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8 mars 2023 03:08
Il est libre. Ou presque. L’avis d’appel de la représentante du bureau du Directeur des poursuites publiques (DPP), après que la magistrate Jade Ngan Chai King a accédé à la demande de remise en liberté conditionnelle de Bruneau Laurette le mardi 21 février, n’était que provisoire. Ainsi, après six jours à étudier son ruling, le DPP n’a finalement pas contesté cette décision de remise en liberté conditionnelle. Bruneau Laurette a donc été libéré, ce lundi 27 février, sous des conditions strictes imposées par la cour de Moka. À sa sortie du tribunal, l’émotion était à son comble. Après 115 jours en détention, l’activiste-politicien a enfin pu serrer contre lui sa compagne Dominique Raya, ses enfants et ses proches ; cela, sous les acclamations de joie de ses die-hards, toujours fidèles au rendez-vous. Grâce aux contributions de sa famille, de ses amis, ainsi que de bon nombre de Mauriciens, Bruneau Laurette, dont les comptes avaient été gelés à peine quelques jours plus tôt par le Financial Intelligence Office (FIU), a pu régler ses cautions totalisant plus de Rs 2 M.
Il lui est impossible de masquer sa joie. Présent au tribunal de Moka le jour de la libération de Bruneau Laurette, l’activiste Percy Yip-Tong s’exclame : «Mon bonheur était intense. J’étais certain qu’il allait être libéré car je voyais difficilement le DPP faire appel vu les conditions hyper strictes imposées par la magistrate.» Les jours précédents, dit-il, il a fait partie de ceux qui se sont démenés pour recueillir l’argent nécessaire pour payer le montant de la caution. Et il le concède : «J’étais confiant que recueillir la somme astronomique de Rs 2 050 000 était possible, mais si les donations des milliers de Mauriciens n’avaient pas suffi, j’allais fournir la somme manquante. Si la police avait décidé que ces donations étaient illégales, j’aurais payé toute la somme en faisant un emprunt bancaire.» Il considère tout de même le geste de tous ces Mauriciens comme «un exploit patriotique historique. Je suis heureux pour Bruneau et remercie tous ceux qui ont oeuvré pour sa libération».
Les retrouvailles avec Bruneau Laurette, raconte-t-il, «étaient chaleureuses». Il est encore ému en repensant au moment où «il a été happé triomphalement par la foule». La militante écologiste Ingrid Charoux est tout aussi émue de ces retrouvailles. Depuis l’arrestation de son «leader», elle n’a manqué aucune de ses comparutions devant le tribunal et a même mis sa vie professionnelle en suspens. «Grâce à beaucoup de Mauriciens, nous avons pu régler la caution. J’ai été vraiment soulagée que le DPP n’ait pas objecté à la décision de la magistrate.» Un sentiment partagé par l’artiste Bruno Raya, qui n’a cessé d’afficher son soutien à l’activiste-politicien. «Se enn mari lakontantman. Nou kone ena enn lenmi ase kosto an fas ki ti pe fer tou pou intimid DPP ek met presion pou Bruneau pa sorti. Zot ti pe rod fer zafer la trenn plis. Nou mari kontan ki DPP pann obzekte. Kouma nou tou kone, DPP ena pouvwar fer apel, me manyer zizman-la inn deroule, nou satisfe. Kan ou enn kroyan, ki ou pann fer nanye, ou pou gagnan.»
Pour ses fidèles, cette décision est la preuve que le système judiciaire fonctionne encore et que le DPP agit en toute indépendance. «Je ressentais dès le début que la magistrate était une personne juste, non-influençable et lucide. Après avoir réfléchi une semaine, le DPP a laissé parler la raison en ne faisant pas appel. La magistrate et le DPP ont rassuré les Mauriciens que le judiciaire a su garder son indépendance et son intégrité. Ils sont les derniers remparts contre les dérives autocratiques du gouvernement et de la police», estime Percy Yip-Tong. Ingrid Charoux, qui a assisté à presque toutes les audiences, abonde dans ce sens. «J’ai toujours cru en la magistrate ; je savais qu’elle serait juste. Les représentants du bureau du DPP ont également fait leur devoir. J’ai souvent pensé qu’ils étaient des chatwas mais je dois les applaudir. Cela démontre que le DPP est impartial même s’il s’est fait lyncher et continue de se faire lyncher sur les réseaux sociaux. Je crois en la justice mauricienne, je crois encore en ces quelques institutions mauriciennes qui ne sont pas tenues par le chantage, et je crois en ce DPP.»
Même son de cloche du côté de Bruno Raya : «La mazorite institision finn pouri, me erezman ki zidisier finn montre ki li ankor indepandan, ek DPP ousi finn montre ki li ankor indepandan.» Il poursuit : «Nous devons remercier le PMSD pour son combat, car si le DPP était encore à la solde du gouvernement, Bruneau Laurette serait toujours derrière les barreaux. Faire libérer les prisonniers politiques aurait été une vraie bataille.»
Comme les autres, Percy Yip-Tong croit plus que jamais dans l’innocence de Bruneau Laurette : «Il est un homme libre grâce à ses avocats, la magistrate et le DPP, mais aussi grâce à ces milliers de Mauriciens qui, dans un élan de solidarité et de patriotisme, ont, en seulement trois jours, récolté plus Rs 2 M pour payer sa caution. Si Bruneau est coupable, je me sentirai trahi et serai très déçu. Mais comme beaucoup de Mauriciens, je suis convaincu de son innocence. Pendant trois ans, il a sans cesse dénoncé la mafia de la drogue et ses liens avec la police et les politiques. L’ennemi numéro un de la mafia de la drogue serait donc en réalité un baron de la drogue ? Totalement absurde !» Optimiste quant à ce que l’avenir réserve à Bruneau Laurette, Ingrid Charoux déclare, pour sa part, que, «au fur et à mesure, les langues vont se délier. Bruneau arrive avec beaucoup de vérités et ce n’est que le début. J’espère que les Mauriciens lui feront confiance sur les décisions qu’il prendra, car je compte le suivre dans ses choix».
Soutenant que le séjour de l’activiste en prison n’a fait que le rendre plus fort, Bruno Raya explique : «Li pann per pou koze, pou denonse, pou montre ki nivo nou finn arive. Se akoz samem linn retrouv li deryer baro. Li enn dimounn sinser, ki ena konviksion, lanbision, vizion. So mision se pou enn lil Moris meyer, pou sanz bann la lwa depase dan lintere tou dimoun, pou Morisien viv an pe. Azordi, tou institision pe lager ant zot, se prev ki sa nom Bruneau Laurette-la for, ki se enn zanfan Bondie. Moris inn ariv a ler enn sanzman, ek sa sanzman-la pou vinn avek Bruneau Laurette, pena dout. »
Certes, sa liberté conditionnelle n’est que la première bataille gagnée dans cette guerre, mais ses fidèles se disent prêts à l’accompagner, l’épauler et le soutenir dans ce qui sera un long et dur combat.
Elodie Dalloo
29 octobre 2022
Bruneau Laurette attire une grosse foule dans la manifestation qu’il organise devant le Parlement à Port-Louis. Il y fait des révélations sur le naufrage du MV Wakashio et sur la Special Striking Team et celui qui dirige cette unité de la police, Ashik Jagai. Il s’attaque aussi au gouvernement et parle encore de l’affaire Kistnen.
4 novembre 2022
Bruneau Laurette et son fils Ryan sont arrêtés chez eux à Petit-Verger, St-Pierre, et sont conduits aux Casernes centrales. La Special Striking Team aurait découvert 42 kg de haschisch (d’une valeur d’environ Rs 210 millions) et deux pistolets dans la voiture de l’activiste. Dans l’après-midi, la police fait aussi une descente chez la compagne de l’activiste, Dominique Raya, à Calodyne, mais ne trouve rien de suspect. Le lendemain, Bruneau Laurette clame son innocence à la cour de Port-Louis. Il est ensuite traduit en cour de Moka. Des comparutions qui se font avec le soutien d’un grand nombre de supporters de l’activiste.
7 novembre 2022
La fille de Bruneau Laurette dépose une Precautionary Measure au poste de police de Moka, disant craindre d’autres descentes policières à Petit-Verger. Dans la foulée, les activistes Percy Yip Tong, Alain Malherbe et Ivan Bibi mettent aussi des Precautionary Measures au même poste de police. Ils auraient reçu des appels anonymes. Une hit list serait aussi en circulation…
8 novembre 2022
Joany Raymond, l’ancien propriétaire du véhicule de Bruneau Laurette, défendu par Me Yatin Varma, est entendu par la MCIT.
9 novembre 2022
Bruneau Laurette est interrogé par la MCIT à propos de ses publications sur les réseaux sociaux.
10 novembre 2022
L’interrogatoire se poursuit. Entre-temps, trois journalistes du groupe Défi Média et le directeur de Top FM se rendent au poste de police de Pope Hennessy pour une Precautionary Measure. Ils disent craindre pour leur sécurité par rapport à la fameuse hit list en circulation mais aussi pour dénoncer un photomontage qui les lie au trafic de drogue, où l’on retrouve aussi Nad Sivaramen, directeur des publications de La Sentinelle, et le journaliste de l’express, Axcel Cheney. Dominique Raya, pour sa part, sert une mise en demeure à l’ASP Jagai et une policière de la MCIT, leur réclamant Rs 20 millions.
11 novembre 2022
La police prend le premier Defense Statement de Ryan Laurette.
19 novembre 2022
Dominique Raya dépose une Precautionary Measure à la police, se disant suivie par une femme…
21 novembre 2022
Le fils Ryan Laurette retrouve la liberté conditionnelle contre deux cautions.
7 décembre 2022
Le rapport du FSL vient confirmer qu’une des armes à feu est fausse, alors que la deuxième en est bien une, avec l’ADN de Ryan Laurette dessus.
16 décembre 2022
Bruneau Laurette est conduit à la prison de Melrose, décision de la magistrate Jade Ngan Chai King en cour de district de Moka.
30 décembre 2022
Bruneau Laurette passe Noël et le Nouvel An en cellule… De la prison, il écrit une lettre où il souhaite ses meilleurs vœux, même à ceux qui auraient planté de la drogue dans sa voiture, car il croit au pardon.
14 janvier 2023
Franklin sort de l’ombre : dans un entretien à TéléPlus, l’homme allègue que Bruneau Laurette lui aurait réclamé Rs 75 000 et Rs 100 000 par mois en guise de Protection Money. Il porte plainte par la suite, accusant l’entourage de Bruneau Laurette d’être derrière un montage vidéo parlant de sa proximité alléguée avec un haut gradé la police. Sauf que par la suite, Franklin lui-même est arrêté. Et voilà que commence une autre affaire qui passionne le pays.
9, 16, 20 et 27 janvier 2023
Autant de débats sur la remise en liberté conditionnelle de Bruneau Laurette.
3 février 2023
En cour, Bruneau Laurette explique la chronologie des événements qui, selon lui, ont mené jusqu’à son arrestation. Il maintient que la drogue retrouvée ne lui appartient pas. Joëlle d’Autriche, ex-épouse de Bruneau Laurette, est appelée à la barre des témoins, pour confirmer, notamment, le métier de son ancien époux comme agent de sécurité sur des bateaux. Les débats se poursuivent pour la remise en liberté conditionnelle de ce dernier.
21 février 2023
Le tribunal de Moka accorde la liberté conditionnelle à Bruneau Laurette mais le bureau du DPP fait avis d'appel de cette décision.
23 février 2023
De la prison de Melrose, Bruneau Laurette jure un affidavit : il y parle de la proximité alléguée du dénommé Frankin avec un haut gradé de la police et de la tentative alléguée de la police de l’empêcher de parler de Franklin dans ses dépositions.
24 février 2023
Dominique Raya porte plainte au CCID. Selon elle, Bruneau Laurette aurait quitté deux groupes WhatsApp le 5 janvier, alors que son portable est entre les mains de la police.
27 février 2023
Bruneau Laurette est libéré sous caution sous certaines conditions.
Stephane Chinnapen
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