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Les Mauriciens face au déconfinement

3 mai 2020

Adish Balkissoon

 

«Alors que le déconfinement approche, je pense qu’il y aura une incertitude qui régnera toujours dans nos esprits. Le fait qu’on fasse aussi face à une crise au niveau de l’économie, remet en exergue le problème du chômage car je suppose qu’il y beaucoup de personnes qui sont en attente d’un entretien ou d’un travail, sans oublier le fait qu’il faut aussi compter avec l’annonce du gouvernement à l’effet qu’il n’y aura aucun recrutement pendant au moins un an. Je ne sais pas comment le secteur privé va réagir de son côté. J’ai beaucoup d’interrogations. Nous sommes tous impatients et voulons tous en savoir plus sur le Covid-19 Bill que le gouvernement annoncera bientôt. Est-ce que ce sera la solution à tous nos soucis ? J’ai beaucoup d’amis qui sont en dernière année à l’université de Maurice. En sus des dissertations, il y a ceux qui sont obligés de rendre un projet final mais avec le confinement, il n’ont pas pu acheter les matériaux nécessaires. Et au secondaire, qu’est-ce qui se passera pour les étudiants en School Certificate et en Higher School Certificate ? Le mieux qu’on puisse faire, c’est de garder et respecter les différentes mesures de sécurité pour le bien de tous.»

 

Jennifer Chung Chai Tsang-Ng

 

«Le pays devra forcément reprendre ses activités bientôt car la population doit se nourrir et la machine économique du pays doit être mise en marche au plus vite. La reprise sera, certes, assez particulière avec le besoin absolu de garder ses distances ou encore de porter le masque pour se protéger mais la population devra faire preuve de responsabilité et de civisme pour le bien de toute la nation. Il y aura également un besoin impératif de la part de toutes les institutions publiques et privées d’assurer un service de désinfection à longueur de journée, que ce soit dans les bureaux, les espaces communs et les systèmes de transport en commun. Ce faisant, les risques de prolifération du virus diminueront. Par contre, ce sera une autre paire de manches pour les établissements scolaires car les jeunes réagissent différemment. L’un des aspects-clés d’être en communauté à l’école est de pouvoir rencontrer ses amis, de faire des accolades et ce sera d’autant plus dur après cette longue période de confinement. Cela s’avèrera très difficile, voire impossible de les contrôler dans tous les coins et recoins de l’établissement, dans les bus ou encore dans les files d’attente. Aussi invraisemblable et inimaginable que ceci puisse paraître, il serait peut-être souhaitable de reprendre en janvier de l’année prochaine, quand la situation sera sous un meilleur contrôle.»

 

Gaëlle Bernard

 

«Il faut voir le déconfinement comme un nouveau départ. Cette expérience forcée est l’occasion de se repositionner sur nos fonctionnements. Mes doutes sont tournés vers ce nouveau départ concernant la prise de conscience et les changements que nous devons effectuer dans notre mode de vie. Aurons-nous compris le message et est-ce que nous ne reprendrons pas nos vieilles habitudes ? Est-ce que les Mauriciens auront compris l’importance de préserver l’environnement, de consommer local, de faire preuve de solidarité ou tout simplement de profiter pleinement de l’instant présent et des gens qu’ils aiment ? J’ai quelques interrogations par rapport au protocole de reprise qui n’est pas clairement établi pour le moment, notamment par rapport à l’école, aux activités de certains services essentiels et quelles seront les directives pour les rassemblements. J’espère également que les personnes vulnérables et celles qui vivent dans la précarité ne seront pas oubliées pour une fois et qu’un plan sera proposé dans ce sens pour une île Maurice égale et solidaire. Personnellement, je n’ai pas peur. To pa pou gagn mwa corona. Une bonne hygiène de vie et le respect de la distanciation sociale sont les meilleures défenses face à l’épidémie. Le port du masque et des gants est nécessaire pour les personnes malades et celles à risques, principalement. Je pense qu’il est aussi important de rassurer la population en passant un message positif et d’espoir pour ne pas tomber dans une psychose post-corona.»

 

Shamima Peer

 

«La date annoncée nourrit des espoirs mais aussi beaucoup de doutes. Avec le fait de devoir reprendre le chemin de nos bureaux et de retrouver nos collègues, il y a d’ores et déjà une certitude : les pratiques et les réflexes professionnels vont changer. Après 40 jours de confinement, tout a changé, le télétravail est devenu une réalité, il faut absolument reprendre pour notre bien-être et notre économie. Est-ce que la pandémie est derrière nous ? Sommes-nous en sécurité ? Sommes-nous prêts à changer notre façon de faire ? Quelles sont les nouvelles habitudes qu’il nous faudra prendre en considération ? Et surtout, comment nous y préparer dès maintenant ? J’ai beaucoup de questions qui restent sans réponses. Bien évidemment, il y a aussi de la peur, du stress, de l’anxiété et de la déprime associés au coronavirus. Nous avons peur pour nos proches, les enfants, nos collègues qui travaillent. Nous avons aussi peur de ne plus avoir de contact avec les gens. Je suis dans le domaine du tourisme, j’avoue que cela sera très difficile. Il faudra veiller à bien prendre toute les mesures de précautions nécessaires. Les habitudes vont définitivement changer.»

 

Rachel Magon

 

«C’est sûr qu’après le confinement, on devra se réinventer une vie avec de nouvelles habitudes : le port du masque et des gants en permanence à l’extérieur. Mais il ne faut pas non plus créer une psychose et laisser la peur nous envahir dès qu’on pointe le nez dehors. Si chaque établissement adopte des mesures strictes et de bonnes habitudes hygiéniques, et trouve des moyens de protection pour les consommateurs, je ne vois pas pourquoi on ne pourra pas sortir de chez nous. Je pense aussi que Maurice ne doit plus dépendre de l’importation des autres pays pour la consommation alimentaire et donner plus de possibilités à toutes les personnes qui veulent produire pour le pays. On pourrait aussi relancer le textile avec la fabrication de masques. À la question de savoir si j’ai peur de la reprise, je pense qu’il faut être plus courageux que la peur. J’ai aussi des questions en tête. Est-ce qu’il y aura un dépistage massif sur toute l’île ? Car si le déconfinement ne se fait pas dans les règles, cela n’aura servi à rien. Je travaille dans le tourisme en tant qu’artiste et je me demande ce qu’il en est de l’avenir du tourisme à Maurice et des mesures que le gouvernement entrevoit de prendre et d’étudier pour remonter cette pente.»

 

Selwyn Kaumaya


«Personne ne peut vraiment se projeter dans un futur proche et connaître l’ampleur des dégâts. Si reprise des activités il y a, l’idée qu’il puisse y avoir une deuxième vague de personnes contaminées inquiète. Ce qui se passe à Singapour est un triste exemple. Je me pose aussi des questions : qu’adviendra-t-il du pouvoir d’achat ? Et les PME ? Comment s’en sortiront-elles ? Est-ce qu’on est prêt à partager les richesses pour ne pas creuser encore l’écart entre les classes sociales ? En attendant que les choses se calment et avec le spectre des licenciements qui plane, est-ce que les banques et autres institutions seront prêtes à alléger leurs protocoles de paiement ? Et concernant les peurs qui m’habitent, je dirais qu’il y a celle d’être malade, de perdre mon emploi et que la vie soit encore plus dure devant. Après le déconfinement, je me vois vivre en faisant encore moins de gaspillage, en étant plus conscient de mes actes et de leurs répercussions sur l’environnement et les autres. J’organise déjà mon petit coin potager sur mon balcon. J’ai appris à tondre mes cheveux moi-même et je sais presque tout faire en cuisine. Il y aura plein de choses que je vais confectionner moi-même au lieu d’en acheter.»

 

Marie Lucette Lafolle

 

«Je ressens vraiment une boule au ventre par rapport au déconfinement. Je sors pour aller au supermarché afin de m’approvisionner en nourriture pour mes sept toutous et à chaque fois, j’ai peur de sortir. Ce n’est certes pas évident de devoir toujours porter un masque mais il le faut pour se protéger. Je vais donc suivre les consignes des autorités et je vais éviter les sorties dans les foules. À partir de maintenant, j'aurai toujours mon masque et mon hand sanitizer avec moi.»

 

Charlène Marris

 

«À la lumière de ce que je lis au quotidien au niveau mondial, rien ne sera vraiment comme avant. Je suis heureuse que le déconfinement arrive mais en même temps, je suis soucieuse du déroulement de la vie au quotidien. Chaque geste devra être calculé dorénavant. Les doutes seront là pour un moment. Tout sera suspect – un éternuement, une toux sèche… Je suis angoissée pour ma vie de famille. Je suis la maman d’une fille de 10 ans. Elle a ses habitudes alimentaires pour des raisons médicales et tout ceci a été grandement chamboulé. La sécurité d’emploi de mon époux m’inquiète aussi car toutes les compagnies seront impactées. Je serai en contact avec des jeunes et cela me tient à cœur de les voir avant tout en bonne santé. Porter le masque est un acte quasi-normal à ce jour mais ce n’est pas facile pour tout le monde. Ma vie sociale en prend un coup, évidemment. Adepte d’événements artistiques variés, je vais éviter toutes sorties dans ce sens pour un bon moment. Je suis et je reste une optimiste née mais cette épisode du Covid-19 m’a secouée…»

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