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27 avril 2015 11:22
Preety* est toute belle dans sa petite robe blanche aux imprimés fleuris. Et ses cheveux noués en queue de cheval laissent voir un doux visage et de jolis traits. Assise sur une chaise en face de sa tante, elle mime son jeu préféré en tapant dans ses mains. Impossible de ne pas être émerveillé devant la candeur de cette enfant qui arbore un beau sourire. Mais il est tout aussi impossible d’envisager que l’innocence de cette gamine de 4 ans lui a été enlevée brutalement, que celle-ci a été bafouée et souillée.
Son histoire n’aurait sans doute jamais éclaté au grand jour sans l’intervention de son enseignante de maternelle qui a alerté la mère de l’enfant que quelque chose n’allait pas. C’était le 26 mars. «Je suis séparée du père de ma fille depuis trois ans. Depuis, il ne me laissait pas voir ma fille. Je la voyais donc en cachette. Mais lorsque l’enseignante m’a appris que ma fille était toujours sale lorsqu’elle venait à l’école, j’ai décidé de la prendre avec moi malgré le désaccord de son père», raconte Priya*, la mère de la fillette.
Quelques jours plus tard, alors qu’elle donne le bain à Preety, cette dernière lui confie qu’elle éprouve des douleurs aux parties intimes. Priya pense alors que sa petite fille a reçu un coup à l’école en jouant avec ses petits camarades. Mais deux semaines plus tard, soit le 22 avril, elle comprend enfin ce que sa fille a essayé de lui avouer. «Alors qu’elle jouait avec son petit frère de 2 ans, elle a mimé les rites du mariage hindou en faisant le tour du feu. Puis elle a mimé le geste de l’application du safran sur le visage ainsi que du sindour», confie Priya. Elle se demande alors comment une fille de cet âge peut mimer de tels gestes avec autant de précision. Quand Preety lui explique, elle a le choc de sa vie.
«Elle m’a dit que son père s’était mariée avec elle. Ce, en présence de sa grand-mère paternelle qui, au même moment, faisait à manger. Mais il y a pire : elle m’a dit que son père a abusé d’elle sexuellement à plusieurs reprises. Elle l’a expliqué dans son langage d’enfant», soupire-t-elle. Bouleversée et surtout terriblement révoltée, Priya porte plainte le même jour au poste de police de sa localité et la petite est aussitôt admise à l’hôpital. Elle est soumise à plusieurs tests et est examinée par un médecin légiste. Le rapport de ce dernier est sans appel. La petite Preety a bel et bien été agressée sexuellement. Prise en charge par un gynécologue et par un psychologue, elle est toujours hospitalisée en attendant de retourner vivre chez sa mère.
Entre-temps, le présumé agresseur a été arrêté et présenté en cour de Mahébourg sous une charge provisoire d’agression sexuelle sur mineure. Il est maintenu en détention policière en attendant d’être examiné à son tour par un médecin de la police. Nous avons rencontré ses proches qui n’ont pas souhaité commenter l’affaire. Le père de Preety est déjà connu des services de police, car il a été poursuivi dans le passé pour l’agression sexuelle du fils de son cousin. Il a toutefois été blanchi dans cette affaire, faute de preuves.
Mais dans son entourage, il est perçu comme quelqu’un de violent. Une proche témoigne : «Il sème la terreur autour de lui. Il a fait vivre un enfer à la mère de Preety qu’il battait presque tous les jours. On pouvait entendre les coups qui pleuvaient sur elle le soir et ses cris de douleur. Un an après la naissance de la petite, il a trouvé une autre femme et a chassé Priya. Cependant, j’ai du mal à croire qu’il a abusé de sa fille.»
Lorsqu’il se sépare de la mère de Preety, l’homme exige que la petite vive sous son toit et fait tout ce qui est en son pouvoir pour éloigner la mère. «J’étais tétanisée en le voyant. Il exerçait une telle pression sur moi que j’ai fini par céder. J’avais peur qu’il me frappe et me tue comme il menaçait de le faire si jamais je ne rompais pas tout contact avec mon enfant», pleure Priya qui n’a rien oublié de son douloureux passé aux côtés de cet homme. Lorsque Noël arrive, c’est avec soin et surtout avec amour qu’elle choisit les cadeaux de sa fille. «Mais son père détruisait tout ce que je lui offrais.»
Menaces
Priya ne baisse pas les bras pour autant et entame une procédure pour avoir la garde de sa fille. «Son père ne s’est jamais présenté en cour quand l’affaire était entendue. Et ma démarche n’a pas abouti.»Toutefois, lorsqu’elle apprend un jour par une voisine que sa fille est hospitalisée, elle se rend à son chevet, faisant fi des menaces de son ex-concubin. «Elle avait eu une forte fièvre et je suis allée la voir en dehors des heures de visite. En examinant ma fille, j’ai vu qu’elle avait des traces de morsures sur le dos. Ce n’était pas normal. J’ai tenté d’avoir une explication du père. En vain. Je me suis alors tournée vers la Child Development Unit (CDU) de ma localité, sans grand succès. Ils ne se sont jamais vraiment intéressés au sort de ma fille», se révolte Priya. On est alors en 2013. Après quelques visites des officiers de la CDU à la petite, l’affaire ne va pas plus loin, selon Priya. «Ils disaient juste que l’enfant allait très bien et qu’il n’y avait aucun problème.»
Pendant ce temps, la petite Preety était régulièrement abusée et livrée à elle-même. Les voisins la voyaient souvent jouer seule dans la rue. Elle était toujours mal vêtue et très sale. «Parfois, elle ne portait même pas de sous-vêtements quand elle était dans la rue. Sa robe se soulevait et tout le monde se moquait d’elle», raconte l’un d’eux. Rongée par un sentiment de honte et de culpabilité, Priya avoue avoir également vu sa petite fille dans un état très négligé à l’école. «Depuis son entrée en maternelle, j’allais régulièrement la voir à l’école. Et parfois, elle ne portait pas de sous-vêtements. Elle portait des chaussures beaucoup trop grandes pour elle et avait des poux plein la tête. Les enfants ne voulaient plus jouer avec elle. C’est pour cela justement que son enseignante m’a fait appeler le 26 mars», précise la mère de Preety.
Ce qu’elle a appris par la suite l’a complètement bouleversée. Mais ce n’était pas tout. Sa fille lui a également confié qu’elle aurait également été agressée sexuellement par deux autres hommes. «Ma fille accuse l’ami de son père ainsi que le fils de ce dernier.» Nous avons rencontré cette famille qui nie vigoureusement ces accusations. «La petite faisait le va-et-vient entre le domicile de son père et le nôtre. On prenait soin d’elle. Il est faux de dire que mon mari et mon fils ont abusé d’elle. Mon mari a aussi une fille, il ne ferait jamais une chose pareille», nous a déclaré l’épouse et la mère des présumés agresseurs. Ils ont porté plainte à la police pour fausse accusation.
Après le meurtre horrible de la petite Edouarda Gentil, le pays est une fois de plus secoué par une sordide histoire qui touche une gamine sans défense, qui a été brutalisée et souillée. La petite Preety pourra-t-elle un jour effacer ce traumatisme de sa mémoire et retrouver un semblant de vie normale ? Rien n’est moins sûr…
*Prénoms modifiés
Les délits sexuels en hausse à Maurice
Les chiffres parlent d’eux-mêmes et donnent des sueurs froides. Les statistiques des autorités pour 2013 font état d’une hausse dans le nombre de délits sexuels dans l’île. Entre 2012 et 2013, il y a eu une augmentation de pas moins de 29 %. Par ailleurs, selon l’étude War@Home, menée par Gender Links en collaboration avec le Mauritius Research Council sur les indicateurs de la violence sexuelle, 69 % des cas ne sont pas rapportés à la police. Et la plupart des victimes restent dans l’ombre.
Quatre autres cas d’agression sexuelle rapports en une semaine
Dans les basses Plaines-Wilhems, une fille de 10 ans accuse son beau-père d’avoir abusé d’elle sexuellement. Selon ses dires, son calvaire durait depuis environ deux ans. Elle a fini par tout raconter à sa mère qui a rapporté l’affaire à la police, en présence d’un officier de la Child Development Unit. L’enfant a expliqué à la police, dans les moindres détails, les sévices que lui faisait subir son bourreau. Le présumé agresseur est recherché par la police.
La police enquête également sur un autre cas d’agression sexuelle sur une enfant. Ce, après qu’une petite fille de 4 ans, habitant un faubourg de la capitale, a allégué que son grand-père lui a fait subir des attouchements sexuels.
Dans l’est de l’île, c’est une ado de 15 ans qui allègue avoir été violée par nul autre que son frère âgé, lui, de 13 ans. Selon l’adolescente, l’acte se serait déroulé sous leur toît en mars.
Dans l’Ouest, cette fois, une ado de 13 ans a avoué avoir eu des relations sexuelles avec son petit ami de 19 ans sur une plage. Dans les quatre cas mentionnés, la police a ouvert une enquête pour retrouver les présumés agresseurs et faire la lumière sur les circonstances exactes de ces agressions.
La ministre Aurore Perraud : «Une histoire qui choque et qui révolte»
Pour Aurore Perraud, le cas de la petite Preety est «choquant et révoltant». La ministre de l’Égalité du genre, du Développement de l’enfant et du Bien-être de la famille reconnaît que la cellule familiale est devenu un lieu parfois dangereux pour les enfants. «Hélas, le cocon familial n’est, dans certains cas, pas un lieu de sûreté pour un enfant. Souvent, l’enfant est abusé par un membre de sa famille. Cela remet en question toutes les valeurs morales. Le pays a progressé sur le plan économique et infrastructurel. Mais pas la société dont la mentalité n’a pas suivi le progrès.»
Questionnée sur le cas de la petite Preety, un haut cadre de la Child Development Unit nous a appris qu’il y aura une enquête. «Nous allons mener une enquête pour savoir si ce cas de maltraitance a réellement été rapporté à notre département. Quoi qu’il en soit, la maman avait la possibilité de dénoncer le cas de sa fille dans n’importe quel poste de police de l’île si vraiment elle avait des soupçons, surtout en présence des traces de morsures sur le corps de son enfant.» Notre interlocutrice poursuit : «Elle avait aussi le droit de prendre son enfant à sa charge en l’absence d’un ordre de la cour concernant la garde de l’enfant. Elle aurait pu tout simplement faire une entrée à la police en ce sens. Cette procédure est valable dans n’importe quel cas où la cour n’a pas encore rendu un verdict concernant de la garde d’un enfant.»
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