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22 avril 2016 15:35
Pourquoi est-ce que Lalit n’est pas d’accord avec la déclaration de sir Anerood Jugnauth, en réponse à une question du député MMM Franco Quirin, concernant l’introduction de la langue créole au Parlement ?
Avec cette déclaration, on a l’impression que le Premier ministre veut maintenir le statut de langues privilégiées que l’anglais et le français ont depuis l’époque du colonialisme. Nous jugeons cette déclaration arbitraire et répressive. Nous estimons que les députés et les ministres auraient dû avoir la possibilité de choisir dans quelle langue ils veulent intervenir à l’Assemblée nationale, c’est-à-dire entre l’anglais, le français et le créole. Selon la loi, c’est l’anglais qui doit être utilisé mais le français est acceptable. Nous, nous proposons que l’anglais et le créole soient utilisés et le français acceptable. On est contre le fait que l’utilisation d’une langue soit imposée. Par contre, nous pensons que le créole à tout à fait sa place au Parlement.
Est-ce que le pays est prêt, selon vous, pour un tel changement ?
Tout à fait. À l’heure où la retransmission des travaux parlementaires en direct à la télévision est en passe de devenir une réalité, cela coule de source que la langue créole, la langue maternelle du pays, puisse être utilisée.
Pourquoi ?
Selon les chiffres officiels, 90 % de la population mauricienne parle le créole et en est fière. Une utilisation de la langue maternelle au Parlement permettrait aux députés et aux ministres de mieux exprimer leurs pensées. L’usage du créole faciliterait aussi la compréhension des débats parlementaires par les Mauriciens. Tout le monde ne comprend pas l’anglais. Il est primordial que tous les Mauriciens puissent suivre et comprendre ce qui se dit au Parlement parce que c’est là que se prennent les décisions importantes pour le pays.
Dans sa réponse à Franco Quirin, sir Anerood Jugnauth explique que plusieurs critères doivent être pris en considération avant d’envisager l’utilisation du créole à l’Assemblée nationale. Comment interprétez-vous cette déclaration ?
Ma question à moi est quels sont ces critères ? Pourquoi n’a-t-il pas dressé la liste de ce qu’il faut faire avant que le créole puisse être introduit au Parlement ?
D’après vous, y a-t-il effectivement «a number of issues», selon les propos du Premier ministre, avant d’envisager l’introduction du créole au Parlement ?
Je ne pense pas qu’il y ait d’énormes changements à apporter. Il faudrait amender la Constitution et les standings orders,et traduire l’Erskine May. Nous avons un dictionnaire de créole et une grammaire. Les sténographes et les transcripteurs devront suivre une formation. Avec des cours intensifs, ça devrait aller très vite. Nous avons un exemple dans le passé, quand l’Institute for Judicial & Legal Studies a formé les transcripteurs de la justice à l’écriture du créole. Un comité parlementaire pourrait aussi se pencher sur ce qui pourrait et ne pourrait pas être dit dans l’hémicycle. Une fois tout cela effectué, la langue créole pourrait très vite trouver sa place au Parlement.
Pensez-vous que les Mauriciens soient en faveur de cette évolution ?
En 2009, Ledikasyon pu travayeravait fait effectuer un sondage par la Sofres. Les deux tiers des personnes interrogées étaient en faveur de l’introduction du créole au Parlement. Plusieurs autres sondages montrent l’intérêt grandissant pour la langue maternelle. Les Mauriciens reconnaissent l’importance du créole dans la société. Il y a désormais beaucoup d’ouvrages, de livres, de documents et de textes en créole. La langue est aussi présente dans les slogans et dans la publicité.
Est-ce une bonne chose ?
Bien sûr. Personne ne peut nier la présence du créole à plusieurs niveaux dans le pays. L’alliance du Premier ministre s’appelle d’ailleurs Lepep.Nous savons bien que tous les meetings et réunions politiques se font en créole. Nos ministres, et même le Premier ministre, s’expriment très souvent en créole. Alors pourquoi une telle prise de position ? C’est incompréhensible. Sir Anerood Jugnauth était lui-même, en 1977 alors qu’il était leader de l’opposition, derrière une private member motionpour que le créole soit utilisé au Parlement. Il y a une reconnaissance de la langue maternelle mais son utilisation à l’Assemblée donnerait beaucoup plus de valeur à cette belle langue.
Quel est votre message aux Mauriciens ?
Dans le sillage de la retransmission des travaux parlementaires à la télévision, nous demanderons aux Mauriciens de faire pression auprès de leurs députés pour que le créole entre au Parlement. C’est un combat légitime.
Bio express : Née en 1948, Lindsey Collen est une romancière mauricienne et une activiste politique, membre du parti Lalit. En 1994 et 2005, elle a remporté le Commonwealth Writers’ Prizedans la catégorie meilleur livre, pour la zone Afrique.
Quelle actualité locale a retenu votre attention ces derniers temps ?
Ce qui m’a interpellée, c’est la combinaison de plusieurs signes montrant qu’il y a une crise au sein de plusieurs de nos institutions, notamment dans le Cabinet ministériel et dans les instances judiciaires, avec plusieurs affaires qui font l’actualité.
Et sur le plan international ?
J’ai suivi l’actualité de Bernie Sanders, candidat à l’investiture démocrate qui a critiqué la politique de Washington.
Que lisez-vous actuellement ?
Comme je me suis retrouvée à court de bouquins, je me suis replongée dans Norwegian Wood, un roman japonais.
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