mourir de cette façon. Nous sommes tous soulagés car mon frère a obtenu justice», lance Grégory, le benjamin de la famille d’une voix où perdure tout de même une grande tristesse.
Aujourd’hui, la famille trouve beaucoup de consolation auprès de Dieu. D’ailleurs, c’est grâce à leur foi, disent Steve et Angélique, qu’ils ont pu continuer à avancer après cette tragédie qui a bouleversé leur vie. Le couple a même rejoint le groupe Couple for Christà la paroisse de sa localité pour avoir la force de porter son fardeau.
Les choses ne seront plus comme avant. Et les Matombé le savent. La révolte et la colère qui grondaient en eux se sont un peu apaisées avec la condamnation de Ferino Calou. Mais leur chagrin reste et restera toujours immense. Ce 2 avril, c’est avec beaucoup de tristesse qu’ils passeront la journée qui devait marquer le 23e anniversaire de Cédric, parti trop jeune, beaucoup trop jeune…
Le président de Victim Support Mauritius (VSM), qui avait personnellement encadré les proches de Cédric Matombé à la mort de ce dernier avec les membres de son association, se réjouit de la sentence infligée à Ferino Calou : «Victim Support Mauritius est satisfait du jugement.» Raj Moothoosamy, tout en précisant que son association qui vient en aide aux victimes de crime n’a rien à gagner dans cette affaire, estime que «justice a été rendue» pour une famille qui ne méritait pas de souffrir. VSM avait organisé une marche avec la famille à l’époque.
Ferino n’en est pas à sa première condamnation. Avant de tuer Cédric Calou et de violer la petite amie de ce dernier, il était déjà très connu des services de police. Fiché à la police comme un habitual criminal (HC), il a la réputation d’avoir «lame long» et d’être une «tête brûlée». Il commence à avoir des problèmes avec la justice en 1991. Le 18 décembre de cette année, alors âgé de 16 ans, il est trouvé coupable dans une affaire de possession d’objet volé. Le tribunal de Grand-Port le condamne à deux ans de bonne conduite. Le 27 juin 1995, il est condamné à payer une amende de Rs 3 000 pour une affaire de vol. Le 9 avril 1998, le tribunal de Grand-Port le trouve coupable de vol avec effraction et il doit faire trois mois de prison et des travaux forcés. Il doit aussi payer Rs 2 000 d’amende pour une autre histoire de vol. Un mois plus tard, il est condamné à payer Rs 1 000 d’amende pour false and malicious denunciation in writing.
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Il fait à nouveau face à la justice le 8 novembre 2002 pour un autre cas de vol avec effraction et est contraint de payer une amende de Rs 9 000. Le 24 juin 2003, il retourne en prison pendant un mois après avoir volé Rs 550 et une carte de crédit sur une plage publique. Le 26 août 2004, il est condamné à deux mois de prison pour vol. Deux ans plus tard, il retourne à l’ombre pour six mois suite à un autre cas de vol avec effraction. Par la suite, il fait l’objet de deux ans de surveillance de la police pour le vol de deux conteneurs de peinture et d’un robinet dans un village voisin. Le 4 décembre 2008, il fait main basse sur 20 pochettes de ciment, 10 pelles, deux pinces et une hache. Il sera condamné à 18 mois de prison, le 21 janvier 2009. Il est libéré en décembre 2009 après avoir bénéficié d’une remise de peine. Au Bouchon, Ferino porte le sobriquet de Titol.On l’appelle aussi Titol bylooke car il est connu pour être un voyeur. Il surveille surtout les jeunes couples qui s’isolent et en profite pour leur piquer des effets personnels et autres accessoires pouvant lui rapporter un peu d’argent. Mais le 7 novembre 2010, il est allé plus loin, trop loin.
La nouvelle lui a fait l’effet d’une douche froide. Sunita Somaroo, 38 ans, sait maintenant que son compagnon va passer les années à venir en prison et qu’elle devra continuer à élever leurs quatre enfants sans lui. Le couple a trois filles de 20, 18 et 14 ans, et un fils de 17 ans. La jeune femme confie qu’elle s’était habituée aux va-et-vient de son concubin en prison pour divers délits dans le passé mais que cette fois la longue attente sera très dure à vivre. «Je suis très triste pour lui. Il avait plaidé coupable et avait demandé la clémence de la cour et de la société. Je pensais qu’il allait s’en sortir avec une peine moins sévère», confie Sunita Soomaroo, désemparée.
Ferino Calou mérite amplement sa condamnation. C’est du moins ce qu’on peut déduire du jugement de Benjamin Marie Joseph, qui a présidé ce procès aux assises. Le suspect, poursuivi pour meurtre et viol, avait plaidé coupable sous les deux chefs d’accusation. Dans son jugement, le juge Benjamin Marie Joseph revient sur le fait que l’accusé a quémandé la clémence de la société, arguant qu’il regrette ce qu’il a fait et qu’il se désole pour ses quatre enfants. Toutefois, le juge martèle que «l’accusé est une personne dangereuse» de par sa conduite et son lourd passé. Benjamin Marie Joseph précise qu’il s’en est pris à deux jeunes innocents dont la seule erreur a été de se retrouver dans un lieu isolé pour un moment intime : «I take into account the seriousness of the offences committed, their surrouding circumstances (…) The accused deserves punishments that would keep him behind bars for a long time.»
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