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30 octobre 2022 13:47
Face à l’hôtel du gouvernement, à quelques mètres seulement du Parlement, temple sacré de la démocratie, ils sont venus crier leur colère et leur ras-le-bol. Le symbole est fort, très fort. Dans les mains de nombreux Mauriciens, le quadricolore qui flotte a une signification toute particulière en ce samedi 29 octobre. Il symbolise plus que jamais leur appartenance à leur patrie. Cependant, il porte aussi le poids de leur révolte, de leur désespoir, mais aussi celui de leurs espérances pour que cessent enfin les injustices et que leurs vies soient meilleures.
C’est motivé par tout cela et bien plus encore que les Mauriciens ont répondu présents à l’appel à la mobilisation citoyenne lancé par Bruneau Laurette. L’activiste, qui avait donné rendez-vous à la population à la Place d’Armes, a organisé ce sit-in pour réclamer la démission de Yogida Sawmynaden dans le cadre de l’affaire Kistnen et pour s’élever contre le trafic de drogue. Il avait également promis d’importantes révélations sur le naufrage du Wakashio (voir hors-texte).
Avant cela, Bruneau Laurette a lancé un appel pressant aux Mauriciens pour que tous s’unissent et avancent ensemble dans la même direction afin qu’un vrai changement s’opère à la tête du pays. «Nous avons tous un passé douloureux. Nous devons le laisser derrière nous et avancer. C’est la seule direction que nous devons prendre pour un vrai changement. Nous devons mettre notre force, notre courage, nos qualités et nos différences ensemble pour progresser. Quand nous sommes tous ensemble, il y a une vibe positive. Nous devons redonner à notre quadricolore son sens, sa valeur. Nous devons le laver et lui donner sa propreté parce que trop de personnes l’ont souillé.»
Dans la foule, les Mauriciens ont crié leur désir profond pour que les crimes ne restent pas impunis et que les injustices cessent une bonne fois pour toutes. La présence de Simla Kistnen, l’épouse de Soopramanien Kistnen, n’est d’ailleurs pas passée inaperçue. Au moment de prendre la parole, elle a d’abord tenu à remercier les Mauriciens qui lui témoignent sympathie et solidarité. «Je sais que je ne suis pas seule et que la justice finira par triompher car mon mari ne méritait pas une mort pareille. Il était un agent et a beaucoup travaillé pour ces trois ministres mais aujourd’hui, ils n’ont aucune reconnaissance. Il avait beaucoup de projets pour ses enfants, sa famille. Il n’est plus là et plus rien ne pourra le faire revenir mais je dis au gouvernement et à la police de faire leur travail comme il faut. Je garde l’espoir.»
Dans l’assistance, de nombreuses personnalités, dont des politiciens, des activistes, des travailleurs sociaux et des artistes, entre autres, avaient également fait le déplacement pour d’abord se montrer solidaires de la famille Kistnen mais aussi pour réitérer leur engagement dans le combat pour une île Maurice meilleure. Parmi les visages qui ne sont pas passés inaperçus lors de cette mobilisation citoyenne, l'ex CEO de Mauritius Telecom, Sherry Singh, Navin Ramgoolam, d’Arvin Boolell et de plusieurs autres membres du Parti Travailliste. C’est, dit-il, en solidarité avec Simla Kistnen que le leader du PTr a tenu à être présent. «Nous savons aujourd’hui que ce n’était pas un suicide mais un assassinat. Nous devons laisser la justice faire son travail afin de voir la vérité dans cette affaire.»
Roshi Bhadain, leader du Reform Party, a aussi tenu à être là de manière symbolique. «Cette affaire représente tout ce qu'il y a de mal dans le fonctionnement du pouvoir. Assassinat politique, contrats “petits copains”, cover-up. Le plus grave, c’est l’implication de Yogida Sawmynaden qui n’a pas le droit de s’asseoir au Parlement d’un point de vue moral. Les Mauriciens doivent juger. Vous devez comprendre l’importance de votre vote et savoir l’utiliser», a-t-il déclaré.
Dans l’assistance et sur l’estrade, des visages comme Akil Bissessur, Anoop Goodary et Sanjeev Teeluckdharry. Ce dernier a rappelé l’importance du rapport de la magistrate. «C’est un rapport qui vient du judiciaire, qui est indépendant et qui vient dire qu’il y a eu primacy evidence de murder. Le gouvernement vit dans le cover-up. Que fait la police, que fait l’ICAC ? Au lieu d’enquêter, ils s’attaquent à Akil, après ils “target” Sanjeev et quand ils ne trouvent rien, ils vont chez ma belle-mère. Voilà le gouvernement que nous avons aujourd’hui.»
Georges Ah-Yan, Patrick Belcourt, Rajen Narsinghen, Ivan Bibi, Salim Muthy, Narendranath Gopee et des artistes comme Bruno Raya, Jean-Jacques Arjoon, Percy Yip-Tong et Jahfazon étaient aussi sur place, la plupart d’entre eux prenant aussi la parole. L’ancien sportif Stephan Buckland a également lancé un message d’unification. «Nous devons rester solidaires pour que notre nation soit unie. Nous ne devons pas être divisés pour que les abus cessent. Il y a un dieu pour notre peuple. Nous devons les faire partir au plus vite. Avec nous tous ensemble, Maurice va briller.» Un message fort qui a résonné dans les rues de la capitale.
Il avait promis des révélations fracassantes sur l’affaire du naufrage du MV Wakashio. Bruneau Laurette a divulgué des extraits de la retranscription de la conversation entre l’équipe du navire et la National Coast Guard (NCG). Ces informations proviennent de l’enregistrement audio capturé à travers la radio marine dans la soirée du 25 juillet 2020. «Cela démontre toute l’incompétence qui a primé dans l’affaire du Wakashio. Les Mauritius Radio Services sont entrés en contact avec ce bateau vers 18 heures mais ce n’est qu’à 20h06 qu’ils ont commencé à répondre. Ils faisaient quoi tout ce temps ? Est-ce qu’il y avait du monde là-bas ? À 19h25, le bateau était sur le récif et le commandant du Wakashio disait qu’il y avait de l’eau dans l’engin et demandait aux gardes-côtes de mettre un bateau en stand-by. Et nous savons que le commandant de la NCG était à une fête à Flic-en-Flac. L’anniversaire n’était pas sur le bateau.»
Selon Bruneau Laurette, le commandant de l’Helicopter Squadron s’y trouvait également. «C’est à cause de ça que l’Helicopter Squadron n’a pas pu décoller. Ils ne peuvent pas dire qu’il y avait un problème de communication, c’est leur manque de professionnalisme, de connaissance…» Selon l’activiste, il est important de savoir ce qu’il y avait à bord de ce bateau. Il a diffusé des images des caméras CCTV de la plage de Pointe-d’Esny. «Il y avait de la drogue à bord. Dans la nuit du 15 au 16 août, on a mis des dynamites pour détruire le Wakashio et les preuves de la drogue (...) La drogue est sortie du Wakashio. Vous savez qu’on avait retrouvé de la drogue sur un terrain vague ?» Il a aussi diffusé des images d’officiers de l’ADSU manipulant des sacs. «Ils sont allés chercher quoi dedans ? Cette équipe fonctionne à partir de 6 heures et va récupérer de l’argent pour éviter des descentes chez certaines personnes. Il y a certains policiers qui font partie du cartel de la drogue, prenant la drogue par ici pour donner par là-bas.»
En ce qu’il s’agit des Kistnen Papers, Bruneau Laurette a réclamé la démission de trois ministres du no 8. «Leurs dépenses électorales est un mobile pour le crime de Kistnen.» Ils n’ont donc pas le droit moral, estime l’activiste, d’être au Parlement.
Amy Kamanah-Murday
Ils avaient donné rendez-vous. En plus de Bruneau Laurette qui avait invité les gens pour sa manifestation, plusieurs autres partis avaient lancé un appel au public à être présent pour l’occasion, à l’instar de Roshi Bhadain du Reform Party et Patrick Belcourt d’En Avant Moris. Plusieurs du PTr et le parti lui-même avaient aussi fait part de leur intention d’être présents.
Par contre, d’autres n’y étaient pas. Notamment l’Entente de l’Espoir qui l’avait dit ouvertement lors de sa conférence de presse à la veille de la manifestation. Paul Bérenger a expliqué qu'«il y a des personnes qui passent tout leur temps à critiquer l’Entente», précisant qu’il fait notamment allusion à Bruneau Laurette. Le leader mauve a aussi déclaré que les discussions pour un «meeting unitaire» à St-Pierre dans le contexte de l’affaire Kistnen n’avait pas abouti. Il a toutefois déclaré avoir rencontré Navin Ramgoolam et que les différents partis allaient travailler pour trouver une nouvelle date.
Linion Pep Morisien avait aussi fait part de son intention de ne pas être présent à la manifestation, tout en donnant rendez-vous au public pour une réunion à Vallée-Pitot ce 1er novembre à 20h30.
Stephane Chinnapen
«Manif-la inpe galimatia.» C’est en ces termes que l’Attorney General Maneesh Gobin a qualifié la mobilisation à la Place d’Armes le samedi 29 octobre, lors du point de presse hebdomadaire du MSM. Il a ajouté que tout le monde a droit à la liberté d’expression et que le gouvernement écoute les critiques mais pas la démagogie, et que les critiques doivent être constructives. Bobby Hurreram a abondé dans son sens : «Dimounn pe trouve ki sannla pe travay et seule la population peut juger. Car certains montent des cabales juste pour essayer de nous détourner de nos objectifs mais ils n’y arriveront pas. Nous travaillons pour l’avancement du pays. Et nous sommes le seul parti sur l’échiquier politique dont les structures fonctionnent correctement alors que nous avons une opposition disparate, sans structure, sans morale, qui ne fait pas honneur au pays.» La ministre de la Sécurité sociale, Fazila Jeewa-Daureeawoo, a, quant à elle, fait l’éloge des réalisations du gouvernement dans le domaine du social.
Valérie Dorasawmy
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