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31 mai 2016 20:59
Ilne prend pas la peine d’essuyer ses lunettes recouvertes de brume. Sans doute, pour cacher ses émotions. Car si on le regarde bien, on voit ses yeux rougis et larmoyants perdus dans le vide, témoignage de l’horrible souffrance qu’il endure depuis quelques jours. Ce père de sept enfants avoue avoir trimé toute sa vie, du matin au soir, pour élever ces derniers. Il a aussi, dit-il, fait son maximum pour les éduquer et leur inculquer les valeurs de la vie.
Mais aujourd’hui, bien que convaincu d’avoir fait de son mieux, il ne peut s’empêcher de se demander où il a échoué. «Notre famille a toujours été très soudée et la paix a toujours régné chez nous. Je ne comprends pas comment mon fils a pu faire une telle chose. C’est difficile à croire. Mais il a avoué», lâche-t-il, l’air complètement désolé. Depuis une semaine, Dharasdev Bumma, un habitant de Nouvelle-France, ne dort plus, ne mange plus. Bref, il ne vit plus depuis que son fils Mithunsing, plus connu comme Nitin, l’a plongé dans le désespoir et la honte. Lui qui a toujours marché la tête haute dans son village doit maintenant affronter les regards pesants des uns et des autres depuis que son fils a avoué avoir tué son épouse Vidhi.
Le corps calciné de cette jeune femme de 28 ansa été retrouvé le dimanche 22 mai, dans un champ à Eau-Bouillie, dans l’Est. Nitin Bumma, 34 ans,a été arrêté peu après et est passé aux aveux. Au départ, il a déclaré avoir étranglé sa femme Vidhi dans son sommeil, dans la soirée du samedi 21 mai. Mais dans une nouvelle déclaration le mercredi 25 mai, il a avoué avoir poignardé la mère de ses deux enfants au cœur alors qu’elle dormait. Ce n’est que le lendemain matin qu’il a transporté le cadavre dans un champ non loin de chez lui avant d’y mettre le feu (voir hors-texte). Un plan machiavélique minutieusement orchestré par Nitin Bumma qui, depuis, est enfermé dans une cellule au poste de police de Belle-Mare.
Sa famille, terriblement choquée, n’arrive pas à s’expliquer un tel drame. Car, à en croire Dharasdev Bumma, son fils Nitin était un père aimant et un mari très amoureux de sa femme. Mais comment, dans ce cas, expliquer qu’il est passé du statut d’homme sans histoire à celui de meurtrier présumé ? À cette question, Dharasdev Bumma ne sait quoi répondre. «La nature de son acte me choque, me révolte. Car il n’a jamais agi avec violence. Je ne l’ai jamais vu se disputer avec son épouse ou la frapper. Jamais !»Bien au contraire, dit-il, Nitin et Vidhi formaient un couple dont le bonheur sautait aux yeux.
D’ailleurs, poursuit Dharasdev, son fils n’a jamais été de nature violente. Enfant, Nitin était un garçon doux et calme. Des traits de caractère qui reviennent comme un leitmotiv chez ceux qui l’ont côtoyé. À l’instar de Muslim Boodhoo, son ami proche. «Je l’ai toujours connu très calme. Je ne comprends pas comment il a pu faire une chose aussi horrible. Il ne disait jamais un mot de travers lorsqu’il parlait.»
Cadet d’une fratrie de sept enfants, Nitin Bumma a dû quitter l’école très tôt, après avoir passé ses examens du Certificate of Primary Education.Sa famille, très modeste, n’avait pas les moyens de l’envoyer au collège. «Il fallait nourrir sept enfants. Les temps étaient durs. Nitin m’aidait dans les plantations de légumes et faisait des petits travaux à la maison. Àl’âge de 15 ans, il a commencé à travailler dans un poulailler», raconte Dharasdev, les larmes aux yeux.
C’est à travers cet emploi que le jeune homme fait la connaissance de Vidhi. Son premier amour qui deviendra ensuite son épouse et la mère de ses enfants. «Il l’a rencontrée à Les Mariannes, là où habitait Vidhi avant son mariage, lors d’une de ses virées de livraison. Très vite, mon fils m’a appris qu’il était amoureux d’elle. Je lui ai dit qu’il fallait faire les choses bien et envoyer sa demande. Et j’ai organisé son mariage de A à Z.»De la construction de la maison de Nitin aux préparatifs de la cérémonie. «Li pann gagn enn sou traka», lance-t-il, amer.
Puis, Nitin est devenu le papa d’un petit garçon, comme il l’espérait tant. Aujourd’hui, le petit est âgé de 7 ans. Et il y a 11 mois, il a de nouveau goûté à la joie de devenir papa avec la naissance d’une petite princesse. «Il avait de beaux projets pour eux, pour sa famille. Il ne vivait que pour elle et travaillait dur pour qu’elle ne manque de rien. Il ne fume pas, ne boit pas. Cette année, il avait prévu d’acheter une fourgonnette et de se mettre à son compte.»
Vidhi, poursuit Dharadev, était elle aussi une femme très douce, toujours prête à rendre service. Maintenant, elle est partie à jamais et Nitin est en prison. Depuis le terrible drame qui a bouleversé toute la famille, Dharasdev a pris les deux enfants du couple sous son aile et souligne que c’est à lui d’assurer leur avenirdésormais. De leur donner tout l’amour et toutes les choses matérielles dont ils ont besoin. De combler l’absence soudaine de leurs deux parents. En même temps, Dharasdev essaie toujours de comprendre ce meurtre atroce de sa bru par son fils. Mais pour l’heure, c’est pour lui et toute sa famille, une réalité impossible à comprendre.Et surtout à accepter.
Après son arrestation, le dimanche 22 mai, Nitin Bumma n’a pas tardé à avouer le meurtre de son épouse Vidhi. Il a déclaré l’avoir étranglée dans son sommeil avant de transporter le cadavre dans un champ pour y mettre le feu. Il avait aussi déclaré que sa femme avait un amant. Mais il a changé sa version des faits lors d’un autre interrogatoire, le mercredi 25 mai, et expliqué dans les moindres détails le plan machiavélique qu’il avait mis en place afin de se débarrasser de la mère de ses enfants. Il ne supportait plus, dit-il, les reproches de sa femme qui ne cessait de lui demander de mettre fin à une relation extraconjugale qu’il entretenait, lui, depuis plusieurs mois.
Lors d’une énième dispute à ce sujet dans la soirée du vendredi 20 mai, il a, dit-il, attendu que ses enfants soient endormis ainsi que sa femme qui faisait chambre à part. Il s’est alors rendu dans sa chambre et lui a mis une serviette sur la bouche pour l’empêcher de crier avant de la poignarder aucœur à plusieurs reprises avec un couteau de cuisine. C’est du sang retrouvé dans la maison par la police scientifique, le lundi 23 mai, qui a mis la puce à l’oreille des enquêteurs.
Confronté à ces éléments, le mercredi 25 mai, Nitin Bumma est revenu sur sa version des faits et a participé à une reconstitution le lendemain, sous forte escorte policière. Il a expliqué comment il a poignardé sa femme avant d’envelopper son corps sans vie dans un drap. Ensuite, il a mis le cadavre dans un sac en plastique. Il adécoupé la partie maculée de sang du matelas et a mis ses vêtements remplis de sang ainsi que le drap du lit à laver.
Ensuite, aux petites heures du matin, le samedi 21 mai, il s’est rendu chez son employeur pour emprunter sonvéhicule avec lequel il a transporté le corps de sa femme ainsi que des morceaux ensanglantés de son matelas jusqu’à unchamp à Eau-Bouillie où il a caché la dépouille avant de retourner à ses occupations habituelles.
Dans l’après-midi, il est retourné dans le champ avec dupétrole acheté dans une boutique de sa localité. Il aurait constitué un bûcher avec des vieux pneus, des morceaux de bois et les morceaux du matelas pour brûler le corps de sa victime. Il a raconté à la police avoir regardé le cadavre se consumer avant de rentrer chez lui avec l’intention de revenir plus tard. Entre-temps, pour brouiller les pistes et se mettre à couvert, il a fait croire à tout le monde que sa femme avait quitté le toit conjugal. Il a demandé à son frère de l’accompagner au poste de police pour signaler la disparition de Vidhi, non sans mentionner qu’il la soupçonnait d’avoir fugué avec un amant. Il s’est ensuite rendu chez les proches de Vidhi à Les Mariannes pour informer ses proches de sa disparition. Alors qu’il lui avait déjà ôté la vie de manière atroce.
Le dimanche 22 mai, Nitin Bumma s’est rendu dans le champ pour récupérer les cendres de sa femme, mais comme celles-ci étaient encore chaudes, il a décidé de rentrer. C’est alors qu’il est tombé sur Siddick Sullymunjeeajee, qui se rendait dans sa plantation de légumes, à l’endroit même où se trouvait le cadavre de Vidhi. «Mo pe rod goyav de Chine», lui adéclaré Nitin Bumma. Quelques minutes plus tard, le planteur découvrait l’horreur et alertait la police. Celle-ci n’a pas tardé à mettre la main sur le présumé meurtrier et à le faire avouer son forfait.
Les nouvelles révélations de Nitin Bumma à la police n’ont fait qu’accentuer la douleur des proches de Vidhi Bumma. Mais pas seulement. «Nous avons encore plus de haine pour son meurtrier. Il a dit dans sa déposition qu’il avait une maîtresse. C’est sûrement pour cette raison qu’il s’est débarrassé de ma sœur. Mais luia préféré salir son honneur en disant que c’est elle qui avait un amant et qu’elle lui avait fait croire qu’il n’était pas le père de ses enfants», lance Nita Ramit, la sœur de la victime, révoltée.
Chez les proches de Nidhi Bumma, à Les Mariannes, la désolation est à son comble. Les chaises installées sous la varangue accueillent depuis quelques jours, journalistes, enquêteurs et proches venus présenter leurs sympathies. Assis sur une des chaises, Vishal Chinabanz, le frère de Vidhi, ne peut contenir ses émotions. Les larmes aux yeux, il dit regretter de ne pas avoir insisté auprès de sa sœur, le vendredi 1er avril, pour qu’elle quitte enfin le toit conjugal.
«Ce jour-là, elle m’avait appelé pour me demander de venir la chercher car son mari avait essayé de l’étrangler. Mais une fois que je suis arrivé sur place, elle a refusé de me suivre», dit-il, dépité. Deux jours plus tard, soit le dimanche 3 avril, la même scène se serait répétée. «Son maria ensuite quitté la maison. Sa belle-mère lui a alors interdit de quitter la maison en son absence alors qu’elle avait été rouée de coups. Personne ne l’a protégée.»
Nita Ramit, la sœur de la victime, abonde dans le même sens. Très proche de Vidhi, elle avance que sa sœur n’était plus heureuse dans son couple depuis un moment. «Mais c’est tout récemment qu’elle en a parlé. Elle me disait que son mari la frappait car il avait une maîtresse. Ma sœur a échappé à la mort en avril. Nitin avait aussi essayé de l’étouffer avec une serviette», précise-t-elle, la voix remplie de chagrin. Son beau-frère, poursuit-elle, avait ensuite imploré le pardon de sa femme et promis de ne plus la brutaliser. «Il était venu chez nous. Et avait même fait le serment, sur la tête de ses enfants, que plus jamais, il ne ferait de mal à ma sœur. Mais il a trompé tout le monde. Je ne pourrai jamais lui pardonner.»
Vidhi étaitla benjamine d’une famille de cinq enfants. Elle a étudié jusqu’en Form I au collège Soondur Manrakhan, à Montagne-Longue, avant de mettre fin à sa scolarité pour prendre soin de sa mère qui souffre de plusieurs complications de santé. «Ma sœur était un exemple pour la famille. Elle était une bonne mère et ne sortait jamais sans son mari. D’ailleurs, elle ne travaillait pas et passait tout son temps à s’occuper de ses enfants», confie Nita, tristement.
La mort tragique de Vidhi a frappé durement sa famille. «Nous n’avons même pas pu voir son visage une dernière fois. Ne serait-ce qu’un petit morceau de peau. C’est très dur. Ma mère a dû être admise à l’hôpital et sa santé s’est fragilisée davantage. Nitin nous cause beaucoup de chagrin», lâche Nita. Ce qui la révolte le plus, c’est le plan machiavélique orchestré par le suspect qui a signalé la disparition de son épouse au poste de police après le meurtre avant de se lancer à sa recherche. «Le lendemain, soit samedi soir, il est venu chez ma mère et cherchait ma sœur comme un fou. Il disait qu’elle avait disparu et qu’il s’inquiétait beaucoup. Mais à ce moment-là, il avait déjà tué ma sœur.»
Il a été trouvé coupable à huit contre un par les membres du jury aux assises, le jeudi 26 mai. Sanjay Luchmun était poursuivi pour avoir brûlé vive sa compagne Santee Okhil en 2008. Lors de son procès aux assises, il a plaidé non coupable d’une charge de «manslaughter», mais a été cloué au pilori par Sandeep Gones, le fils de la victime. En cour, ce dernier, qui est atteint de trisomie, a affirmé que toute la scène s’estdéroulée sous ses yeux. Il a vu son beau-père asperger sa mère d’un produit inflammable, mettre le feu à un morceau de papier, avant de le jeter sur elle. Le juge Benjamin Marie Joseph s’est appuyé sur la gravité de l’offense commise. Dans son jugement, il a notamment souligné le fait que l’agresseur a ôté la vie de manière atroce à une mère qui avait des enfants en bas âge.
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