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Mélanie Vigier de Latour-Bérenger : «Quand un enseignant insulte ou frappe un enfant, quel exemple lui donne-t-il ?»

8 avril 2015

Mélanie Vigier de Latour-Bérenger

Des parents qui débarquent dans une école pour contester une punition infligée par un enseignant à des élèves. Comment analysez-vous ce qui est arrivé ?

 

Un enfant a besoin de limites, de balises. Un adulte aussi. En classe comme dans la vie, personne n’a toute liberté d’agir comme il le souhaite. Certains actes doivent être repris et sanctionnés. Je parle des actes, pas de la personne qui les commet. Si un enfant en frappe un autre, casse des objets dans la classe parce qu’il est en colère, commet des actes qui ne sont pas acceptables pour une vie en société ou en communauté, il importe d’en parler avec lui, de lui faire comprendre les conséquences de ce type de comportement, et de trouver avec lui des moyens plus appropriés de s’exprimer. On peut tous être en colère et le dire, mais il est capital que cette expression se fasse dans le respect de soi, de l’autre et de l’environnement. Un enfant peut l’apprendre dès le plus jeune âge. Les parents et les enseignants doivent pour cela lui montrer l’exemple.

 

C’est-à-dire ?

 

Il est important de dissocier sanction et punition. Des actes de violence ou de non-respect de l’environnement peuvent et doivent être sanctionnés. Par exemple, si un enfant écrit sur les murs ou renverse de la peinture volontairement en classe, il est inutile de lui crier dessus, encore moins de le frapper. Il importe de parler avec lui de l’acte commis, puis il le réparera en nettoyant. Si un enfant en frappe un autre, il faut lui faire prendre conscience de son acte de violence, de la souffrance et de la tristesse ressenties par celui qui a été frappé. Après, il trouvera une solution pour tenter de réparer son acte, soit en demandant pardon à l’autre enfant.

 

Qu’en est-il de l’enseignant ?

 

Si un enseignant punit un enfant en le frappant, en lui donnant des coups de règle, en l’humiliant, il est normal que ses parents réagissent en condamnant cet acte et en parlant avec le directeur d’école et l’enseignant. Ce n’est pas seulement normal, mais nécessaire. Les parents ont la responsabilité de protéger leur enfant et d’interdire que quiconque le frappe ou l’humilie. C’est inacceptable qu’en 2015 à Maurice, des enseignants utilisent la violence verbale, physique ou psychologique sur les enfants.

 

Que pensez-vous de la punition corporelle en milieu scolaire ?

 

La punition corporelle est interdite en milieu scolaire. Les enseignants et directeurs d’école n’ont pas le droit d’y avoir recours. Malheureusement, c’est encore beaucoup trop fréquent. Toute forme de violence devrait être proscrite, dans les familles aussi. Aucune forme de violence n’est positive ou constructive. En aucun cas, la violence n’est utile pour que l’enfant se comporte mieux ou apprenne mieux. Au contraire, elle crée de la peur et cause un manque de confiance en l’enfant qui la subit.

 

La violence éducative est-elle trop banalisée ?

 

Oui, la violence est beaucoup trop banalisée et normalisée à Maurice. Toute forme de violence est source de souffrance. Il n’y a pas de petite claque ou de «enn ti zoure». Les conséquences de la violence sont multiples, importantes et pas toutes visibles. La violence nuit à la construction et au développement de tout enfant victime. Même si elle est culturellement acceptée, même si elle est utilisée dans les familles depuis des générations, elle est inefficace et elle n’est en aucun cas justifiée. Personne ne mérite de recevoir des coups ou des injures. La violence fait l’objet de recherches depuis plusieurs années. Dans les années 80, on a commencé à étudier le battered child. Les conséquences de la violence s’observent sur les plans psychologique, physique, social et scolaire.

 

Qu’observe-t-on sur le plan physique ?

 

Sur le plan physique, on peut observer des blessures à répétition, souvent cachées, et des réactions psychosomatiques telles que des maux de ventre et de tête. Il arrive aussi que des enfants se remettent à faire pipi au lit. 

 

Sur le plan psychologique ?

 

On observe un manque de confiance en soi, une faible estime de soi, des changements brutaux de comportement ou encore une grande tristesse, un état dépressif. On peut aussi noter un isolement, un grand sentiment de solitude, beaucoup de peur, une attitude passive et silencieuse ou à l’inverse beaucoup d’agitation. D’autres signes encore doivent alerter, comme l’hypervigilance, des crises de larmes sans raison apparente, des cauchemars, des insomnies, l’angoisse de la mort, des troubles alimentaires, une frayeur du contact physique et l’automutilation. Ça peut aller jusqu’au suicide.

 

Et sur le plan social ?

 

Il faut être attentif aux changements de comportement : absentéisme scolaire, chute des résultats, agitation, problèmes disciplinaires, isolement, comportement agressif ou provocateur. L’Organisation mondiale de la santé a reconnu en 2010 que le facteur principal pour commettre des violences est d’en avoir déjà subi. Un enfant victime de la violence d’un parent ou d’un enseignant risque plus d’avoir recours à la violence envers les autres.

 

Les enseignants d’aujourd’hui ont-ils moins d’autorité ?

 

L’autorité peut et devrait être transmise dans le respect, à travers la parole. Quand un enseignant insulte un enfant, l’humilie ou le frappe, quel exemple est-il pour l’enfant ? Si un enseignant a ce type de comportement, comment ne pas s’attendre à ce que l’élève agisse de la même manière ? 

 

Bio express

 

Diplômée de l’université Paris-V-René-Descartes, Mélanie Vigier de Latour-Bérenger est psychosociologue et directrice de Pédostop, association mauricienne de lutte contre les abus sexuels sur les enfants. Elle est aussi membre du Kolektif Drwa Zanfan Morisien et vice-présidente de la Société des professionnels en psychologie de Maurice.

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