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Par Elodie Dalloo
21 janvier 2024 17:06
Ils n’ont pas l’intention de rester les bras croisés. Ce vendredi 19 janvier, les proches d’Anwar Rehaz Noormahomed ont déposé une Private Prosecution contre le Premier ministre, Pravind Jugnauth, et le vice-Premier ministre Anwar Husnoo, devant le tribunal de Port-Louis ; une démarche qui intervient quatre jours après que cet habitant de Les Guibies, Pailles, âgé de 53 ans, a trouvé la mort alors qu’il rentrait chez lui à moto le lundi 15 janvier. Dans la correspondance en annexe à l’affidavit, qui a été rédigée par l’avoué Pazhany Rangasamy, Asraf Noormahomed, le frère de la victime, montre du doigt les deux ministres, qu’il juge incompétents, et leur reproche d’avoir «failed to issue a timely order directing any person to remain indoors as long as it is unsafe to venture outside and in the aftermath they failed to declare a state of disaster in Port-Louis». Ayant retenu les services de Me Sanjeev Teeluckdharry, les proches d’Anwar Noormahomed espèrent que leur démarche incitera la justice à faire la lumière sur le triste et tragique décès du quinquagénaire.
Anwar Noormahomed, apprend-on de ses proches, travaillait comme agent de sécurité pour la compagnie Brinks. Lorsqu’il avait du temps libre, il vendait aussi des gato pima dans le commerce familial, à Plaine-Verte. Dans la matinée du lundi 15 janvier, il s’est ainsi rendu au travail après avoir écouté le bulletin météo. Lorsque le temps a commencé à se dégrader et qu’un communiqué a été émis pour permettre aux employés de regagner leur domicile, il a quitté Plaine-Verte à moto pour rentrer chez lui lorsque la tragédie s’est produite sur l’autoroute M1, à hauteur de Les Guibies, Pailles. Son frère Reza raconte : «Un ami de la famille a vu qu’il était en difficulté et a informé mon neveu Suffyan. Il nous a aussitôt prévenus et est venu nous récupérer pour nous emmener sur place. Kan nounn ariv laba, mo neve inn fer tou pou sap li me li pann kapav.» Lorsque les forces de l’ordre sont arrivées sur place, Anwar Noormahomed avait déjà perdu connaissance. Il a été conduit à l’hôpital Victoria, à Candos, où son décès a été constaté. L’autopsie pratiquée par le Dr Sudesh Kumar Gungadin, chef du département médicolégal de la police, a attribué son décès à une hémorragie intracrânienne.
Séparé de son épouse depuis plusieurs années, Anwar Noormahomed n’avait pas d’enfants. Cadet d’une fratrie de sept enfants, il vivait dans la maison familiale avec tous les autres membres de sa famille. Son entourage le décrit comme «un homme sans histoires. Li ti enn dimoun korek, trankil ek bien debrouyar». Son frère Reza raconte qu’il espérait entamer la construction de sa propre maison. Malheureusement, c’est un rêve qu’il n’a pas pu concrétiser parce que le destin en a décidé autrement pour lui. «Si bann otorite antor, zot bizin assime», lâche notre interlocuteur. D’où la démarche de la famille d’entamer cette action en justice. Pour la famille Noormahomed, «it is a matter of deep regret that no evacuation plan was issued pursuant to Section 16(2)(a) notwithstanding that thousands of workers were trapped in the floods in Port-Louis». Ils estiment que lors d’une telle situation chaotique, un communiqué aurait dû être émis dans les plus brefs délais pour que les usagers de la route sachent quelles routes sont inondées et impraticables, mentionnent-ils dans l’affidavit. Ils ne comprennent pas pour quelle raison «no warning of torrential rain was issued although same had already been predicted (...) They failed to take decisive and timely actions to saveguard the lives of citizens». L’affaire sera appelée en cour le 13 février prochain. Les funérailles d'Anwar Noormahomed ont, elles, eu lieu le mardi 16 janvier.
Il a trouvé la mort dans de tristes et tragiques circonstances pendant le passage du cyclone Belal. Employé comme agent de sécurité à Morcellement Village, Rivière-Noire, Alberto Richard Lajeune – un habitant de Trèfles, Rose-Hill, âgé de 56 ans – avait quitté son domicile tôt dans la matinée pour pouvoir être sur son lieu de travail à 6 heures. Cependant, il n’a jamais pu rentrer chez lui après qu’un communiqué a été émis pour relâcher les fonctionnaires et travailleurs du secteur privé. Comme il était injoignable sur son cellulaire plusieurs heures après l’alerte, sa fille a décidé de consigner une déposition au poste de police pour signaler sa disparition vers 17 heures, le même jour, avant de publier un message sur les réseaux sociaux pour demander l’aide de la population pour le retrouver. Ce n’est que le lendemain, grâce à des volontaires, que le corps sans vie du quinquagénaire a été découvert à côté de sa moto dans les parages de Camp Sam.
Effondrée, son épouse Ginette raconte qu’il quittait habituellement son lieu de travail aux alentours de 17 heures. N’ayant pas eu de ses nouvelles après que la décision avait déjà été prise de relâcher les employés depuis plusieurs heures, la famille a pensé qu’il était resté au travail. «Nous pensions qu’il avait prévu de travailler jusqu’à 17 heures et qu’il rentrerait par la suite. Nous avons toutefois essayé de le joindre sur son cellulaire vers 15 heures mais il n’a jamais répondu. C’est à ce moment-là que nous avons commencé à nous inquiéter.» Les heures suivantes, toujours sans nouvelles de son époux, Ginette raconte avoir reçu l’appel de son employeur. «Il voulait savoir si mon époux était bien rentré mais nous n’avions toujours aucune nouvelle. Nounn demann li ki demars li pe fer dan so kote parski mo garson ti fini ale, vini, li tinn bat sa larout-la pou rod li. Linn demann nou si nou finn al lapolis, nounn dir li ki nounn fini met enn lantre, lerla linn dir nou ki li pa pou kapav fer nanye dan so kote, ki nou bizin atann.» Bien que Richard Lajeune n’a pas indiqué à son employeur l’heure à laquelle il avait quitté son lieu de travail, c’est grâce aux images des caméras de surveillance situées à proximité que les membres de sa famille ont su qu’il avait bel et bien quitté les lieux aux alentours de 12h30.
La famille Lajeune raconte que c’est suite à l’appel téléphonique d’un témoin, qui est tombé sur l’avis de recherche partagé par sa fille sur les réseaux, qu’elle a pu savoir ce qui était arrivé : «Linn dir nou ki li ti trouv enn dimoun inn tombe lor motosiklet me li pa ti pe sir si se li. Linn dir nou al gete ek sonn li kan nou vinn laba pou li montre nou. Se kan nou finn al laba ki nou finn trouve ki sete limem» Après une battue, les volontaires ont d’abord aperçu le deux-roues de la victime dans un buisson, tandis que le corps sans vie de Richard Lajeune a été découvert quelques mètres plus loin dans les parages de Camp Sam, à Tamarin, du côté gauche de la route, en direction de Yemen. Celui-ci a été conduit à la morgue de l’hôpital Victoria, à Candos, où une autopsie a été pratiquée par le Dr Sudesh Kumar Gungadin, chef du département médicolégal de la police. Celui-ci a attribué sa mort à un acute dislocation of the neck. Marié et père de trois enfants, dont l’un vit à l’étranger, Richard Lajeune allait célébrer son 57e anniversaire le mois prochain.
Anéantis, les membres de son entourage veulent qu’une enquête soit initiée afin de situer les responsabilités dans cette tragédie. Contacté ce samedi 20 janvier, son gendre Aniketh nous a déclaré : «Nous déciderons de la marche à suivre une fois remis de nos émotions.» Quant aux funérailles de la victime, elles ont eu lieu ce vendredi 20 janvier.
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