Publicité

MMM : la difficile reconstruction

22 juin 2015

Pour se refaire une santé, le MMM doit se lancer dans une reconquête de ses militants.

La nouvelle est tombée. Vous êtes catastrophé ! Depuis que votre sens mathématique est faillible, vous savez qu’un retour au bilo lalo est indispensable. Reprendre tout à zéro. Réapprendre les chiffres : les additions, les soustractions et surtout les pourcentages. Pour suivre Paul Bérenger, il faut sortir la calculette mauve. Celle qui se rechargeait, fut un temps, au soleil, puis manuellement avec un tour de clé. En ce moment, elle serait en perte d’énergie. Cet outil, indispensable pour ne pas se perdre en cours de route, fait frissonner certains militants qui, jusqu’ici, ne juraient que par le leader du MMM. La guerre des chiffres version mauve, c’est la goutte qui fait déborder le jacuzzi (le vase était bien trop petit). Comment ce parti sera-t-il à l’hauteur de sa réputation (auto-décidée) ?

 

C’est la question à… un fort pourcentage : «Le MMM est devant avec 31,37 % des voix, suivi du MSM avec 27,37 %. Le PMSD est en troisième position avec 15,81 % des suffrages, alors que le Muvman liberater n’a eu que 11,03 % des votes.» Il est donc le parti «le plus fort», estime Paul Bérenger. Le problème, estiment de nombreux observateurs, c’est que le leader du MMM ne prend pas en compte que les partis de l’Alliance Lepep n’ont pas aligné, chacun, 120 candidats. D’ailleurs, cette force fait tiquer. «Il faut être honnête, si on était les plus forts, certains d’entre nous auraient été élus, non ?» souligne un candidat mauve de ces dernières municipales. Il n’a qu’une envie : aller prendre un peu l’air.

 

Avec ou sans Paul ?

 

Où ? Il ne le sait pas encore. Mais l’ambiance au MMM, ça ne sent pas très bon, explique-t-il. Mélange de déception, d’illusions perdues et d’arrogance mal placée : «Ce serait le moment de se remettre en question. Mais non, ce n’est pas nécessaire pour le parti le plus fort de l’île.» Notre interlocuteur a la fougue de la jeunesse. Et ne comprend pas les rouages d’un parti qui s’est construit autour d’une figure reine. D’ailleurs, Paul Bérenger a confié vouloir se mettre en retrait. Décision qu’aurait refusée les membres de son Comité central (CC). «Après un débat approfondi, le comité central a pris la décision de ne pas reculer, mais de continuer avec l’équipe élue à bulletin secret», a-t-il expliqué.

 

Bien sûr, le leader des Mauves a eu l’art et la manière de présenter les choses. «S’il s’en va, nous risquons de perdre le poste de leader de l’opposition. Ce serait vraiment une mauvaise chose pour nous», confie un membre du CC. La défaite aux dernières législatives (à cause du PTr) et celle aux municipales (à cause du PTr : «Nous sommes toujours en train de payer le prix de l’alliance avec le PTr», dixit Paul Bérenger) ne sont pourtant que les symptômes d’un malaise interne. D’une maladie qui ronge le MMM depuis longtemps : «Mais elle était cachée. Les dernières élections ont fait ressortir toutes ces mauvaises choses. Depuis, c’est la débâcle», confie une démissionnaire du MMM.

 

D’ailleurs, le départ d’Alan Ganoo et consorts a fragilisé la structure de ce parti. Les guerres intestines, les complots, les frondes contre (et pour !) Paul Bérenger ont fini par faire vaciller l’édifice : «Et l’incapacité du leader maximo de se remettre en question est comme une ultime bourrasque.» Néanmoins, le MMM veut se tourner vers l’avenir. Un avenir dans karo kann, précisent certains observateurs. Qu’importe ! Pour les prochaines législatives, le parti sera toujours là… et toujours fort. «Pour l’instant, nous subissons la popularité de l’Alliance Lepep. Mais les membres du gouvernement feront des faux pas. Il y aura des scandales. Les Mauriciens se lasseront», explique un membre du CC.

 

 Paul Bérenger l’a rappelé cette semaine : «Je dois dire qu’on a pris la mesure de la crainte du public à la suite de la victoire de l’Alliance Lepep et surtout le ton de sir Anerood Jugnauth. Un ton menaçant et hargneux. Le gouvernement actuel se laisse aller à toutes sortes d’abus.» Et c’est là que le MMM se refera une image. Le malheur des autres fera le bonheur des Mauves. De quoi faire battre la chamade à leur cœur dans l’expectative. D’autres espèrent que d’ici quatre ans et des poussières, Paul Bérenger finisse par se retirer avec dignité. «Ces derniers nous ont appris une chose : ce n’est que le leader du MMM qui pourra décider quand il voudra et comment il voudra s’en aller. La pression des militants n’y fera rien», confie un ancien membre du MMM, qui suit la situation politique locale de près. 

 

Redorer l’image

 

La crainte que le ML arrive à rassembler les militants avec l’aide du Mouvement patriotique d’Alan Ganoo ne semble pas perturber Paul Bérenger, estime notre interlocuteur. Surtout que si ce dernier et Ivan Collendavelloo ont le même désir – réunifier la famille MMM –, ils n’en ont pas forcément les moyens actuellement, car le MSM ne serait pas très chaud pour accueillir les dissidents mauves. Et puis, le MMM finira par renaître de ses cendres, estime celui qui a pris ses distances de ce parti depuis longtemps : «Ce n’est pas la première fois que le MMM vit des moments difficiles. L’expérience du passé permet une certaine résilience. Alors, les membres de ce parti se disent qu’au final, ça va aller.»

 

Reste qu’il est nécessaire de se réinventer, comme l’a confié Arvin Boolell au lendemain des municipales : «Le PTr et le MMM doivent se réinventer.» Il ne s’agit pas de se laisser guider par la vague Lepep, de demander des élections anticipées à chaque conférence de presse et de s’allier avec le premier venu (ou le dernier, d’ailleurs). «Après toutes ces émotions, après cette période électorale intense, nous avons la possibilité de souffler et de nous reconstruire. Sans stress», confie le membre du CC. Bâtir une nouvelle image afin de fédérer à nouveau. S’appuyer sur l’ancienne pour cimenter les liens. Et s’assumer : «Pas de jeu d’alliance surtout. D’ailleurs, ça ne servirait à rien pour l’instant.» Mais aussi retrouver la voie de la crédibilité perdue en étant une opposition, une vraie !

 

Et pas de jeu de mathématiques politique, non plus ! Au programme : racheter une autre calculette.

Publicité