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12 mai 2014 05:42
C’est une famille en quête de vérité. Elle a besoin de réponses aux nombreuses interrogations suscitées par le décès d’un des siens, que les zones d’ombre entourant cette mort qu’elle estime «suspecte» »soient dissipées. Car, pour l’heure, le flou persiste. «Ça prendra le temps qu’il faudra. Mais on finira par rassembler toutes les pièces du puzzle et faire triompher la vérité», affirme d’emblée Marie-Anne Assirvaden. Elle affiche un air serein, mais au fond d’elle, c’est tout son être qui est meurtri depuis le décès de sa mère Solange, le lundi 5 mai, dans une clinique des Plaines-Wilhems où elle avait été admise la veille. Cela, suite à une chute dont elle aurait été victime au sein de l’hospice où elle vivait depuis 2003. Une thèse en laquelle Marie-Anne et ses proches ne croient pas.
«Nous pensons qu’elle a peut-être été victime d’un acte malveillant. D’abord, personne ne nous a prévenus que ma mère était malade alors que la procédure exige que l’hospice contacte un membre de la famille en cas de maladie ou de décès. De plus, Rs 400 000 ont disparu de son compte bancaire. C’est très suspect», avance Marie-Anne, d’une voix remplie de tristesse. Elle n’arrête pas de se poser des questions sur toute cette affaire, notamment sur ce qui s’est passé dans la journée du dimanche 4 mai. Justement, que s’est-il passé à l’hospice où résidait Solange May Aza, 82 ans, en ce jour fatidique ?
Arrêtée par la police pour fraude, Antoinette Roussety, la directrice du Foyer du Bon Repos, à Quatre-Bornes, a expliqué aux enquêteurs que la vieille dame était tombée de son lit. Or, selon des informations que nous avons recueillies sur place, elle aurait fait une chute dans la cuisine alors qu’elle était sur le point de prendre son thé. Qu’en est-il exactement ? L’enquête policière devrait nous éclaircir bientôt.
«Terrible choc»
En attendant d’avoir des réponses, Marie-Anne Assirvaden, qui habite Baie-du-Tombeau, revient sur toute cette affaire qui la bouleverse profondément ainsi que le reste de sa famille. On est le lundi 5 mai, aux alentours de 13 heures, lorsque Steve Aza, le fils de Solange May Aza, rend visite à sa mère à la maison de retraite du Bon Repos. «Mais sur place, on lui a dit que maman se trouvait à la clinique depuis la veille, soit le dimanche 4 mai. Et qu’elle y avait été admise aux alentours de 10 heures. Il m’a alors appelée pour m’apprendre la nouvelle. J’étais choquée car je suis la personne que la clinique doit appeler en cas de maladie ou de décès», explique Marie-Anne Assirvaden.
Son frère s’est alors rendu à la clinique où une bien triste nouvelle l’attendait : «Une fois sur place, mon frère a appris le décès de notre mère qui avait rendu l’âme quelques heures plus tôt. Cela a été un terrible choc lorsqu’il me l’a dit au téléphone. On ne s’y attendait pas du tout. On venait à peine d’apprendre qu’elle était souffrante et voilà qu’on nous annonce son décès.» Au même moment, dit-elle, à l’entrée de la clinique, les employés d’une compagnie funéraire, dont les services auraient été sollicités par la directrice de l’hospice, refusaient de prendre en charge la dépouille sans l’aval de la famille.
«Plus tard, nous avons appris que la directrice avait déjà contacté le service funéraire alors même qu’on ignorait le décès de notre mère qui avait poussé son dernier soupir vers 10 heures. C’est incroyable», confie la fille de Marie-Anne et petite- fille de Solange May Aza, qui n’a pas souhaité qu’on mentionne son prénom. Mais la famille n’est pas au bout de ses surprises ni de ses peines. Lorsque Marie-Anne se rend à la clinique pour voir la dépouille de sa mère, c’est encore une fois le choc. «Elle portait des ecchymoses aux pieds. C’était horrible à voir. Ma mère était, certes, vieille, mais elle était en bonne santé. Si dans un premier temps, le décès a été attribué à un problème cardiaque, une autopsie pratiquée le mardi 6 mai, à l’hôpital Candos où le corps a été transporté par la suite, a révélé que le décès était dû à une fracture du fémur. Son bassin aurait également été fracturé», raconte Marie-Ange avec émotion.
Contrat rompu
L’affaire ne devait toutefois pas en rester là, à l’en croire. «Nous nous sommes rendus à l’hospice mardi pour récupérer les effets personnels de maman. Mais son armoire était fermée à clé. La gérante nous a alors affirmé que la clé en question était cassée. Au final, nous avons dû briser la serrure. En fouillant ses affaires, j’ai découvert que ses carnets de banque n’y étaient plus. La directrice m’a conseillée de chercher dans un sac suspendu dans un coin de la chambre. Je n’y ai retrouvé que des vieux carnets bancaires alors que les cartes de retrait étaient introuvables. En cherchant encore un peu, je suis tombée des nues en découvrant un document faisant état de deux retraits importants, soit les sommes de Rs 300 000 et de Rs 100 000», soutient Marie-Anne.
Selon elle, cet argent proviendrait d’un dépôt fixe d’un montant de Rs 1,2 million que sa mère avait fait auprès d’une banque il y a quelques années. «Ce dépôt fixe avait été placé pour une période de dix ans. Maman avait décidé, à travers un testament qu’elle avait dûment signé, que l’argent en question serait ensuite partagé entre ses enfants et petits-enfants en guise d’héritage. Mais on a volé notre héritage. Le contrat de ce dépôt fixe a été rompu le 10 avril alors que les deux retraits de Rs 300 000 et Rs 100 000 ont eu lieu les 16 et 30 avril respectivement. Ma mère doit apposer sa signature pour que le contrat en question soit rompu. La directrice aurait-elle exercé des pressions sur elle, allant jusqu’à la conduire à la banque pour lui faire signer des papiers ? On compte demander à la banque des cassettes d’enregistrement pour tirer cette affaire au clair.»
Toutefois, dans sa version à la police, la directrice de l’hospice a nié les allégations qui sont portées contre elle. Dans sa déclaration, elle a avancé que Solange May Aza lui aurait fait cadeau de ces sommes d’argent en signe de reconnaissance pour le bon service rendu. Contactée par téléphone, la fille de la directrice abonde dans le même sens (voir hors-texte). Mais la famille de Solange May Aza ne croit pas en cette version. «Ce que la direction affirme ne peut pas être vrai. On a aussi découvert qu’en 2011, un retrait de Rs 150 000 a été fait sur le compte de ma mère. L’argent aurait servi à acheter une voiture pour l’hospice. Où est cette voiture ?» s’interroge Marie-Anne. Une autre allégation que la fille de la directrice nie catégoriquement. Antoinette Roussety a comparu devant le tribunal de Rose-Hill sous une charge provisoire de fraude électronique avant d’être reconduite en cellule.
En attendant que toute cette affaire soit éclaircie, la famille de Solange May Aza prépare ses funérailles prévues le 17 mai. Infirmière de profession, cette dernière a exercé son métier avec passion avant de prendre sa retraite. Et le destin a voulu qu’elle pousse son dernier soupir au sein même de l’institution où elle s’est dévouée corps et âme. C’est à la fin de sa carrière et après le décès de sa sœur, chez qui elle vivait, qu’elle a choisi d’aller habiter dans une maison de retraite. Alors même que ses trois enfants s’y opposaient. «On voulait qu’elle vienne habiter chez l’un d’entre nous. Mais elle n’a pas voulu. Nous avons respecté sa décision. Nous allions la voir chaque semaine. Elle était pleine de vie. Elle ne méritait pas de mourir dans de telles conditions. La vérité finira bien par éclater», clame Marie-Anne. Ses proches et elles sont plus que jamais déterminés à découvrir ce qui se cache derrière la mort de Solange May Aza. Personne ne pourra les arrêter dans leur quête de vérité.
Cette décision a pris les proches des pensionnaires de court. Le ministère de la Sécurité sociale aurait pris la décision de fermer la maison de retraite du Bon Repos suite à cette affaire de fraude alléguée au préjudice de Solange May Aza, décédée lundi. «Pa ti atann. Pa kone ki pou fer ek mo mama», déclare Gérard Kistnensamy, le fils d’une résidente de cet hospice.
«Monsieur, vous devez reprendre votre mère du couvent au plus vite, si possible pendant le week-end, parce que le ministère de la Securité sociale a pris la décision de ne plus confier les vielles personnes à la direction du Foyer du Bon Repos, à Quatre-Bornes.» C’est ainsi que Gérard, fils de Solange Kistnensamy, 83 ans, qui résidait à Bon Repos depuis 2011, a appris la nouvelle de la bouche d’un préposé du ministère. Celui-ci aurait également appris à une proche de Solange Kistnensamy qu’une enquête allait également être menée sur ce home pour déterminer s’il y a eu d’autres chutes fatales.
En attendant, les Kistnensamy et d’autres familles se retrouvent dans une situation difficile. «Depi ki nou finn aprann ki pou bizin al sers mo mama pendan wikenn, tou nou fami finn gagn sok. Nou enkor pe fer demars pou trouv enn landrwa pou met mo mama. Pas facil bann pri la tro ser», confie Gérard Kistnensamy.
Du côté de la direction du foyer du Bon Repos, on accuse le ministère de prendre une décision hâtive sans penser aux conséquences que cela pourrait avoir sur la vie des résidents qui ont vécu, pour certains, plus de 20 ans dans cet endroit. «Nous n’étions pas au courant. Nous avons appris la nouvelle vendredi par des parents de résidents lorsqu’ils nous ont annoncé qu’ils allaient venir chercher leurs proches. La manière dont le ministère a procédé est très cruelle. Des résidents ont été bouleversés lorsqu’ils ont appris qu’ils devaient quitter l’hospice au plus vite», nous a déclaré la fille d’Antoinette Rousety.
Interrogé, un haut cadre du ministère de la Sécurité sociale a confirmé qu’une enquête est en cours, sans toutefois se prononcer sur la fermeture de la maison de retraite.
Elle soutient sa mère à 200 % et croit dur comme fer en son innocence. Car, pour elle, cette dernière n’est pas coupable de ce dont on l’accuse. «Elle compte plus de 22 ans dans le domaine. Ce n’est pas pour de l’argent qu’elle aurait mis sa carrière en danger. Elle a fait du social pendant des années avant de se lancer dans ce métier. D’ailleurs, c’est elle-même qui s’occupait de Solange Aza. Cette dame lui vouait une grande affection. Et le vendredi 3 mai, elle a fait une chute. Elle est tombée de son lit. On voulait l’emmener à l’hôpital, mais elle a refusé», précise la fille d’Antoinette Roussety. Elle poursuit : «Ma mère n’a pas volé cette grosse somme d’argent. Elle n’a pas pu faire une chose pareille. Et concernant les Rs 150 000 qui auraient servi à acheter une voiture, je peux affirmer qu’il n’y a rien eu de tel. L’hospice n’a aucune voiture et ma mère n’a pas reçu Rs 150 000 de Solange May Aza. Nous avons contacté la famille lorsqu’elle avait été admise à la clinique. Mais personne ne répondait au téléphone.»
Elle n’est pas restée insensible au décès de Solange May Aza. Lors d’une réunion qui s’est tenue à son ministère le jeudi 8 mai, avec les directeurs des maisons de retraite dans le but de passer en revue les opérations de leurs établissements, Sheila Bappoo a commenté le cas de cette dame de 82 ans. «Je suis profondément choquée et bouleversée», a dit la ministre d’autant plus qu’il y a des allégations de fraude concernant l’argent que la défunte avait en banque. Devant les 59 directeurs présents, la ministre en a profité pour annoncer le renforcement de l’équipe d’inspection dans les maisons de retraite ; l’élaboration d’un code de conduite ; la mise en place des programmes de formation pour les employés de ces établissements ; et la fermeture des maisons de retraite qui ne sont pas en conformité avec les dispositions de la Residential Care Home Act.
Elle a insisté sur le fait qu’elle sera intraitable envers les propriétaires des maisons de retraite privées qui opèrent sans permis et sont dans des situations illégales. «Je ne veux nullement que ces homes opèrent dans des situations malsaines car il y va du bien-être et de la sécurité des personnes âgées et des handicapés», a fait comprendre la ministre, avant de déclarer qu’elle est au courant des problèmes inimaginables et des pratiques non conformes à la loi qui ont cours dans certaines maisons de retraite. Toutefois, elle dit reconnaître que bon nombre de ces établissements «travaillent de façon convenable et dans l’esprit de la loi», tout en précisant que l’octroi d’une licence ou d’un permis d’opération n’est pas d’une durée indéterminée, mais peut être suspendu en cas de mauvaises pratiques. «Mon ministère doit être informé tout de suite en cas de décès. C’est impensable que l’on apprenne le décès d’un pensionnaire seulement lorsque l’officier effectue sa visite de routine», dit-elle. Sheila Bappoo a aussi souligné qu’une maison de retraite ne peut prendre sur elle la décision d’organiser les funérailles sans en avertir les parents du défunt. L’institution doit préalablement obtenir un certificat de décès de la personne et au cas où les parents ne se manifestent pas, la direction peut organiser les funérailles selon les rites religieux.
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