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4 février 2019 13:01
L’horloge affiche 16h30. C’est bientôt la fin du temps de visite à l’hôpital Victoria, en ce mercredi
30 janvier. Alors que quelques visiteurs retardataires se ruent vers les salles, Annick Mohabeer, en larmes, fait les cent pas dans le couloir. Pour cause : elle s’est vu refuser l’accès à la salle pédiatrique où sont admis son fils de
4 ans et sa fille de 3 ans, pris en charge par la Child Development Unit (CDU). La jeune femme et son compagnon Gregory Papi, tous deux âgés de 28 ans, font l’objet d’une enquête policière pour maltraitance alléguée.
Annick Mohabeer a même été arrêtée, il y a une semaine, et a dû fournir une caution de Rs 1 500 pour recouvrer la liberté. La police reproche à la jeune femme d’avoir laissé ses enfants sans surveillance avec un chien et un singe dans un petit appartement situé au troisième étage d’un bâtiment, à Quatre-Bornes, le 22 janvier. C’est une voisine qui a alerté la police après avoir aperçu le garçonnet sur l’appui d’une fenêtre, risquant de tomber dans le vide. La police a débarqué pour récupérer les enfants et les placer sous la responsabilité de la CDU.
Depuis, la vie des parents est complètement bouleversée. Et ils assurent qu’ils n’ont jamais maltraité leurs enfants. Annick semble au désespoir. «Mo latet fatige. Mo pa pe manze. Mo pa pe kapav viv san mo de zanfan. Mo dakor monn fote kan monn kit mo de zanfan tousel me dimounn pe dir enn ta foste dan sa zafer-la.» Son compagnon renchérit : «Enn ta dimounn fini zize. Se revoltan.» Annick et Gregory ne veulent qu’une chose : «Laissez-nous revoir nos enfants. Nous voulons les récupérer.» Ils sont prêts, disent-ils, à revoir leurs conditions de vie pour cela.
La maman des deux enfants revient sur ce qui s’est passé le jour fatidique. «Nous louons depuis trois ans cet appartement que nous payons Rs 4 000 par mois. Hélas, depuis un mois, il est dépourvu d’eau et d’électricité. Ce jour-là, vers 17 heures, profitant de ce que les enfants dormaient tous deux à poings fermés, je suis sortie pour aller chercher de l’eau et de quoi manger. C’est la première fois que ça arrive.»
Lorsque la jeune femme rentre chez elle, quelques minutes plus tard, elle apprend que la police a recueilli ses enfants. Selon une source, les policiers ont dû enfoncer la porte pour entrer dans ce lieu qui était dans un état insalubre. Dans cet appartement qui comprend une petite chambre, une salle de bains, des toilettes et une cuisine, ils ont retrouvé les deux enfants seuls ainsi qu’un chien et un singe. Le garçonnet portait un sous-vêtement alors que la fille était nue. Les policiers ont rhabillé les petits avant de les emmener au poste de police.
Après avoir appris ce qui s’était passé, Annick s’est rendue sur place. Gregory, qui est marchand ambulant, travaillait à ce moment-là. «Monn trouv mo de zanfan pe asize dan stasion», explique la maman. Peu après, trois officiers de la CDU l’ont interrogé. «Je leur ai alors dit que c’était la première fois que je laissais mes enfants seuls. Zot ti osi anvi kone kifer bann zanfan la pa ti ena linz lor zot. Monn fer zot konpran ki akoz fer so ek zot ena bourbri ki monn les zot an sou vetman.» Annick pense que sa fille a dû enlever sa culotte après avoir fait pipi au lit.
Après son interrogatoire, Annick a été autorisée à rentrer chez elle alors que ses deux enfants sont emmenés à l’hôpital pour y être admis. Mais le lendemain, lorsqu’elle se rend à nouveau au poste de police de Sodnac, elle est arrêtée pour maltraitance. Elle passe une nuit en cellule policière avant de retrouver la liberté sous caution le lendemain. «Enn bon samaritin kinn donn mo misie kas pou pey sa», confie-t-elle.
Selon Annick, la CDU lui reproche d’avoir abandonné ses enfants, de ne pas travailler, de ne pas leur avoir donné à manger, de se prostituer et de se droguer. «Tousala menti», martèle la jeune femme. Son compagnon s’insurge aussi contre ces «fausses accusations». «La seule faute de ma compagne, c’est d’avoir laissé les enfants seuls pendant quelques minutes. C’est la première fois que cela se produit. Kot mo madam ti pou kone ki mo garson ti pou pass par la fenet kan so somey kase ? Je gagne ma vie honnêtement comme marchand ambulant. Mon épouse m’aide parfois quand elle trouve un proche pour garder les enfants.»
Annick se demande comment font les enfants sans eux. «Anplis, mo tifi-la ankor bwar dile ek mwa. Mo dimann mwa kouma li pe fer», lâche-t-elle, la voix complètement nouée par l’émotion. Gregory et elle font tout leur possible pour récupérer leurs enfants. Entre-temps, la mère de Gregory, Sheila Papi, se propose, de prendre en charge les petits.
Gregory tient aussi à faire le point sur la présence du singe : «Nous l’avons depuis six mois. Il est apprivoisé. Je l’ai maintenant fait adopter par une autre personne pour éviter les problèmes.» La CDU a, par ailleurs, initié une enquête pour savoir si les parents pourront accueillir leurs enfants à nouveau.
Une politique de zéro tolérance envers les parents soupçonnés de négligence. Ainsi en a décidé la CDU, nous explique une source bien informée du ministère de l’Égalité du genre, du développement de l’enfant et du bien-être de la famille. La descente à Cité-La-Cure et le cas des deux enfants de Quatre-Bornes en sont la preuve. «La CDU ne va pas retourner les enfants aux parents», affirme notre source. La CDU trouverait inacceptable que les enfants de ces trois familles vivent dans des conditions tellement déplorables que cela leur cause de réels problèmes de santé. Ainsi, la situation de l’une des trois familles, qui faisait déjà l’objet d’une enquête, se serait dégradée depuis un an. «Bann zanfan-la ankor lopital. Bisin fer test ek zot parski zot ena problem lapo», déplore notre source.
Elle compte les jours avec impatience car, ce jeudi 7 février, elle saura ce que l’avenir réserve à ses enfants. Elle, c’est Priscilla Emilien, la mère de quatre enfants placés sous la responsabilité de la CDU depuis le 25 janvier 2019, pour négligence parentale alléguée. Ce jour-là, elle saura si sa belle-mère Marie Josée Piron et ses belles-sœurs Christelle Piron et Emilie Pharmasse auront la garde de ses petits ou pas. Ces dernières habitent à Sainte-Croix, où réside également le père des quatre enfants.
«Tiabon lakour donn mo belmer ek mo bann belser drwa gard mo bann zanfan», espère la jeune femme de 31 ans. Priscilla Emilien se plaint de ne pas avoir de nouvelles de sa fille de 9 ans, ainsi que de ses trois fils âgés respectivement de 6, 4 et un an. Cela, depuis que des officiers de la CDU ont débarqué à Cité-La-Cure, chez elle, ainsi que chez une voisine, pour recueillir leurs enfants. «Mon dernier est nourri au sein uniquement. Je ne sais pas ce qu’il devient», se lamente la jeune femme.
Les officiers ont effectué cette descente après avoir reçu plusieurs plaintes du voisinage. «CDU dir mwa ki mo fors mo bann zanfan dimann sarite. Foss sa. Li vre ki mo abitie tap laport dimounn pou rod manze kan mo pena. Mo tipti ek mwa parski li bwar ar mwa. Papa mo bann zanfan pena travay fix ek li pa res ek nou», souligne Priscilla.
La jeune femme explique qu’elle doit «mari trase» tous les jours pour faire bouillir la marmite : «Ena zour mo dormi vant vid. Mo bann zanfan manze zot selma. Mo mama ed mwa. Bann dimounn finn osi ed mwa pou aste bann zafer lekol pou de gran-la. National Empowerment Foundation bien o kouran nou sitiasion. Zot mem ti ranz mo lakaz. Pou fer sink an le 14 fevriye. Plizier fwa monn tap laport bann lotorite pou gagn pansion me zame sa pann abouti.»
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