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1 mars 2020 22:39
Elle entre dans sa modeste maison d’un pas lourd en ce début de soirée du vendredi 28 février. Ses jambes ne la tiennent plus et ses pieds sont endoloris. Tout son corps semble la lâcher. L’après-midi a été très difficile et très long pour cette habitante de Camp-Levieux. Quatre heures plus tôt, la dépouille de son fils Mervin Bibi a quitté sa demeure pour se rendre en l’église de Saint-Patrick, à pied, sous une pluie battante. Ensuite, le convoi s’est dirigé vers le cimetière de Bois-Marchand où l’inhumation a eu lieu dans des conditions très difficiles. «Inn bizin refouy trou. Serkey ti tro long. Ti ena labou partou. Sa later rouz-la pa ti fasil ditou», lâche Sylvette Jean-Pierre.
La veille, vers 7h45, Mervin, 21 ans, a été retrouvé mort dans un champ de cannes, à Barkly. Le rapport d’autopsie indique qu’il est mort d’un acute pulmonary oedema causée par une overdose. La police a initié une enquête pour faire la lumière sur cette affaire. Sylvette et les siens comptent d’ailleurs sur la police pour connaître les circonstances exactes entourant le décès de Mervin. Car ils ne comprennent rien à cette histoire. «Mon fils ne se droguait pas. Je veux savoir comment il a pu faire une overdose», confie Sylvette, la voix cassée par l’émotion. «Mo pe fet mo 46 an sa dimans 1er mars-la. Monn gagn enn mari vilin kado», sanglote la quadragénaire.
Mervin n’avait pas d’emploi fixe, explique sa mère. Il avait mis fin à sa scolarité très tôt en raison d’un problème de santé. «Il était en traitement à l’hôpital Brown-Séquard depuis l’âge de 8 ans. Li ti ena problem ner», précise la quadragénaire. Mervin collectionnait des petits boulots pour gagner sa vie. Sa mère, une employée de maison, raconte qu’elle l’a vu pour la dernière fois la veille de la découverte macabre, vers 13 heures : «Il avait pris un bain. Il a mis un T-shirt blanc et un short noir. Il est, par la suite, sorti sans me dire où il allait. J’ai eu un choc terrible le lendemain matin lorsqu’une cousine m’a annoncé la terrible nouvelle.»
Une fois sur le lieu de la découverte macabre, Sylvette a eu la lourde tâche d’identifier la dépouille de son fils. Toutefois, Mervin n’avait plus ses deux portables sur lui ainsi que le piercing qu’il portait au nez. «On savait qu’il avait des amis à Barkly mais on ne les connaissait pas. Si quelqu’un a vu quelque chose de louche ce jour-là, nous l’implorons d’aller le dire à la police.»
Mervin vivait toujours chez sa mère qui a deux autres fils et une fille. Le jeune homme caressait le rêve de travailler comme mécanicien. «Tou dimounn ti apel li Bibi isi. Zot tou kone li fim zis sigaret sa piti-la. Nou pa kone si li ti ena problem ladrog. Pa tou so zafer ki nou ti kone. Enn mari sok pou nou tou sa. Se pou sa ki nou tou anvi kone kouma linn kapav fer sa overdoz -a», insiste Sylvette qui veut en avoir le cœur net sur le décès tragique de son fils.
Gros moyens déployés. Plusieurs unités de la police (ADSU, SSU, Helicopter Squad, entre autres) ont mené, le vendredi 28 février, une opération musclée à Karo Kalyptis, suivant certaines informations reçues. Cela a abouti à l’arrestation de deux personnes : Dorina Spéville et son oncle Jocelyn, et à la saisie de 38 g et 37 g de drogue, soupçonnée d’être de l’héroïne et de la drogue synthétique, d’une valeur de Rs 500 000 et Rs 100 000 respectivement.
Mervin Bibi n’est, hélas, pas le seul jeune à avoir connu la mort par overdose ces derniers temps. Le 10 février, Amar Moonesamy, 17 ans, est décédé après avoir consommé de la drogue synthétique. Laissant derrière lui une famille effondrée. À hier, les proches, dans l’incompréhension totale, attendaient toujours que l’enquête avance. Ils se demandent ce qu’Amar a consommé, comment il s’est retrouvé à l’hôpital, entre autres interrogations.
Depuis le début de l’année, environ une dizaine de personnes, la plupart des jeunes, seraient décédées par overdose de drogue synthétique. Dans notre édition du 16 février, le Dr Ameerah Sorefan, consultante en psychiatrie, nous confiait qu’il y a eu 50 admissions dues aux drogues synthétiques depuis le début de l’année à l’hôpital Brown-Séquard. Elle nous apprenait aussi que, de 2015 à ce jour, le pourcentage d’admissions des consommateurs de drogues synthétiques est passé de 35 à 80 %.
En deux semaines, nous avons eu deux décès de jeunes suite à une overdose de drogue synthétique. Votre constat ?
Je pense que le constat est le même pour les drogues synthétiques et les autres drogues : extrêmement alarmant. Les drogues synthétiques font des ravages parmi les jeunes parce qu’elles ne coûtent pas cher. Mais la situation est tout aussi alarmante pour les autres drogues. Nous sommes tombés sur des jeunes de moins de 13 ans qui se shootaient à la drogue dure !
Le directeur de plaidoyer de PILS, Kunal Nayik, a déclaré cette semaine que la bataille contre la drogue synthétique est perdue…
C’est triste de constater qu’il a peut-être bien raison. Oui, je pense que le trafic de drogue est au-delà des dispositifs actuels mis en place, notamment par les forces policières. Nous avons peut-être perdu la bataille, que ce soit pour les drogues synthétiques ou pas, mais nous devons continuer à combattre sans relâche !
Y a-t-il de la place pour l’espoir ?
Bien sûr ! Nous allons lutter pour que, par exemple, dès l’école primaire, on brise les tabous et on parle ouvertement de la drogue. Et nous allons montrer que la réhabilitation peut se faire, en sauvant des familles entières et en montrant aux toxicomanes qu’il y d’autres nisa dans la vie, comme le sport, la musique, entre autres.
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