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Les prix des carburants changent... encore : une baisse, une augmentation et un système en question

8 octobre 2023

Il y avait un grand nombre de véhicules pour ce rallye que les organisateurs qualifient de «satisfaisant».

Les défenseurs des consommateurs dénoncent

 

Un système qui ne fonctionne pas. C’est Jayen Chellum qui le dit. L’infatigable secrétaire général de l’Association des consommateurs de l’île Maurice (ACIM) estime qu’il y a un manque de transparence au niveau du Price Stabilisation Account (PSA). D’ailleurs, la State Trading Corporation avait justifié la hausse initiale du prix de l’essence, par le biais d’un communiqué, ainsi : le prix du baril de pétrole en hausse et le PSA en déficit.

 

Le système de contrôle des prix ne permettrait pas de répercuter les baisses des prix de l'essence : «Le baril de pétrole se vend autour de $90 sur le marché mondial, mais ici, on applique le prix de l’année dernière, soit $114. C’est une augmentation injustifiée. On continue à mettre la main à la poche des consommateurs de manière éhontée.» Pour lui, ces hausses sont des décisions politiques : «Un amendement à la loi stipule qu’aussi longtemps que la caisse du PSA ne sera pas renflouée, il n’y aura pas de baisse du prix des carburants !»

 

Désormais, l’inflation va enfler avec la hausse du prix du diesel, prévient Jayen Chellum. Un monstre qui dévore le pouvoir d’achat : «Cette hausse vient à un moment où le consommateur souffre déjà énormément à cause de l’inflation. Surtout la classe moyenne qui est déjà endettée pour sa maison, pour sa voiture… Le portefeuille est déjà affecté. Il prend un sale coup. Et ceux au plus bas de l’échelle ressentiront les effets de cette hausse», lance Suttyhudeo Tengur, président de l’Association pour la Protection de l’Environnement et des Consommateurs (APEC).

 

Qu’est-ce qui empêchera les chauffeurs de taxi, les marchands de dholl-puri ou de farata, par exemple, d’augmenter leurs tarifs ? Un effet boule de neige dont on ne mesure pas encore l’ampleur. Il envisage une croissance économique au ralenti avec des produits d’exportation beaucoup plus chers sur le marché mondial. Suttyhudeo Tengur partage l’opinion de Jayen Chellum et parle de volonté politique. Selon lui, il est plus facile de majorer le prix des carburants et de les surtaxer : «C’est un moyen de faire de l’argent rapidement et sans aucune difficulté. Nos décideurs ne veulent pas innover, ne veulent pas faire un travail de réflexion pour modifier le système.»

 

Nishal Joyram a, lui aussi, décidé de se lancer dans le combat contre cette hausse. Lui qui avait entamé une grève de la faim pour demander la baisse des prix des carburants l’année dernière s’est rendu à l’ICAC cette semaine. Il y a obtenu un rendez-vous pour entamer un nouveau combat ; le 18 octobre, il pourra porter plainte contre la State Trading Corporation (STC), responsable, entre autres, de l’importation de l’essence et du diesel.

 


 

Pas que des chiffres et des calculs

 

À chaque fois qu’il est question de majoration des prix du carburant, que ce soit pour l’essence ou le diesel, cela affecte au quotidien la vie des Mauriciens.nes. Un fondateur d’ONG, une entrepreneure, un chauffeur de taxi et une mère de famille nombreuse nous en parlent…

 

Samuel Carriapen de l’ONG Monad Foundation : «Des difficultés à prévoir»

 

«Au niveau de l’association, nous faisons toujours appel aux volontaires, aux âmes charitables en ce qui concerne le transport. Nous avons besoin d’aide pour récupérer des dons et pour les distribuer. Avec l’augmentation du prix du diesel, des difficultés sont à prévoir ; les gens trouveront certainement que ça revient trop cher de nous aider. Pour ceux que nous aidons, également, la situation sera difficile si d’autres prix augmentent suite à cette hausse. Les personnes que nous aidons habitent dans des régions vulnérables. Même si elles travaillent, elles sont souvent victimes de stigmatisation (parce qu’elles habitent dans ces localités, parce qu’elles n’ont pas l’apparence qu’il faut), donc, elles vivent avec peu de ressources, travaillent le matin pour manger le soir. La situation risque d’être encore plus compliquée pour ces familles qui ont déjà du mal à faire face.»

 

Davina Ponen-Boodhun, entrepreuneure : «Minimiser l’impact sur la clientèle»

 

«Il faut s’adapter et avancer. Parce que ce n’est pas forcément envisageable de répercuter cette hausse sur mes clients. Je gère Davina Boodhun Maison de Couture, qui se spécialise dans les robes de mariées et, heureusement, les essayages et les rendez-vous se font principalement à mon atelier ; sur ce point, c’est géré et gérable. Néanmoins, il m’arrive également de livrer les robes de mariées et si cette majoration du prix de l’essence avait été maintenue, il y aurait forcément eu un impact, surtout si je fais de longues distances. Mais j’aurais essayé de le minimiser au maximum pour ne pas accabler ma clientèle. Surtout que pour mon travail, j’ai pris la décision d’opter pour une voiture hybride ; elle est vraiment économique.»

 

Raffick Bahadoor, président de la Taxi Proprietor's Union : «Nous ne nous en sortons pas»

 

«Toute augmentation qui attaque les consommateurs, ça passe mal. Cette majoration du diesel, c’est une décision monétaire. Le social n’intéresse plus les politiques. Ce gouvernement promet aux gens monts et merveilles sans avoir aucun financement. Et pour soutenir cela, il augmente les carburants tout en les surtaxant ! Il donne un petit bout ici pour reprendre beaucoup plus ailleurs ! Et nous, les chauffeurs de taxi, nous souffrons de cette situation parce que si les clients n’ont pas d’argent, ils ne peuvent pas faire appel à nos services. Nous aussi, nous avons des frais, mais nous ne pouvons pas les répercuter sur ceux qui roulent avec nous ; si nou pa konn prezerv sa tigit klian reste-la, nou pou disparet. Le gouvernement attaque les chauffeurs de taxi de toutes parts ; entre les contract cars, les services de taxis parallèles, les augmentations, nous ne nous en sortons pas.»

 

Anaïs Paul-Jackson, maman de quatre enfants : «Un quotidien difficile financièrement»

 

«C’est une bonne chose que le prix de l'essence ait baissé, mais le litre est toujours trop cher. Le prix des carburants nous affecte énormément. Au final, on se retrouve à limiter les sorties, à diminuer le budget attribué aux petits plaisirs, comme les sorties au restaurant, le shopping, entre autres. Le week-end, on se contente d’emmener les enfants à la plage ou au jardin parce qu’on ne peut plus forcément se permettre de payer les tickets des activités de jeux et de loisirs comme avant. Mais ça va encore plus loin même : avec les différentes augmentations du prix de l’essence, on se retrouve à devoir réfléchir à deux fois avant d’organiser une sortie. On se contente de faire l’essentiel. Se faire plaisir, même avec des choses simples et banales, est devenu un luxe. Même si nous travaillons, mon époux et moi, le quotidien avec nos quatre enfants et la cherté de la vie sont vraiment difficiles financièrement.»

 

Textes : Yvonne Stephen

 


 

Un rallye pour dire «aret fer yoyo ar dimoun»

 

Ils ont maintenu l’événement. Le rallye organisé par l’Association des Consommateurs de l’Ile Maurice (ACIM) s'est donc tenu à Port-Louis dans l'après-midi du samedi 7 octobre, comme prévu, pour dire non à la hausse du prix des carburants et dénoncer d'autres abus comme l’usage pro-gouvernement de la MBC, la pression de l’IBA sur la presse, la situation autour du riz ration, comme nous l’a rappelé le président de l’association Jayen Chellum peu avant le début de la manifestation : «Il y a eu taxe sur taxe avec les prix des carburants, et là pe fer yoyo ar dimoun, pri monte, pri bese. La baisse des prix annoncée vendredi n'a pas découragé ceux qui ont répondu présents aujourd’hui. Ce rallye est un warning, ce n’est pas fini.»

 

D’autres personnalités étaient aussi présentes et ont pris la parole, à l'instar d'Arvin Bolell du PTr, du travailleur social Georges Ah-Yan, ainsi que plusieurs chauffeurs de vans scolaires. Le départ a été donné vers 15 heures à la rue Volcy Pougnet, avec un itinéraire allant vers l’hopital Jeetoo, les Casernes, la Place d’Armes, la rue Labourdonnais, pour revenir à la rue Volcy Pougnet. Jayen Chellum s’est dit «satisfait» de ce rallye, tout en affirmant que d’autres événements du même genre sont prévus.

 

Stephane Chinnapen

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