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Navin Ramgoolam, la dégringolade

8 février 2015

L’ex-chef du gouvernement s’est livré à un bain de foule après sa libération.

Voilà une affaire qui tient le pays en haleine depuis deux jours. Et ce n’est pas près de s’arrêter. Tous les yeux sont braqués sur Navin Ramgoolam qui a été arrêté pour complot dans le cadre de l’affaire Roches-Noires, mais pas seulement. Il est aussi soupçonné de blanchiment d’argent. Pour cause : les Mauriciens ont appris, avec stupeur, que Rs 5 millions (Rs 995 000 en espèces, 473 dollars américains, 70 025 euros, 11 765 livres sterling et 20 000 dollars américains en Traveller’s Cheques, selon le service de presse de la police) ont été retrouvées chez lui, à Vacoas, vendredi soir, et que deux coffres saisies sur place pourraient contenir plus de Rs 100 millions !

 


D’un coup, l’affaire Roches-Noires est quelque peu éclipsée par cette histoire de gros sous dont on ne connaît pas encore l’origine. L’ancien Premier ministre (PM) devra venir justifier la possession de cette énorme somme d’argent et sa provenance. Après avoir passé une longue nuit, de vendredi à samedi, entre arrestation, perquisition à son bureau à la rue Desforges et à son domicile à Riverwalk, Vacoas, passage aux Casernes centrales et détention à Moka, il a passé une journée tout aussi interminable, hier, entre les mains de la police et de la justice. Mais il a finalement été relâché après avoir payé deux cautions de Rs 200 000 (pour chaque charge qui pèse sur lui) et signé deux reconnaissances de dettes de Rs 1 million, à son grand soulagement et celui de ses proches du parti et ses partisans, venus en grand nombre pour le soutenir. Cette nouvelle a d’ailleurs été accueillie par des pétarades et des cris de joie vers 17h30.

 


Peu après, son avocat, Me Yousuf Mohamed, s’est adressé à la presse : «Nous sommes très motivés. Me Gavin Glover a fait du bon travail. Navin Ramgoolam pourra dormir chez lui ce soir. L’enquête ne va pas continuer aujourd’hui (NdlR : samedi). Nous prendrons rendez-vous avec les enquêteurs demain (NdlR : dimanche) ou lundi.» C’est à 18h45 que Navin Ramgoolam est sorti de la cour, soulagé, mais ému, et a fait une courte déclaration aux journalistes : «Je remercie la justice et mes avocats qui ont été là : Yousuf Mohamed, Gavin Glover, Hamid Moolan, Raj Pentiah, Dinesh Ramphul, Showkut Oozeer. Ils ont bien travaillé. Je crois dans la justice.» Il a enfin pu rentrer chez lui après plus de 24 heures entre les mains de la police et de la justice. Mais cela n’a pas duré. Peu après, les enquêteurs se sont rendus chez lui, à Riverwalk, pour une autre fouille, puis il a dû les accompagner à son bureau de la rue Desforges avec ses avocats pour qu’ils effectuent le même exercice qui a pris fin un peu avant 22 heures (voir hors-texte). La journée d’hier a été décidément bien longue pour Navin Ramgoolam.

 


Retour sur cet interminable samedi, durant lequel l’ancien PM a passé presque toute la journée aux Casernes centrales, puis à la Bail and Remand Court. C’est à 9 heures que Navin Ramgoolam arrive aux Casernes centrales, dans un véhicule de la police, venant directement du centre de détention de Moka. Vêtu d’un costume deux-pièces bleu marine, d’une chemise à rayures bleues et blanches, d’une cravate bleu marine également, il a l’air fatigué, crispé, mais plus sûr de lui que la veille, quand il avait été arrêté à la rue Desforges et amené par la police sous les huées d’une foule hostile massée devant son bureau. Les enquêteurs le font monter directement au bureau du Central Criminal Investigation Department (CCID).

 


Entre 10 heures et 10h30, ses hommes de loi débarquent, Mes Yousuf Mohamed et sir Hamid Moolan en premiers et Me Gavin Glover un peu plus tard. Arvin Boolell, les avocats Raj Pentiah et Siddharta Hawoldar sont également présents aux abords du bureau du CCID, attendant la suite des événements. Ce n’est que vers midi, après les procédures d’usage, que Navin Ramgoolam, la mine grave, est emmené à la Bail and Remand Court, escorté toujours de plusieurs policiers.

 


Entre-temps, devant la cour de justice, s’est massée une petite foule d’environ 200 personnes, visiblement partisane de l’ancien chef du gouvernement et du Parti travailliste, venue soutenir le leader rouge. Quelques personnes qui sont venues au siège Square Guy Rozemont sont redirigées vers la cour. Là, vêtus de rouge, avec des drapeaux au symbole du Parti travailliste et des banderoles sur lesquelles on peut lire Pa tous nou Navin, les sympathisants surexcités scandent des slogans comme «dominer», «la hont», «li pa enn kriminel», «Navin nou lerwa !», entre autres. Une forte escouade de la Special Supporting Unit et de l’unité anti-émeute et des policiers en uniforme et en civil veillent au grain pour éviter tout débordement.

 


Pétarades

 


Mais Navin Ramgoolam ne verra pas tout cela, car c’est par la porte de derrière qu’il est introduit dans la Bail and Remand Court où il paraît soulagé et heureux de retrouver des membres de son parti : Patrick Assirvaden, Nita Deerpalsing, Yatin Varma, Indranee Seebun, Mireille Martin, Shakeel Mohamed, Assad Peeroo, Rajesh Jeetah, Devanand Rittoo, Tassarajen Pillay Chedumbrum, entre autres, venus en force pour montrer leur solidarité. Après un petit salut et un sourire à sa bande, Navin Ramgoolam rejoint sa place et la séance peut commencer devant la magistrate Shefali Ganoo. Deux accusations provisoires sont retenues contre l’ancien PM : conspiracy for effecting public mischief dans le cadre de l’affaire Roches-Noires et money laundering en raison de l’importante somme d’argent retrouvée chez lui et que la police soupçonne que Navin Ramgoolam aurait pu emporter à l’étranger, d’autant qu’il devait quitter le pays pour le Nigeria aujourd’hui. Il devait s’y rendre sur invitation du National Democratic Institute des États-Unis pour agir comme observateur lors des élections présidentielles là-bas.

 


Après la lecture des charges, la police, à travers le chef inspecteur Nutchetram, objecte d’emblée à la remise en liberté sous caution de Navin Ramgoolam pour trois raisons : il pourrait quitter le pays ; il pourrait temper with evidence and witness ; et pour sa propre sécurité. Des raisons qui sont contestées par la défense, à travers Me Gavin Glover qui est son leading counsel avec Me Yousuf Mohamed. L’homme de loi demande alors à l’ancien PM s’il est disposé à remettre ses passeports à la police comme garantie qu’il ne quittera pas le pays, s’il compte temper with evidence and witness et s’il craint pour sa propre sécurité. Des questions auxquelles Navin Ramgoolam répondra évidemment par «oui» pour la première et par «non» pour les deux autres, d’une voix assurée. Ensuite, place aux discussions avant le ruling de la magistrate.

 


Dehors, les partisans rouges redoublent de vigueur, scandant de plus belle des slogans pro-Navin et anti- gouvernement. Quelques dames en saris font même des prières dans l’espoir que l’inculpé soit libéré sous caution. Des échauffourées éclatent ça et là, mais sont vite dissipés par les membres des forces de l’ordre. L’attente est longue. À 17 heures, le ruling n’est toujours pas rendu, mais il se chuchote que Navin Ramgoolam pourrait effectivement être relâché. Les sympathisants préparent même des pétards pour célébrer cette libération conditionnelle.

 


Aux Casernes centrales, les journalistes et photographes de presse poirotent en attendant de savoir si Navin Ramgoolam sera ramené au bureau du CCID après sa comparution en cour afin d’être enfin interrogé et si les deux coffres seront ouverts. Car des sources policières leur ont confié que celles-ci seront ouvertes même en l’absence des codes qui seraient en possession de Veena Ramgoolam – cette dernière serait bien à Maurice contrairement à ce que laissaient entendre certaines rumeurs. Des ingénieurs de la police et des serruriers ont déjà été contactés pour mener cette mission à bien. Plus tôt dans la journée, le service de presse de la police avait tenu une conférence de presse pour divulguer le montant de la somme retrouvée chez l’ancien PM, la veille. Celui-ci s’élèverait à Rs 18 millions. Mais la police viendra dire peu après qu’il y a eu une erreur au niveau des calculs et que la somme s’élève en fait à Rs 5 millions.

 


Finalement, il n’y aura ni interrogatoire, ni ouverture des coffres en ce samedi, mais Navin Ramgoolam et ses hommes de loi ont dû assister à de nouvelles fouilles à Desforges et Riverwalk, hier soir.   Qu’est-ce qu’il y aura maintenant ? En attendant de connaître la suite des événements, les Mauriciens restent secoués par toute cette affaire et dans un suspense pas possible.

 

 


 

 


De nouvelles fouilles à Riverwalk et Desforges

 


Hier soir, les enquêteurs du CCID se sont livrés à une nouvelle fouille à la rue Desforges en présence de Navin Ramgoolam et de ses hommes de loi. Juste avant, ils s’étaient rendus chez lui à Riverwalk, pour effectuer le même exercice. Mais les hommes de loi de l’ancien PM disent ne pas comprendre le pourquoi de ces nouvelles fouilles. «Ils sont venus à Riverwalk et Desforges, ils ont fouillé sur la base de certaines informations sans rien trouver. Ils ne nous ont pas dit ce qu’ils cherchaient», nous a expliqué Me Gavin Glover. Une source policière nous informe que les enquêteurs se sont rendus à ces deux endroits afin de rechercher des documents et des preuves relatifs aux deux charges retenues contre Navin Ramgoolam. Selon notre interlocuteur, cet exercice était nécessaire, d’autant, dit-il, que les enquêteurs n’avaient pas fait de fouille approfondie au bureau de la rue Desforges vendredi.

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