Publicité
25 juillet 2016 21:29
Quiest-il vraiment ? Qui est ce «prêtre» tamoul réunionnais qui n’arrête pas de faire parler de lui depuis le début de la semaine car il aurait tué une jeune habitante de Chemin-Grenier avant d’essayer de se donner la mort ? Le mystère autour de lui reste épais quoi que des éléments donnent à penser que celui qui se trouve actuellement aux soins intensifs de l’hôpital de Rose-Belle est un personnage trouble.
Né Marouf Hadgi Latchimy, ce ressortissant réunionnais de 39 ans – qui fait régulièrement le va-et-vient entre notre île et l’île sœur depuis plusieurs années et se fait appeler de différentes façons : Julien, Vimen ou Murugen – fait la Une des journaux depuis le mardi 19 juillet. Ce jour-là, en rentrant chez elle, Savita Nayaransami l’a retrouvé grièvement blessé à côté de sa fille Wendina, 21 ans, égorgée. La jeune femme, qui se trouvait sur un sofa beddans le TV room, était déjà morte et l’homme semblait s’être infligé lui-même des coups à l’arme blanche dans le but de se tuer. Deux couteaux ont par la suite été retrouvés non loin du lieu du drame.
La police pense que le Réunionnais aurait étranglé et tailladé la jeune femme au cou après une violente dispute. Les enquêteurs n’écartent pas la thèse d’une tentative de viol qui se serait mal terminée. Avant de commettre son forfait, le religieux aurait verrouillé l’une des deux portes de la maison de l’intérieur. Et plus tôt, il aurait demandé à Savita, chez qui il habite depuis deux mois, d’aller effectuer une transaction pour lui à une banque de la localité. Ce qui amène la famille de la victime à penser qu’il a bien préparé son coup et a éloigné à dessein la mère de Wendina.
Le présumé meurtrier vivait chez les Nayaransami depuis mai, soit depuis qu’il avait été prié de quitter le kovilde Beau-Vallon, où il officiait, en raison de son inculpation dans une affaire de viol. Arrivé chez nous le 28 avril, Marouf Hadgi Latchimy, détenteur d’un visa touriste, a été arrêté un mois plus tard. Une Sudiste a porté plainte contre lui pour viol, le 25 mai, au CCID. L’homme, marié et père de trois enfants à La Réunion, a dû fournir une caution pour retrouver la liberté (voir hors-texte).
Et depuis le drame de Chemin-Grenier, des personnes n’hésitent pas à monter au créneau pour dénoncer ce personnage «trouble». «Voilà ce qui arrive lorsqu’on recrute n’importe qui pour officier comme prêtre. J’ai cru comprendre que chez lui, à Saint-Leu, il est plus connu comme un Tiloute, soit un sorcier réunionnais. Il a construit un temple là-bas qui porte son nom», confie un habitant de Beau-Vallon.
Selon plusieurs sources, Marouf Hadgi Latchimy officiait comme «prêtre» au kovilde Beau-Vallon depuis deux ans, après avoir fait la même chose dans un temple à Flacq, et se faisait appeler ayaMooroogen. Toutefois, la direction du kovil de Beau-Vallon dément cela et donne sa version des faits. Harry Krishna Reddy, membre de l’équipe dirigeante, précise : «Cette personne n’officiait pas comme prêtre dans notre kovil. Nous avons fait venir deux swamisde l’Inde à cet effet. Le Réunionnais apportait toutefois son aide lorsqu’il y avait des prières. Le kovilest toujours ouvert à ceux qui veulent aider et faire des prières.»
Quoi qu’il en soit, Marouf Hadgi Latchimy aurait, selon certaines personnes, animé plusieurs soirées de prières dans le cadre du Thaipoosum Cavadee et aussi des sessions de marche sur le feu et sur les sabres. Il prévoyait d’en organiser une autre à la fin du mois d’août. Il y en a parmi les dévots qui le décrivent d’ailleurs comme un «ayatrès sympathique» : «Il animait très bien les séances de prières. Il était toujours très gentil, souriant et était très populaire», confie l’un de nos interlocuteurs. Mais, l’homme restait un mystère : «Le seul hic, c’est qu’on ne savait rien sur sa vie.»
D’autres personnes étaient aussi très critiques envers certaines de ses pratiques. «Il a toujours donné de bons enseignements mais il pratiquait certains rites occultes qui frôlaient la magie noire, notamment une cérémonie où il fumait pour contenir un prétendu esprit. Des dévots désapprouvaient cela», confie l’un d’eux.
En tout cas, Marouf Hadgi Latchimy était apprécié par beaucoup, dont la mère de Wendina qui le considérait comme son «fils».Cette dernière n’avait pas hésité à l’accueillir chez elle après l’histoire du viol qu’il a toujours niée. «Il a dit à ma belle-sœur qu’il n’avait pas commis cette agression sexuelle. Elle avait une grande estime pour lui et lui faisait aveuglement confiance», souligne un oncle de Wendina.
Aujourd’hui, Savita et les siens regrettent amèrement de l’avoir accueilli. Depuis le terrible drame qui les a frappés, ils sont animés d’un grand sentiment de tristesse, de révolte et de culpabilité. «Il a bien caché son jeu. Il a abusé de la confiance de ma belle-sœur. On pense tous qu’il a prémédité son coup», martèle l’oncle de la victime.
Un autre oncle raconte que c’est par l’intermédiaire de Rilana, la sœur aînée de Wendina, que cette dernière et Savita avaient fait la connaissance de Marouf Hadgi Latchimy, il y a neuf ans. Au fil des années, mère, fille et ayasont devenus très proches et l’homme venait régulièrement dormir chez elles. «Mo pa ti dakor ek sa ditou parski sa misie la ti tro paret bon dimun. Akoz li ti pros are bann la mem ki dimun ti kwrar ki li ti pe sorti are mo niece», souligne notre interlocuteur.
Mais lui affirme qu’il n’était au courant d’aucune relation amoureuse entre les deux : «À ma connaissance, il n’a jamais dit à ma belle-sœur qu’il éprouvait de l’amour pour ma nièce. Et vice-versa. Je précise que ma nièce avait un fiancé. Les deux venaient d’ailleurs de rompre pour des raisons propres à eux. Elle avait toutefois gardé de bonnes relations avec lui. Le jeune homme n’a pas hésité à apporter son aide pour monter une salle verte lorsqu’il a appris la triste nouvelle.»
Par contre, l’avocat de Marouf Hadgi Latchimy, Me Said Larifou, avance que son client lui a dit qu’il «aimait»la jeune fille et qu’il comptait «l’épouser et l’emmener» à La Réunion. Dans un article paru dans un quotidien de l’île sœur, l’avocat explique aussi que son client était «dans un état psychologique extrêmement délicat»lors de leur dernière rencontre : «J’avais même fait part à sa famille qu’il avait besoin d’assistance et d’être écouté, de discuter et d’échanger. Il était complètement isolé à Maurice.» Nous n’avons pu joindre Me Said Larifou pour avoir des détails supplémentaires à ce sujet malgré nos nombreuses sollicitations au téléphone.
Wendina, ancienne élève du Hindu Girl College, était étudiante en comptabilité. Jeune fille de son temps, elle conduisait sa propre voiture, une Suzuki Swift, offerte par sa famille. Elle venait de fêter ses 21 ans, le samedi 16 juillet, et ce jour-là, sa mère et elle s’étaient rendues à Bagatelle pour passer du bon temps ensemble. Elles étaient très proches, surtout depuis le décès de Soundiren, l’époux de Savita. Cet ancien laboureur de la propriété sucrière de St- Félix a succombé à une longue maladie, il y a six ans. Rilana, la sœur aînée de Wendina, est mariée et vit dans l’Est alors que la cadette, Jenita, mariée à un Polonais, vit en Irlande. Cette dernière, qui était en vacances chez nous le mois dernier, est revenue d’urgence au pays dans la soirée du mercredi 20 juillet pour pouvoir assister aux funérailles de sa sœur, le lendemain matin, au domicile de leur tante maternelle Soonita Dorassu à Camp-Jeannette, Chemin-Grenier.
Des funérailles déchirantes pour tous ses proches. «Ma nièce était promise à un bel avenir. Le destin en a cependant décidé autrement», regrette un oncle tristement.
Marouf Hadgi Latchimy devrait faire l’objet d’une accusation provisoire d’assassinat s’il se remet des blessures qu’il se serait infligées le mardi 19 juillet. Le Réunionnais fera alors face à la justice mauricienne pour la deuxième fois cette année. En mai, il avait été arrêté et remis en liberté conditionnelle pour une affaire de viol. Le 25 mai, une habitante du Sud, âgée de 34 ans, a consigné une déposition au CCID alléguant qu’elle a été agressée sexuellement par Marouf Hadgi Latchimy, le 31 mars à son domicile. La présumée victime raconte qu’elle a fait la connaissance du suspect, un religieux tamoul réunionnais connu comme ayaMooroogen, lors d’une séance de prières au kovilde Beau-Vallon.
Elle ajoute que l’ayaMooroogen est venu chez elle à plusieurs reprises sans invitation pour déjeuner et dîner. Puis, il aurait commencé à appeler régulièrement la jeune femme au téléphone. Lors d’une de ces conversations, le religieux l’aurait invitée à venir à La Réunion avec sa fille, en lui assurant qu’il allait faire les démarches pour les loger dans un hôtel. Il lui aurait aussi fait part de son désir d’avoir des relations sexuelles avec elle sur place. L’habitante de Sud précise qu’elle a catégoriquement refusé cette invitation avant de couper tout contact avec le religieux. En janvier dernier, ils auraient cependant renoué des liens lors de séances de prières en marge du Thaipoosum Cavadee. Le 7 mars, ils se seraient revus pour la fête Maha Shivratee.
Après les célébrations au kovilde Beau-Vallon, Marouf Hadgi Latchimy lui aurait dit qu’il voulait venir chez elle pour faire une prière spéciale. Il aurait fixé le rendez-vous au jeudi 31 mars, à 11 heures. La jeune femme lui aurait précisé que son époux et ses deux enfants allaient les rejoindre un peu plus tard ce jour-là. Le jour-J, l’ayaMooroogen aurait toutefois débarqué chez elle à 9 heures, alors qu’elle était seule, arguant qu’il fallait commencer la prière plus tôt. Il lui aurait demandé d’apporter un verre d’eau, du riz et des fleurs comme offrandes. Le religieux lui aurait ensuite demandé de s’asseoir sur un sofa dans le salon pendant qu’il faisait ses rituels.
«À un certain moment, il m’a remis le verre d’eau et m’a demandé de boire une gorgée. Il disait qu’il y avait de la cendre sacrée et du limon dedans. Le breuvage avait un goût bizarre. Peu après, j’ai eu mal à la tête et je me suis sentie mal», raconte la jeune femme. L’ayaMooroogen l’aurait alors invitée à aller se reposer dans sa chambre. «Peu après, il est entré dans la pièce et m’a forcée à avoir des relations sexuelles avec lui. J’ai été blessée et traumatisée. J’ai dû avoir recours à une assistance médicale un mois plus tard car j’étais tombée enceinte», ajoute la jeune femme. Elle est restée injoignable pour une réaction et son entourage n’a pas voulu faire de commentaires. Marouf Hadgi Latchimy, pour sa part, a toujours réfuté cette accusation. Il a d’ailleurs écrit une note, retrouvé à ses côtés, le mardi 19 juin, après le drame de Chemin-Grenier, dans laquelle il nie encore une fois le viol.
Publicité