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Les restes d’Andy Pénélope, témoin dans l’affaire Gro Derek, retrouvés | Jocelyne : «La mort de mon fils reste un grand mystère»

25 avril 2016

Le jeune homme était porté manquant depuis le 29 septembre 2015.

S’est-ilsuicidé ? A-t-il été tué ? Jusqu’ici, personne ne peut le dire avec certitude. Toujours est-il que les restes d’Andy Pénélope, un jeune chanteur de 28 ans qui devait témoigner dans l’affaire Gro Derek, ont été retrouvés le mercredi 20 avril, sous un arbre sur le flanc d’une montagne, avec une corde à côté. Pour sa mère Jocelyne, complètement choquée et abasourdie, ce drame reste incompréhensible. «C’est un grand mystère», dit-elle, d’une voix où perce une grande tristesse.

 

Depuis que la nouvelle de la découverte des restes de son fils s’est propagée, sa modeste maison s’est transformée en lieu de pèlerinage. En ce jeudi après-midi, les gens n’arrêtent pas d’affluer devant sa maison, située sur la route principale de Batterie-Cassée. La salle verte de fortune érigée à la va-vite et les chaises disposées çà et là devant l’entrée principale attirent aussi les regards des curieux. Assise à l’intérieur, à côté d’une petite table disposée dans un coin du salon, Jocelyne tente tant bien que mal de dissimuler sa peine. Mais c’est très difficile. Pour se donner une contenance, elle fixe les bougies allumées à côté d’une photo de son fils.

 

Cette maman vit une terrible tragédie après être passée par sept longs mois partagée entre l’angoisse et l’espoir. Le 29 septembre son fils Andy avait disparu sans laisser de traces. Depuis, elle n’avait cessé de prier et d’espérer que ce dernier soit retrouvé vivant. Mais mercredi dernier, en rentrant chez elle après le boulot, cette cleanerde 50 ans a appris, à son grand désespoir, que des ossements appartenant à son enfant avaient été découverts sur le flanc d’une montagne à Terre-Rouge.

 

En arrivant à la maison ce jour-là, Jocelyne a d’abord vu sa mère Ghislaine, qui vit sur place, en larmes avant d’apprendre d’un voisin que la police avait besoin d’elle car les restes de son fils auraient été retrouvés. La gorge nouée et le cœur battant la chamade, elle s’est tout de suite rendue au poste de police de Terre-Rouge où elle a identifié des effets personnels retrouvés sur les lieux de la découverte. «Il y avait une carte d’identité nationale avec la photo et le nom de mon fils. Il y avait aussi un briquet et un portable. Je n’ai pu contenir mes larmes lorsque j’ai vu son blouson et le pantalon de jogging appartenant à mon autre fils», raconte Jocelyne, désemparée.

 

Pilier de la maison

 

La quinquagénaire a toujours évité de penser au pire concernant son fils Andy. Même si les semaines et les mois passaient, elle s’accrochait à la possibilité de le voir à nouveau devant elle, vivant. Elle ne pouvait se résoudre à penser que celui qui était devenu le pilier de la maison après la mort de son père Jean Patrick, à l’âge de 56 ans, à la suite d’un problème cardiaque, n’allait plus jamais revenir. Avec son autre fils Kinsley, 35 ans et souffrant d’épilepsie, et sa mère Ghislaine, Jocelyne gardait espoir.

 

Le jour de sa disparition, le jeune homme était sorti de chez lui vers 5h45 pour se rendre à une boutique de son quartier où il avait acheté deux cigarettes, une carte téléphonique et une boisson énergisante. Puis, il a pris la direction d’un terrain de basket. C’est la dernière fois qu’on l’a vu vivant. La police a lancé un avis de recherche dans les médias, mais toutes les tentatives pour le retrouver ont toujours échoué. Le jour de sa disparition, le jeune homme devait témoigner dans l’affaire Gro Derek. Tout laisse croire maintenant qu’il a choisi de se suicider par pendaison.

 

Une thèse que Jocelyne rejette complètement. Elle est catégorique : son fils n’était pas du genre à mettre fin à ses jours car il aimait trop la vie et avait des projets plein la tête. Le plus important était la préparation de son premier album. Le jeune chanteur avait déjà procédé à l’enregistrement et devait passer à l’étape du mixage et de l’arrangement. «C’était un bon vivant. Il avait toujours des paroles positives dans ses chansons. Je refuse de croire qu’il s’est suicidé», martèle Jocelyne.

 

Elle semble révoltée. «Il y a des zones d’ombre. Trop de questions restent sans réponses. Pour quelle raison mon fils se serait suicidé ? Est-ce que quelqu’un qui va se suicider va acheter deux cigarettes, une carte téléphonique et une boisson énergisante avant de se donner la mort ?»s’interroge Jocelyne avec fougue. Sa liste est loin d’être terminée : «Vous ne voyez pas qu’il y a quelque chose de très louche. Est-ce un hasard s’il n’avait que sa carte d’identité sur lui ? Pourquoi avait-il laissé son deuxième portable, son porte-monnaie contenant une somme de Rs 2 500 à la maison ce jour-là ? C’était la fin du mois. L’argent devait servir à payer des factures.»

 

À l’époque, les enquêteurs de la Criminal Investigation Division de Port-Louis Nord avaient visionné les images de caméras CCTV dans ce faubourg de Port-Louis, sur lesquelles on voit effectivement Andy prendre la direction du terrain de basket avant de disparaître dans la nature. Fait marquant : les autres caméras de surveillance à proximité du terrain de basket n’étaient pas en service. «La polis mem ki ti dir mwa sa», précise Jocelyne. Pour elle, son fils peut tout aussi bien avoir été enlevé puis tué. «S’il a été kidnappé, c’est sûrement par quelqu’un qu’il connaissait déjà et qu’il a accepté de suivre en laissant son argent et son porte-monnaie à la maison.»

 

La quinquagénaire refuse cependant de croire que la mort de son fils a quelque chose à voir avec l’affaire Gro Derek. Bien que cette affaire avait, dit-elle, terriblement affecté le comportement d’Andy. C’est en mars 2015 qu’Andy a reçu une première convocation pour se présenter en cour comme témoin dans le procès intenté à Rudolf Jean-Jacques, plus connu comme Gro Derek, Jimmy Alexis et Bruno Casimir pour trafic de drogue. En perquisitionnant chez Bruno Casimir, voisin et ami d’enfance d’Andy, la police aurait trouvé un reçu portant le nom du jeune homme.

 

«Il était très angoissé»

 

Selon sa mère, ce reçu proviendrait de la location d’un bungalow qu’Andy aurait fait pour Bruno Casimir qui voulait y faire une fête. La police avait alors interpellé Andy pour l’interroger avant de le laisser rentrer chez lui. Puis est venue la convocation en cour. «L’affaire avait été renvoyée, mais sa convocation en cour l’avait beaucoup affecté. Il stressait. J’ai dû l’emmener chez un psychologue à l’époque», se souvient Jocelyne. Quand Andy a reçu sa deuxième convocation en août 2015, avec deux dates pour se présenter en cour en septembre, son moral avait pris un autre sacré coup.

 

«Il a recommencé à griller cigarette sur cigarette. De plus, il n’arrivait plus à dormir dans son lit et passait ses nuits sur le canapé dans le salon. Il était très angoissé. Il se souciait du qu’en-dira-t-on, c’est-à-dire de ce que son ami Bruno ou les proches de ce dernier allaient penser de lui», souligne Jocelyne.

 

Elle précise que c’était la première fois que son fils allait déposer en cour et ne savait pas ce qu’il fallait dire. Il avait, dit-elle, loué le bungalow sans même avoir été invité à la fête et ne savait pas que son voisin Bruno trempait dans des histoires de drogue. Selon Jocelyne toujours, Andy n’avait jamais eu de problème avec son entourage et était, au contraire, très apprécié, surtout pour ses plaisanteries.

 

«Je ne pense pas qu’il ait reçu des menaces de mort. Il était toujours en bons termes avec les frères de Bruno Casimir. Je les voyais souvent parler ensemble dans la rue. Est-ce qu’il a fait un breakdown? La veille de sa disparition, il avait été convoqué en cour. Il n’avait toutefois pu être entendu car la liste des témoins était trop longue. Il devait se présenter encore en cour le jour de sa disparition», soutient Jocelyne.

 

Son calvaire est loin d’être terminé. Elle reste suspendue aux résultats des tests ADN pour être sûre à 100 % que les ossements retrouvés sont bien ceux de son fils. Ce n’est qu’après qu’elle pourra enfin organiser des funérailles pour son enfant bien-aimé.

 


 

Où est passé le crâne d’Andy Pénélope ?

 

La police fait face à un véritable casse-tête. Le crâne d’Andy Pénélope est introuvable. Plusieurs policiers ont effectué une battue le lendemain aux alentours de l’endroit où des ossements lui appartenant ont été retrouvés sur le flanc d’une montagne à Terre-Rouge, mais toutes les recherches se sont avérées infructueuses à ce jour. Les membres de sa famille attendent, pour leur part, les résultats des tests ADN pour avoir la confirmation de son identité avant d’organiser des funérailles qui auront lieu en l’église de Roche-Bois. Jocelyne s’est rendue au poste de police de Piton, hier matin, où on lui a fait des prélèvements pour les besoins des tests ADN. Elle a ensuite été conduite sur le flanc de la montagne où les ossements de son fils ont été retrouvés.

 


 

Les artistes en état de choc

 

Ils gardaient tous espoir – bien que celui-ci était très minime – de le revoir en vie. Mais la réalité les a rattrapés et est très dure à accepter. Jonathan Andy Pénélope, plus connu comme Andy, n’est plus. Ses amis artistes – il a chanté au sein de Ziakazom sur Danse enkor, avec Clarel Armel, entre autres, et était proche de Bruno et Linzy Raya notamment – ne peuvent que le pleurer. «Nous étions tous sous le choc après sa disparition. La découverte de ses ossements est très dure à digérer. C’est difficile de croire qu’il est mort», confie Dr Boyzini, chanteur et ami du défunt. Il compte sur la famille d’Andy pour sortir son premier album solo à titre posthume.

 

Christophe du groupe Metiss Vibes garde aussi de bons souvenirs d’Andy Pénélope : «Je l’ai connu par le biais de l’autre Andy du groupe Ziakazom. C’était quelqu’un de très simple. On a déjà chanté ensemble lors d’une fête de la Musique au Plaza, à Rose-Hill. Je suis très triste pour lui et sa famille. Il était promis à un bel avenir sur le plan musical mais il n’a même pas pu sortir son album comme il le souhaitait.»

 

Joyce Veerasamy est également très affecté par la mort du jeune chanteur de Batterie-Cassée : «Il n’avait que 28 ans et ne demandait qu’à vivre. Mon coeur de père saigne. Je l’ai connu en 2009 lorsque j’étais en quête de nouveaux talents. Je prie pour qu’il puisse trouver sa place au panthéon des artistes.»

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