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26 octobre 2022 19:29
Elle n’avait que 23 ans mais semblait, à un si jeune âge, avoir connu les difficultés de plusieurs vies. En effet, l’existence de Maëva Edouard n’a jamais eu l'aspect d'un fleuve tranquille, à en croire ses proches. Et pour finir, la jeune femme est partie tragiquement, battue à coups de marteau le mercredi 19 octobre. Laissant son entourage choqué et abasourdi de chagrin, regrettant de n’avoir pu lui venir en aide pour sortir de cette vie qu’elle avait, disent-ils, choisie et qu’elle ne voulait pas quitter malgré leur insistance et leurs efforts dans ce sens.
Cette jeune maman de deux enfants de 5 et 4 ans avait d’ailleurs déserté le toit familial depuis un moment pour aller élire domicile dans un abri de fortune sur un terrain en friche à Roche-Bois, à l’arrière du jardin Sir Gaëtan Duval. Selon son entourage, elle était tombée dans l’enfer de la drogue et de l’alcool, et pour subvenir à ses besoins et s’acheter ses doses, elle se prostituait ou mendiait. Le mercredi 19 octobre, c’est sur le terrain en friche où elle habitait que son corps sans vie a été retrouvé. Elle portait des blessures à la tête et était seulement vêtue d’une blouse bleue, avec des chaussettes noires aux pieds, alors que le reste de son corps dénudé était couvert d’une serviette. Si l’autopsie a attribué son décès à un traumatisme cranio-cérébral, un proche qui s’est rendu sur le lieu du drame juste après la découverte macabre estime que Maëva a peut-être aussi été victime d’une agression sexuelle. Une fin terriblement tragique pour une vie jalonnée de drames.
Kavi, le beau-frère de la victime, est l’un des derniers membres de sa famille à l’avoir vue vivante. «J’étais très proche de ma belle-sœur car c’était une fille bien malgré la vie qu’elle menait. Le samedi 15 octobre, je l’ai vue et elle est venue me demander de l’héberger chez moi, car elle craignait pour sa sécurité. Li ti dir mwa linn gagn menas de mor. Mais à aucun moment, elle n’a fait mention de l’identité de la personne qui la menaçait. Je lui ai demandé de venir avec moi mais elle m’a dit qu’elle avait des choses à faire avant», confie le jeune homme.
Le mercredi 19 octobre, il l'a à nouveau croisé dans la rue. «Il était entre 9 heures-9h30 quand je l’ai aperçue pour la dernière fois. Elle était accompagnée de quelqu’un et je ne suis pas inquiété plus que ça. Et vers 13h30, j’ai eu la nouvelle de son décès qui, je peux le dire, a eu l’effet d’une bombe pour nous tous.» C’est l’ex-concubin de la jeune femme qui lui a fait parvenir la triste nouvelle à travers une tierce personne. «Son ex-concubin n’habitait plus avec elle dans cette cabane mais le frère de ce dernier si. Je ne sais pas quelle était la relation entre eux deux, s’ils étaient proches ou non», souligne Kavi, visiblement très affligé.
Tout comme Sandra Victor, la mère de la victime, qui, épaulée par sa cadette Tatiana, ne peut contenir ses larmes. Si elle avoue avoir eu du fil à retordre avec Maëva, elle confie qu’elle ne pourra jamais oublier que c’est à travers elle qu’elle a découvert les joies de la maternité. «Elle était belle et adorable, et je l’accueillais toujours à bras ouverts à chaque fois qu’elle se tournait vers moi. Car peu importe la vie qu’elle menait, Maëva était mon enfant et je voulais son bien. On a tout fait pour qu’elle change de vie. À chaque fois qu’on essayait de la raisonner, elle entamait un semblant de changement pour ensuite retomber dans ses travers», sanglote-t-elle.
Sandra ajoute qu’à plusieurs reprises, des connaissances lui ont dit d’aider Maëva à sortir de cette spirale infernale où elle s’était engouffré. «Je l’ai déjà aperçue dans la rue en soirée allant chercher des clients, et des connaissances m’avaient aussi déjà fait part de cela, me suppliant d’aider ma fille à se reprendre en main. J’ai essayé plusieurs fois, en vain. Est-ce le fait qu’elle se droguait qui l’a menée vers cette vie ? Je ne saurais le dire. Je lui ai même dit à un moment donné de penser à ses enfants et de changer pour eux. Mais voilà qu’aujourd’hui, la vie qu’elle a choisie l’a conduite à sa mort.»
Se remémorant la dernière conversation téléphonique qu’elle a eue avec sa fille, Sandra éclate en sanglots. «Maëva n’avait pas de portable et quand elle croisait le chemin d’une personne qui lui permettait d’utiliser son téléphone, elle en profitait pour nous appeler. Lors de son dernier appel, elle m’avait dit qu’elle avait faim et me demandait si elle pouvait venir me voir. Je lui ai dit que je n’étais pas à la maison pour éviter tout problème. Car à cause de son penchant pour la drogue et l’alcool, les dernières fois qu’elle était venue chez moi, elle s’était mal comportée et cela a créé des problèmes avec les voisins. Si mo ti kone mo dir li vinn lakaz dernye fwa linn sonn mwa», lâche-t-elle, la voix remplie de tristesse.
La sœur cadette de Maëva est elle aussi anéantie après ce drame. «Je ne me rappelle plus quand je l’ai vue pour la dernière fois. Par contre, elle m’avait appelée il n’y a pas longtemps pour me dire qu’elle avait hâte que j’accouche pour qu’elle puisse venir me voir et m’a demandé de lui faire le plaisir d’être la marraine du bébé. Malheureusement, elle ne pourra pas connaître cette joie et ma souffrance est encore plus grande quand je vois ses enfants qui grandiront sans elles», pleure Tatiana.
Le compagnon de Sandra Victor abonde dans le même sens. «Ce qui est arrivé est très triste. Surtout quand je pense que Maëva était très bien avec nous auparavant. Mais la tentation pour la vie qu’elle avait choisie de mener était plus forte. Nous avons à plusieurs reprises essayé de la raisonner mais sans succès. Et aujourd’hui, ce sont ses enfants qui sont les perdants dans cette situation.»
Mais, selon un proche de la jeune femme, l’histoire de Maëva est encore plus tragique qu’elle n’y paraît. Pour lui, c’est sa relation avec certains membres de sa famille qui l’ont poussée à choisir la vie qu’elle menait. Orpheline de père, elle a grandi avec sa mère, son beau-père et ses demi-sœurs et frères. «Cela fait sept mois environ qu’elle a quitté le domicile familial pour élire domicile sur ce terrain en friche. Il y a un couple du voisinage qui la terrorisait, la battait souvent et lui réclamait sans cesse de l’argent. N’ayant pas de soutien de ses proches face à la terreur que lui faisait vivre ce couple, Maëva a préféré s’enfuir dans un premier temps à Cité Richelieu en pensant être en paix. Mais elle a eu quelques déboires là-bas aussi et s’est finalement installée à Roche-Bois, dans la cabane où elle a été retrouvée morte.»
Selon notre interlocuteur, personne ne lui aurait demandé de regagner le toit familial. Ses proches auraient été plutôt soulagés qu’elle parte et ne revienne plus. Toujours selon cette source, Maëva aurait même été agressée physiquement et sexuellement par un membre de son entourage proche quand elle était plus jeune. Elle aurait grandi dans un environnement fait de violence, de drogue, d’alcool, de pauvreté, de promiscuité, et aurait aussi été vendue à des hommes par une proche à partir de l’âge de 14 ans. D’autres personnes de son entourage l’auraient également utilisée, notamment en la faisant se prostituer, avant de l’abandonner à son triste sort. «La vie de Maëva a toujours été un enfer… Et elle l’a été jusqu’au bout. Elle a voulu s’évader de cet environnement toxique mais ça a malheureusement été de la mauvaise manière.»
La première fois qu’elle avait quitté la maison, c’était pour aller vivre avec l’homme de qui elle était tombée enceinte à 16 ans. Un deuxième enfant est très vite né de cette relation. Puis, elle est retournée vivre dans sa famille quand les choses n’ont plus fonctionné avec cet homme. Les deux enfants sont restés vivre avec leur père. Mais avec sa famille aussi, les choses n’ont pas mieux fonctionné, la poussant à trouver un autre lieu de vie où sa vie de martyre a continué de plus belle. Elle avait rencontré un autre homme qui vivait sur place avec elle mais lui aussi était parti et depuis, Maëva vivait là avec le frère de celui-ci, un dénommé Stephan Simon. Après ce mercredi fatidique où elle a été battue à mort, l’homme a été arrêté car soupçonné d’avoir tué Maëva, mais il nie ces accusations. Il est toujours en détention et l’enquête continue pour faire toute la lumière sur cette affaire et rendre justice à une jeune femme partie tragiquement à l’issue d’une jeune vie remplie de drames.
Valérie Dorasawmy et Elodie Dalloo
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